Foster The People, au Club des Cœurs Sacrés
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Auteur·ice : Charles Gallet
01/08/2017

Foster The People, au Club des Cœurs Sacrés

C’est une chose étrange qu’un tube. Ça marque un groupe au fer rouge et au final, peut lancer une carrière comme l’embourber dans une posture dont il sera difficile, voire impossible, de se défaire.
Quand un tube se profile, deux choix s’offrent : Capitaliser dessus, au risque de se perdre soi-même, ou  au contraire, explorer, tenter des choses, surprendre et évoluer.  Après Torches, un premier album bourré de pépites pop et d’un tube, Pumped Up Kicks, si énorme qu’il est difficile de parler du groupe sans finir par le citer (la preuve…) les Californiens de Foster The People se retrouvaient à la croisée des chemins. Et ils ont opté pour l’exploration et la surprise. Car en effet, Supermodel est une surprise totale. Album concept sans réel single pour le défendre, mise à part l’excellente et évidente Best Friend, le disque s’avère plus sombre, plus psychédélique et déconcerte, malgré sa qualité évidente et ses chansons fortes.
Mais surtout, ce second album de Foster The People envoie un message clair: malgré la pression et les attentes, Mark Foster et sa bande font ce qu’ils veulent, suivent leurs influences et leurs envies plutôt que le chemin pavé d’or qui s’offrait pourtant à eux.
C’est donc avec un certains plaisir, et sans appréhension aucune, que l’on se préparait à découvrir ce Sacred Hearts Club et voir où celui-ci nous emmènerait.

Si l’on devait définir la sensation qui nous envahit à l’écoute du disque, on pourrait dire, que musicalement comme dans ses intentions , il est un album ancré dans son temps.
A une époque où l’on se plait à vivre en confrontation les uns avec les autres, où la peur et la défiance sont des sentiments qui semblent définir notre société, il est assez réjouissant de voir que des gens œuvrent encore pour offrir des ponts et des points de contact entre les gens quels que soient leur origine, leur religion ou leur manière de vivre. C’est là toute la beauté de cet album, et donc sa plus grande réussite : réunir les gens autour de la musique.
Alors qu’aujourd’hui, la musique se consomme malheureusement plus par chanson que par album, le groupe a décidé de brasser toutes les influences qui lui sont chères. On passe allégrement par des nappes électroniques, des vibes 60’s, pour faire un détour par la surf pop, le hip hop et une grosse intro trap.
Ce melting-pop musical est parfaitement assumé par le groupe et si certains pourraient y voir un album décousu, chaque chanson se lie pourtant à la suivante non seulement la voix de Mark Foster, qui une nouvelle fois multiplie les couleurs et les effets pour se transformer en fonction des morceaux,  mais surtout par cette sensation de facilité qui cache pourtant une minutie de chaque instant.

On assiste ainsi sur ces 10 chansons, si l’on fait abstraction des deux excellentes interludes que son l’électronique Orange Dream et la très psychédéliqueTime To Get Closer, a un véritable travail d’orfèvre pop.
Chaque titre possède ainsi une personnalité qui lui est propre. L’album démarre avec l’excellente Pay The Man, qui mélange allégrement des beats électroniques modernes à une délicatesse toujours si propre au groupe. Doing It For The Money, sans doute la chanson la plus FM de l’album, est taillée pour envahir les ondes (on pourrait voir d’ailleurs dans le titre une certaine ironie, voire un certains cynisme). FTP revient ensuite à ce qu’il fait de mieux, des chansons pop catchy avec l’excellente SHC ainsi que I Love My Friend et la très Beach Boys  Static Space Lover, en duo avec Jena Malone.
Les trois chansons, très différentes, sont portées par une basse au groove imparable. Lotus Eater se révèle être le morceau le plus frontal de l’album avec sa guitare mise en avant et son rythme endiablé. Plus surprenant, mais totalement réussi, les tonalités très trap et hip hop qui apparaissent sur Loyal Like Sid And Nancy et Harden The Paint ouvrent de nouvelles portes musicales au groupe et sont aussi la preuve de l’influence grandissante d’Isom Innis dans l’écriture et la production des Californiens.  Enfin, si le groupe est reconnu pour cette propension à créer de véritables machines à danser, il est tout aussi bon dans la douceur sur Sit Next To Me et la mélancolie sur la dernière chanson de l’album, notre favorite, III qui nous donne la chair de poule à chaque écoute.

Si l’album semble être très lumineux, la noirceur n’est jamais loin et se trouve plus particulièrement dans les paroles de Foster, notamment sur Lotus Eater qui parle d’addiction ou Loyal Like Sid And Nancy qui aborde les relations autodestructrices tout comme I Love My Friends, qui derrière un titre joyeux cache dans ses paroles une vision à la fois désespérée et inéluctable de l’amitié.  C’est d’ailleurs ce qui fait la beauté de la musique des Californiens, que l’on pourrait rapprocher d’un groupe comme Of Montreal dans sa façon de nous faire danser sur des thèmes sérieux, sombres et parfois clairement glauques.

En 2017,  Foster The People n’a donc jamais aussi bien porté son nom. Pousser les portes du Sacred Hearts Club, c’est s’offrir un voyage dans un album à la fois sombre et dansant, aussi poétique que politique, parfaitement pensé et superbement produit. La musique doit être capable de réunir les irréconciliables, de faire disparaitre les frontières entre les personnes. De ce point de vue là,  l’album est une réussite totale.

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