Free Porn, la face sombre de Ryder The Eagle
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Auteur·ice : Paul Mougeot
21/04/2019

Free Porn, la face sombre de Ryder The Eagle

Il y a quelques mois, on laissait Ryder The Eagle hurler son amour au guidon de sa moto avec un premier EP The Ride of Love, dans lequel il faisait éclater la beauté de ses sentiments à la face du monde. Il en explore à présent la face obscure avec Free Porn, un disque bien plus sombre mais tout aussi poignant.

S’il existe encore des artistes qui vivent pour leur art, Ryder The Eagle en fait partie. Aussi intime qu’intense, la musique d’Adrien Cassignol (son nom à la ville) fait partie intégrante de son existence au point qu’il l’a érigée en une sorte de quête identitaire, guidé par un besoin impérieux de créer pour mieux se connaître, pour entrevoir ses propres limites, pour rendre l’existence moins lourde, aussi. Alors, pour aller au bout, tout au bout d’une démarche animée par une pulsion quasi-vitale, il s’est exilé. En Europe, tout d’abord. Le Vieux Continent, Ryder The Eagle l’a sillonné seul, pendant plusieurs semaines, navigant entre les pays au gré des concerts donnés dans des hôtels ou dans des bars, dans des salles obscures et même dans la rue, devant parfois se contenter d’une poignée de spectateurs indifférents. Au fond, peu importe. Car pour le Toulousain, seule compte la précieuse opportunité de partager sa musique, qu’elle touche une personne ou mille. Finalement, c’est au retour d’une autre mini-tournée, aux États-Unis cette fois, que Ryder The Eagle a dévoilé Free Porn, son deuxième disque.

Free Porn porte les stigmates de ces nuits froides passées dans un van avec un téléphone pour seule compagnie, de ces concerts donnés partout et nulle part, de ces longues journées sur la route et de ces rencontres étonnantes, qu’elles soient bonnes ou mauvaises. Les pistes qui le composent ne s’embarrassent plus des guitares volcaniques qui faisaient vibrer The Ride of Love, pas plus que de batterie, d’ailleurs. Pour l’essentiel, les six titres de Free Porn existent grâce à une boîte à rythme et quelques productions électroniques et vivent grâce à l’incroyable intensité qui les habite. Chacun des morceaux qui le composent est un condensé d’émotions brutes, parfois violentes, toujours déchirantes, et en tout cas conçu pour pouvoir être joué n’importe où et n’importe quand. Leur point commun, c’est l’urgence qui transparaît à chaque note de cette écriture pourtant si élégante, et qui résonne dans la voix et les textes du crooner.

Car dans sa musique, Ryder The Eagle ne cache rien. Avec une impudeur poétique, Free Porn le met à nu et le révèle tel qu’il est, avec ses faiblesses, ses défauts et sa sensibilité. The Picture évoque ainsi sa douleur face à une déception amoureuse au détour d’une balade électronique, sans ambages ni fioritures. Son morceau éponyme, Free Porn porte une lumière crue sur la vie d’un artiste au long cours, bien loin des néons glamours et des postures avantageuses. C’est d’ailleurs d’un autre des aspects de cette existence si particulière que parle Alone in Love dans une track emplie d’un spleen touchant. Chanson d’amour merveilleuse, Lighthouse est un slow intime et délicat qui fait un écho cruel à The Picture et qui constitue sans doute la plus belle pièce de ce nouveau disque qui fait l’étalage, avec Wounded Bird et In the Pines, des talents d’écriture de l’un des artistes français les plus prometteurs de sa génération.

Témoignage du passé, ancrage dans le présent et promesse pour l’avenir, Free Porn est une page qui se consume lentement mais sûrement, une magnifique expérience musicale à vocation thérapeutique dont on pourrait résumer la morale en quelques mots : la douleur finira par s’envoler mais la musique, elle, demeurera. Si The Ride of Love nous faisait voir en lui un digne héritier de ces géniaux songwriters que sont Julian Casablancas ou Adam Green, ce nouvel EP est la preuve que le Toulousain a digéré ces nobles influences pour en tirer un son unique, qui brille tant par sa radicalité que par son élégance. À son écoute, le doute n’est plus permis : il est Ryder The Eagle, le seul et l’unique. Tenez-vous prêts, car il est bien déterminé à le hurler à la face du monde.

Ryder The Eagle sera en concert le mardi 23 avril prochain au Point Éphémère en compagnie d’Alex Van Pelt, qui assurera sa première partie.

 

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