Escapade à l’Île Seguin pour le Festival Chorus
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Auteur·ice : Victor Houillon
15/04/2019

Escapade à l’Île Seguin pour le Festival Chorus

Le Chorus, ce n’est pas que cet effet musical doux et chaud, que vous entendez lorsque Purple Rain passe à la radio. C’est aussi le petit nom du Festival des Hauts-De-Seine, qui se déroule sur l’Île Seguin. La Vague Parallèle s’y est faufilé pour ce premier festival de l’année 2019. Au programme, des concerts d’anthologie, des jolies surprises, et plus généralement cette joie de retrouver cette ambiance solaire caractéristique des festivals. Récit.

 

Le moment fort de Victor : Tricky

– Un défibrilateur, vite !

– Je veux la même chose !

– Wake up !

– Il est parti chercher une clope à Issy-Les-Moulineaux ?

C’est un euphémisme de dire que le passage de Tricky à l’Île Seguin aura intrigué, pour ne pas dire divisé. Une habitude pour l’artiste de Bristol, sorti sous un mélange (de beaucoup) d’applaudissements et (d’un peu) de huées. Et cela fait probablement partie du jeu. D’un côté, les adeptes hypnotisés par les spasmes du pionnier de la trip-hop, vivant sa musique intensément, entretenant un mystère constant alors que pas une seule fois la lumière ne s’abattra sur lui. De l’autre, les novices se demandant qui est cet étrange personnage qui murmure à peine, leur tourne le dos la plupart du temps et s’enfuit de scène sans un mot au bout de seulement vingt minutes. On a même douté qu’il revienne, puis ses musiciens sont revenus pour une chanson… sans lui. Il fera son retour sur scène pour une nouvelle danse électrique, toujours avec une aura énorme. Le mariage de sa voix presque glauque avec celle, sublime, de Marta Zlakowska sur fond de musique hard-rock est aussi dense que terrifiant.

C’était la première fois que j’assistais à une performance de ce drôle d’oiseau, et je dois dire que j’ai été saisi par l’esthétique génialement je-m’en-foutiste. Car si Tricky n’interagit pas avec son public à la manière d’un Julien Doré, il n’en reste pas moins que le voir trembler au son de sa propre musique, comme s’il n’était finalement qu’un spectateur parmi nous, prend au tripes. Capable de proposer un set très rock, sans synthés, lors de la “soirée électro” du Festival Chorus, capable aussi de s’allumer une clope sur scène, s’arrachant inlassablement son hoodie, on en vient à se poser la question suivante : et si, avec John Maus, Tricky était le dernier véritable punk ?

 

Le moment fort de Paul : Shaka Ponk

On l’avait annoncé, et on ne s’est pas trompé. Avant même d’avoir posé le pied sur l’Île Seguin, on se doutait que le concert de Shaka Ponk serait l’un des points d’orgues de cette édition 2019, et c’est peu dire que leur prestation a tenu toutes ses promesses. À chacun des passages du groupe, on se dit que cette fois, on s’y est fait, qu’on s’est habitué à ces prestations explosives, qu’elles ne nous surprendront plus. Pourtant, Frah, Sam, Ion, Stevee, Mandris et C.C parviennent à nous éblouir à chaque fois, et le spectacle qu’ils ont donné au Chorus n’a pas dérogé à la règle. Les six compères, toujours accompagnés de leur horde de singes pixelisés, ont parfaitement pris la mesure de la superbe Seine Musicale, pour donner une performance plus exaltée, plus impressionnante et plus vivante encore que celle qu’ils avaient donné à Solidays il y a tout juste quelques mois.

Force est de constater que depuis, Shaka Ponk a encore musclé son jeu. De sympathique complément de la musique, la partie numérique de leur spectacle est devenue un show époustouflant qui mêle animations, interactions avec le groupe et scènes épiques en fond de scène. L’énergie du groupe, elle, ne perd rien en intensité. Même avec une minerve, l’intenable Frah n’a pas résisté à l’envie de plonger dans la fosse au bout de quelques morceaux, déclenchant un circle pit depuis une plateforme amovible prévue à cet effet, se balançant au balcon de la salle ou se tenant debout sur les paumes tendues de ses fans. Car Shaka Ponk, c’est aussi cette capacité à se transcender à chaque concert, à faire de chaque prestation un modèle d’intensité et de don de soi, une manière unique de faire exploser des titres tels que Twisted Mind, I’m Picky ou sur la géniale reprise de Smells Like Teen Spirit.

En guise de final, le groupe s’est même offert une série de petits duels musicaux mémorables avec David Bowie, Lemmy Kilmister, Kurt Cobain et Prince, ressuscités sous la forme de mignons zombies sur l’immense écran de la scène. Et si la bande de singes est sortie de scène sous les quolibets des quatre légendes qu’elle venait d’affronter, elle aura en revanche largement conquis le coeur du public de la Seine Musicale venue en nombre pour l’acclamer.

Mais aussi… la vie douce

Avoir la chance de faire un festival sur une île, ça n’arrive pas tous les jours. On en a donc profité pour déambuler et profiter de l’ambiance estivale qui flottait dans l’air. Pour ce coup d’envoi de la saison, on a pris plaisir à flâner, un verre à la main, au gré des activités et des espaces proposés par le Chorus. On retiendra par exemple le Scratch Truck, qui proposait des initiations au métier de tourneur de disques. Un échec cuisant pour la rédaction, qui a encore du travail avant de pouvoir remplacer le légendaire Grandmaster Flash sur le parvis de l’Île Seguin. Un parvis qui aura également accueilli la prestation ensoleillée de Mayra Andrade et ce bon vieux Charlie Winston, qui aura permis à Paul de faire étalage de ses pas de danse tentaculaires sur le tube In Your Hands. Du tout autre côté du complexe, une terrasse aménagée en Espace Chill donnait un air de dolce vita bienvenu au gré des DJ sets mélliflus (oui, c’est un vrai mot) qui se succédaient sous la lente descente du soleil.

Au final, c’est donc une belle parenthèse que nous aura offert le Chorus, l’un des rares festivals capables de faire cohabiter sur une petite île de l’électro, du rock et du hip-hop. Car il y avait à boire et à manger dans ce premier festival de l’année : des légendes internationales bien sûr (Grandmaster Flash, Passion Pit, Mos Def…) mais aussi des artistes émergents qu’on a hâte de voir se développer (Why Mud, Nepal, Johan Papaconstantino…). On n’aura pas boudé notre plaisir.

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