Arcade Fire marque l’histoire de Barcelone (05/07/2016 – Razzmatazz)
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Auteur·ice : Hugo Kermorvant
07/07/2016

Arcade Fire marque l’histoire de Barcelone (05/07/2016 – Razzmatazz)

La sensation d’assister à un moment d’histoire de la scène nocturne de Barcelone apparait très, très vite. En fait, dès l’enchaînement Ready To Start The Suburbs, on sait que l’on est 2500 privilégiés. Tout conflue: Avant leur passage aux festivals de Bilbao (BBK Live) et de Lisbonne (NOS Alive), Arcade Fire offre à Barcelone leur premier concert depuis deux ans, et surtout, un concert intime, dans une salle de club mythique pour les barcelonais, Razzmatazz, qui pêche malgré tout par une qualité sonore bien limitée.

Win Butler au piano, par @Indiespot

Win Butler au piano, par @Indiespot

Avoir obtenu nos places a déjà relevé du miracle, les 2500 tickets partant en moins de 20 minutes. Mais alors qu’on pouvait s’attendre à une séance de remise en forme, à un petit échauffement avant les gros concerts en plein air, les 12 (!) musiciens sur scène ont véritablement tout donné et s’en sont donné à coeur joie, enchantés aussi, une fois n’est pas coutume, par l’enthousiasme du public barcelonais. On avait eu droit le samedi précédent à un DJ-Set à Apolo, l’autre bastion Indé de la ville, de Win Butler déguisé en brigand du Far West, qui nous avait fait danser sur du funky-tropical mais aussi sur Talking Heads, The Knife, Hot Chip et bien sûr Reflektor.

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Win en train de dévaliser nos coeurs samedi soir

Premier concert en 2 ans + Proximité + Chaleur = Emotions Enfiévrées 

Le décor. Une salle de club de 2500 personnes, Razzmatazz, qui ressemblerait à une demi-Ancienne Belgique, et qui forme depuis 2000 des générations nocturnes à l’Indie.

Les acteurs. 12 musiciens donc, certains en costume trois pièces (Les frères Butler par exemple, Win en Blanc, Will en Rose), Régine resplendissant en tenue lunaire, Richard Reed Parry en combinaison rouge, etc.

Et la chaleur, la moiteur, la sueur, enfiévrant l’émotion de chacun.

Et après l’enchaînement des tubes de The Suburbs, qui ont permis de joindre dans une même ferveur groupe et public, dans un état cathartique qui n’empêchait ni les uns, ni les autres, d’être pleinement conscients de l’unicité de ce concert de proximité, Régine a dansé, tourné, virevolté, sur la disco Sprawl II, sous un fond étoilé, qui malheureusement, rappelait les étoiles formées par les trop nombreux téléphones filmant le concert (On y reviendra).

Régine virevoltant sur Sprawl II

Régine virevoltant sur Sprawl II

“Thought You Were praying to the resurrector.”

Puis survient le moment de grâce sur une infinie Reflektor, où Win Butler s’avance, chantant accolé aux mains des spectateurs des premiers rangs, majestueux, posant figé tel un des anges déchus de Wim Wenders, priant et rappelant Bowie “Thought you were praying to the resurrector”.

Ce concert a été sauvage, épuisant, dans sa densité physique et émotionnelle, ce qui explique un Afterlife pour lesquels le public était déjà trop vidé. Mais lorsque l’on pensait avoir droit à un moment de répit, la troupe a enchaîné deux majestueuses We Exist et surtout Normal Person, qui prenaient alors tout le sens qui semblait leur échapper sur l’album Reflektor.

Les suaves mais euphorisantes Keep the Car Running et Intervention, nous dirigeaient ensuite doucement vers une mystique My Body Is a Cage (qui conclut Neon Bible), jouée pour la première fois depuis 2012, chantée tout d’abord à capella par les 4 premiers musiciens du groupe avec Win n’hesitant pas à élever la voix pour éteindre les applaudissements qui suivaient un rythme qui n’avait aucun sens. Evidemment, le contexte se prêtait à la chanson, Razzmatazz étant formé de structures métalliques, se refermant sur le groupe et le public comme une cage; la ferveur religieuse du concert et la prestance christique de Win faisant écho aux orgues. L’explosion finale dans un silence figé des 2500 assistants, est certainement un des plus beaux instants auxquels on ait pu assister en live.

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Puis, dans la dernière partie du concert, tout s’est enchaîné très vite, dans une profusion de percussions et de tubes. Car il manquait les chansons de Funeral, celles pour lesquelles tout avait commencé en 2004. Une rageuse We Used To Wait, où Win, magnifique dans sa recherche de la grâce des concerts d’antan, arrache un téléphone qui le filme et le lance à la foule; l’hymne enchanté No Cars Go, chanté et rechanté; les danses charmeuses de Régine Chassagne sur Haiti; les fabuleuses Neigbourhood#1 (Tunnels) et #3 (Power Out); puis une folie à deux (mille-cinq-cents) sur Rebellion (Lies), où Will Butler, formidable, déraisonné, arrache une chaussure d’une fille sur la balustrade, pour frapper plus et plus fort son tambour.

Concert unique et pour l’éternité

Le délire qui pointait depuis de nombreuses chansons a laissé place à un chaos fantastique sur Here Comes the Night Time, l’apparition de 5 ou 6 créatures portant de monstrueux masques représentant certains des musiciens de la troupe (ceux du videoclip de Reflektor), empiétant les canadiens sur une scène bien trop petite, finissant de désaxer le public. Puis la fin, sur Wake Up, sur laquelle ils finissent tous leurs concerts depuis 2004, nous a plongé dans les profondeurs de notre imaginaire mémoriel pour essayer de se souvenir d’un concert qui nous aura autant marqué que celui-ci. Mais ce fut vain. Il est injuste de comparer ce concert aux nombreux autres concerts qu’Arcade Fire a pu faire en live en festival ou dans de grandes halles de sport, il est injuste de le comparer à d’autres groupes aussi grands qu’eux qui ont pu jouer en petite salle à leurs débuts, il serait injuste de le comparer aux concerts de groupes qui n’ont pas la même aura que la leur.

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On a vu des hommes de 50 ans pleurer, on a été hypnotisé. On a vu peu de nouveautés, il est vrai, Arcade Fire continue à jouer sur ses acquis, sur tout ce qu’on a pu vivre sur leurs tournées précédentes, mais deux ans plus tard, et dans un format aussi intime qu’on sait extraordinaire et difficilement reproductible, cela n’a plus vraiment beaucoup d’importance. Et contrairement à ce que l’on a toujours défendu, sourire en écoutant de la musique n’est pas un crime. Il y a une vie au-delà du No-joy. Et elle est sacrément agréable.

Concert d’Arcade Fire à Barcelone, Sala Razzmatazz, 05 Juillet 2016.

Setlist.

  1. Ready To Start
  2. The Suburbs
  3. Sprawl II (Mountains Beyond Mountains)
  4. Reflektor
  5. Afterlife
  6. We Exist
  7. Normal Person
  8. Keep the Car Running
  9. Intervention
  10. My Body Is a Cage
  11. We Used to Wait
  12. No Cars Go
  13. Haïti
  14. Neigborhood #1 (Tunnels)
  15. Neigborhood #3 (Power Out)
  16. Rebellion (Lies)
  17. Here Comes the Night Time
  18. Wake Up (Encore)

Hugo Kermorvant

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