Bagarre : Passé, présent, futur.
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Auteur·ice : Charles Gallet
24/04/2019

Bagarre : Passé, présent, futur.

On vous voit venir, on sait ce que vous allez dire : encore une interview de Bagarre ?! Et bien oui et pour deux raisons : déjà, on n’abuse jamais des bonnes choses et ensuite l’actualité s’y prête ! Le gang le plus cool de la pop France termine actuellement sa tournée pour Club 12345, bosse sur leur nouvel album et vient de sortir l’excellente Kabylifornie. L’occasion de se poser avec eux pour parler du passé, du présent et du futur.

 

La Vague Parallèle : Il y a un an jour pour jour, on se retrouvait déjà à Lille. Est-ce que vous êtes moins fatigués qu’à l’époque ?

Emmaï Dee : On est sur-chaud !

La Bête : Ouais de ouf !

LVP : Quel recul vous portez sur cette année ?

L.B : Déjà on a eu une vraie tournée. A l’époque c’était la quatrième date et on avait enchaîné très rapidement entre la fin de l’album et le commencement du live. C’était le début mais notre corps a eu besoin d’un peu de temps pour s’y mettre. On a eu une vraie longue tournée, on a fait plus de 70 dates et on a eu le temps de kiffer, d’être un peu saoulé pour rekiffer à nouveau et c’était un peu une première.
On a pu réaliser que notre album a eu un vrai écho sur notre public et surtout nous ouvrir à d’autres personnes.
Par exemple, à Lille, tu nous a connu quand on était 15 à La Péniche en 2014 et avec l’album on était plus de 700 dans la grande salle de l’Aéronef.

E.D : C’était la première fois qu’on faisait une tournée en province avec des dates à notre nom, où les gens payaient pour venir nous voir nous. C’était chouette et on est hyper content de cette tournée.

Maître Clap : C’est vrai qu’avant l’album on avait surtout joué devant un public de curieux, des gens qui venaient découvrir les groupes dont ils avaient entendu parler… Là on était face à un public qui aimait vraiment le projet et qui était là pour ça. Et personnellement j’ai trouvé ce public hyper cool et hyper stylé. Je suis vraiment content d’avoir ce public.

E.D : Ouais, on kiffe notre public !

Majnoun : C’est vrai que c’est un peu étonnant de découvrir son public. Quand tu vois que sur l’une de nos premières dates à Strasbourg, il y avait 400 personnes, on s’est dit « wow ». Le fait de traverser la France et de voir qu’il y a des gens un peu partout qui te suivent, qu’il y a un vrai maillage, c’est assez grisant comme sensation.

L.B : Bêtement, tu t’imagines que ton public va te ressembler, un peu comme quand tu fais un enfant… Même si c’est plus logique avec ton enfant (rires). Finalement tu réalises que ton public ne te ressemble pas, qu’il est même assez différent de toi mais d’une manière assez belle. Tu réalises que les gens plus jeunes que nous sont plus stylés que nous…

Ma : C’est eux le club en fait.

L.B : Il y a quelque chose d’assez flamboyant en fait, des gens ultra-libres sur plein de sujets, tout un tas de communautés différentes, que ce soit queer et no-gender, et tu as vraiment envie de leur envoyer quelque chose de cool en live.

LVP : J’ai des souvenirs assez chaotiques de votre tournée, de Solidays à Pitchfork. Je me demandais quels étaient vos souvenirs marquants de tournée ?

Ma : C’est vrai que le brouillard de Solidays… C’était un peu le desert storm ce concert.

M.C : Pitchfork c’était un vrai concert, un des meilleurs souvenirs. On a réalisé un peu notre rêve d’enfant : La Bête a cassé sa guitare et l’ampli, on a balancé la batterie…

LVP : Mais l’ampli n’avait pas explosé aux Nuits Secrètes ?

Ma : Non il a tenu aux Nuits Secrètes ! Donc on s’est dit on le termine à Pitchfork !

E.D : On le rallume et il remarche.

L.B : Du coup tu crées une relation intense avec ton ampli. Quand tu as ton ampli depuis longtemps, il devient un peu une extension de toi… On l’avait même maquillé pour son dernier concert aux Nuits Secrètes et moi le gros concert dont je me souviens c’est celui-là d’ailleurs. Il y a eu plein de moments mais celui-là , je me suis dit «  c’était sale, c’était très très sale ».
En plus ce qui était drôle, c’est qu’on jouait tôt mais dans ma tête il était deux heures du mat’ et c’était assez dingue.

E.D : Après il y a eu le DJ Set le soir et c’était incroyable !

M.C C’est vrai que c’était un trop bon souvenir. Ton père doit s’en souvenir, par contre ton pote un peu moins je pense (rires). (Pour comprendre l’anecdote en question : un ami, qu’on ne nommera pas, a failli se faire embarquer par une ambulance sur la route du retour parce qu’il était en position fœtale au bord de la route. Mais ne vous inquiétez pas, Quinton va bien, on le salue).

L.B : En vrai ce jour là on a mis la misère aux autres groupes, on a vraiment mis la barre très haut. Ce qui est marrant c’est que les techniciens de festival, tu te dis qu’ils ont vu plein de choses dans le monde du rock et quand on a tout pété ils sont venu nous voir en nous disant «  non mais c’est quoi ce délire ?! »

Mus : Je pense surtout qu’ils ne s’attendaient pas à ça.

L.B : En vrai on a rien pété à part notre matos.

Ma : On casse responsable (rires). On n’a pas défoncé les claviers quoi.

Mu : Moi la batterie je la casse et je la remonte direct.

LVP : Et en vrai, instant égotrip : ça fait quoi d’être le meilleur live de France ?

Mu : En vrai c’est un peu triste de voir qu’on trouve pas de groupes avec qui rivaliser. (rires)

Ma : On attend Régis à Bourg-Palette (rires).

L.B : Ça fait quoi ? Ben ça fait kiffer. En live il y a ce truc qui ne s’enlève jamais : l’instant direct et la sincérité que ça génère autant pour nous que pour les gens. C’est vraiment une drogue, un truc magique que tu as envie de garder tout le temps et d’y retourner. Parce que tout ce qu’il y a autour du live c’est vraiment éreintant : tu dors peu, tu bois et tu manges de la merde. Tout ça c’est très fatigant mais le moment de la scène vient toujours racheter ça. Et je pense que quand ça ne suffira plus, on arrêtera.

M.C : Je pense qu’on ne pourra jamais faire la chose à moitié.

E.D : Je pense vraiment qu’on a le truc excitant, cette espèce de flamme. On peut perfectionner le bordel avec des bons instruments, de la technique et des nouvelles chansons… Mais le truc du live, on l’a en nous, tous les cinq ensemble quand on est sur scène donc c’est que du positif.

Ma : Finalement le meilleur groupe de live avec le meilleur public de France, ce soir ça va être Barça- Réal en effet (c’était le cas).

LVP : C’est un peu le chant du cygne de la tournée Club 12345. Est-ce que vous pouvez déjà nous parler de ce qui arrive ?

L.B : C’est pareil mais mieux (rires).

Ma : On va tenter d’augmenter les contrastes. Quand on voudra faire du doux on ira plus loin dans le doux et quand on voudra faire du véner, on ira plus loin dans le véner. On va chercher à creuser l’écart, plus forcément essayer de tout mettre dans une même chanson.

Mu : Le truc qui est cool c’est que comme on s’est mis à composer des nouvelles chansons sur la fin de la tournée, on est encore hyper stimulé par toutes les dates et tu penses direct au live. Du coup ça te pousse vraiment à forcer les traits.

L.B : Surtout maintenant, on a tous une première chanson. C’est officiel tout le monde chante mais il y a une vraie expérience qui se fait sur le format chanson. Si tu as fait une ballade, tu as envie de te faire un banger maintenant et c’est cool car ça crée une ambition collective. On n’a pas tous chanté en même temps, mais maintenant on est tous au même endroit et il y a cette émulsion qui apparaît à tous les étages que ce soit au niveau du texte ou au niveau des compos. Vu qu’on se comprend mieux, on ne garde que l’essence de ce qu’on est pour se mettre plus à nu.

Ma : On affine notre fonctionnement à cinq. Musique de Club c’était un peu la découverte de notre truc, on s’est redécouvert lors de la création de l’album. Maintenant on est dans le perfectionnement : on a trouvé nos formules et on va les approfondir avec toujours cette logique de se connaître à cinq et de continuer à travailler ça dans le meilleur angle possible.
C’est assez atypique cette idée d’écrire à cinq.

LVP : Justement, sur Kabylifornie, j’ai noté quelques points. C’est la première fois que la personne qui chante se caractérise dans la chanson. Le sujet était tellement personnel que tu pouvais pas faire autrement ?

Mu : Effectivement… Et puis c’est surtout parce que j’estime que moi je… (rires).
Non mais c’était assez naturel, c’est vraiment une présentation pour le coup. Contextualiser qui tu es et comment tu évolues.

Ma : Ce qui est cool c’est que c’est un morceau autobiographique pour le coup.

L.B : Il y avait une histoire et il fallait la raconter, c’est aussi simple que ça.

Mu : C’est nouveau tout ça, j’ai pas encore tous les codes mais ça va vite venir.

LVP : Finalement le titre est quand même hyper radical. Vous avez poussé le curseur assez loin.

L.B : C’est normal aussi, il fallait s’exciter de nouveau. Tu peux pas refaire ce que tu as déjà fait, moi personnellement je trouve pas ça intéressant et ça me saoule vite. Il faut toujours s’exciter et il y a un truc où il faut toujours aller plus loin et c’est ce qui créera la perte de l’humanité d’ailleurs.

M.C : On n’est pas dans une démarche de maturité en fait, on est surtout de plus en plus débile et c’est pas facile (rires).

L.B : C’est vrai en fait. C’est dur de rester, pas bête mais simple quand tu as les moyens de ne plus l’être.

Ma : La crise du deuxième album, c’est pas quelque chose qui nous travaille. Nous on fait juste des tracks sans se poser de questions.

LVP : C’est peut être le fait d’être cinq aussi ?

Ma : C’est vrai que quand y’a qu’une personne qui compose, si elle est séchée, elle est séchée.

E.D : C’est moins lourd d’une certaine manière. Nous on a cet avantage là c’est sur.

Mu : Et puis à cinq on a le luxe de pouvoir se dégager du doute quand il vient. On discute et on se pousse mutuellement… Kabylifornie c’est un thème qu’on a depuis longtemps et de moi même j’y serais jamais allé. On est quand même parti très très loin.

Ma : Ben on est allé en Kabylie quoi.

Mu : C’est cool de pouvoir discuter. On a des idées assez précises de ce qu’on peut faire et parler ça permet de se motiver et pouvoir concrétiser les choses.
Là on est parti en Algérie, dans ma famille en Kabylie que j’ai pas vu depuis des années. C’était un rêve un peu bizarre où tu te retrouves dans un lieu pas commun avec des gens qui n’ont rien à foutre là et c’était incroyable.

LVP : C’était un peu ta famille qui rencontre ta famille non ?

Mu : C’est exactement ça.

Ma : Même pour nous en tant que groupe, suivre Mus dans sa vie … On avait déjà enregistré le titre et partir là-bas en janvier pour tourner avant que ça devienne trop compliqué. Plus on avançait, plus on le clippait, plus on réalisait que tout ce qui était dit dans le morceau se révélait vrai. C’était un peu comme une prophétie dans Harry Potter (rires).

Mu : C’était assez fou comme expérience en vrai. C’est beau, on a partagé un truc de ouf et ça nous motive encore plus pour le futur.

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