Glass Museum, entretien avec deux petits virtuoses belges
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Auteur·ice : Valentin Dantinne
14/08/2018

Glass Museum, entretien avec deux petits virtuoses belges

Glass Museum, c’est Martin et Antoine. Une dualité entre un piano et une batterie. Il faut dire qu’elle fonctionne à merveille, tant en studio qu’en live. Vous fermez les yeux et vous imaginez des scènes de film à en couper le souffle. Certaines, calmes et mélancoliques. D’autres, plus rythmées. En fait, il faut se laisser emporter. C’est à se demander pourquoi les deux garçons n’ont pas encore bossé pour le cinéma. Ils ont fait un arrêt à Liège lors des Ardentes 2018 où ils ont délivré un live habité et où nous avons pris le temps de discuter avec eux. Vous imaginez l’espace presse, en plein air à coté d’une école. On se pose dans une plaine de jeux au soleil (où ils auront eu l’occasion de monter dans le petit train pour la photo souvenir) et l’entretien commence, bonne ambiance.

La Vague Parallèle : Salut Glass Museum. Est-ce que vous pouvez vous présenter tous les deux de manière un peu scolaire et me dire d’où vous venez musicalement ?

Martin : Moi je m’appelle Martin, j’ai vingt-quatre ans. (rires)

Antoine : Tu es célibataire ?

Martin : 0495/40… (rires) Je viens de Tournai et j’ai commencé la batterie quand j’avais neuf ans. J’ai toujours pris des cours avec des profs de la région, jazz ou rock. J’ai eu une formation plutôt autodidacte en travaillant chez moi la batterie et la technique. J’ai commencé à jouer dans des groupes à quatorze ans. J’ai eu un premier groupe de rock instrumental qui s’appelait Perils of Penelope, ensuite je suis parti un an en Angleterre après ma rhéto dans une académie de musique qui s’appelle l’ACM, près de Londres. Et je suis arrivé à Bruxelles y a 5 ans où j’ai continué à faire de la musique.

Antoine : Moi c’est Antoine, en fait j’étais dans les mêmes écoles que Martin, on a fait nos primaires et nos secondaires ensemble. Après, moi j’avais déjà des groupes sur le côté, je connaissais les groupes que Martin faisait, j’appréciais énormément. Après, c’est en deuxième à la fac où on s’est rencontrés, on s’est dit que ce serait peut-être bien de jouer une fois à deux. Et voilà, on s’est retrouvés dans un grenier, on s’est fait plaisir. On a un peu jammé à deux et six mois après on faisait le tremplin à Dour (il y a deux ans, ndlr) et c’était plutôt cool. A coté de ça, moi je fais des études de bio-ingénieur, enfin c’est pas très important on s’en fout. (rires) Et j’adore vivre pour l’instant des concerts et tout, on se fait plaisir !

LVP : Je sais que ce n’est pas évident et que certains artistes n’aiment pas l’exercice mais si je vous demande de décrire votre musique, est-ce que vous sauriez le faire ?

Martin : Ouais moi je veux bien essayer, avec des mots. (rires) Je dirais que c’est des ambiances cinématographiques, beaucoup de dynamique, dans des univers calmes, du groove, des moments plus posés où tu peux respirer, des montagnes russes émotionnelles (rires). En gros c’est une batterie et un piano et Antoine met beaucoup d’effets sur son piano pour donner quelque chose de plus solide au niveau des basses avec pas mal d’effets. Au niveau de la batterie, moi je pars sur un son plutôt jazz mais avec des moments plus hard et un pas d’électronique pour pouvoir varier le son. Sur papier, c’est ça et ensuite on a toutes nos influences électroniques, jazz, pop et rock qui viennent nous inspirer dans la composition.

LVP : Comment vous fonctionnez pour composer ? Est-ce que c’est systématiquement d’une certaine manière ou est-ce que ça diffère ?

Antoine : C’est marrant j’ai entendu l’explication de Martin tout à l’heure à propos de ça et il n’a pas totalement tort. C’est qu’au début, comme on ne se connaissait pas encore tellement musicalement parlant, on a commencé à vraiment composer à deux en étant face à face, en jammant, en faisant tourner des riffs en se disant « ouais tiens celui-là il sonne grave ». Au départ, c’est passé d’une construction un peu puzzle à maintenant plutôt une construction organisée. C’est-à-dire que je suis chez moi, je suis un peu posé, je vais composer  certaines choses et je vais les proposer à Martin qui lui va m’influencer par rapport à son jeu. Je vais modifier les choses que je lui ai proposées et c’est vraiment un peu plus la dynamique de se dire que je vais amorcer un premier bloc, Martin va un peu modifier ce premier bloc, et puis on passe à un deuxième. C’est plus construit maintenant par rapport à avant.

(Les cris des supporters français retentissent dans tout le site des Ardentes suite à leur qualification contre l’Argentine tandis que nous essayons de rester concentrés)

Martin : Aussi, ce qui est rigolo, c’est que maintenant les compos émergent beaucoup plus d’un piano classique. Un morceau comme Colophane qu’on a sorti tout récemment a été composé pour être joué sur un piano classique et le grain qu’on y retrouve ça influence aussi la manière de créer un morceau, plus qu’un piano électronique de base.

LVP : J’imagine qu’il y a des émotions que vous faîtes transparaître dans vos chansons. Je me demandais si vous vous mettiez d’accord sur un genre de background de ce que vous vouliez faire passer comme émotion sur un titre avant de le composer ou  bien si c’était juste des sons ?

Martin : Ben pas vraiment. En fait, de base, on pense pas à une humeur dans un morceau. On arrive pas dans un état d’esprit particulier à la composition, on est plus ou moins de bonne humeur tout le temps et on peut faire des morceaux très tristes même en étant de bonne humeur.

Antoine (prend la parole) : Je pense qu’on est quand même d’accord pour savoir construire les montagnes russes comme on l’entend. (Martin confirme) Moi quand je te propose par exemple de monter sur certaines ambiances, on se comprend assez bien. On ne fait pas ça n’importe comment, on en parle.

Martin : On voit vers où on veut aller dans un morceau mais au niveau d’une humeur, par exemple si le morceau est plutôt mélancolique, ça n’aura pas forcément de lien avec notre état actuel, en tout cas personnellement il n’y a pas vraiment de parallèle avec mon vécu. Peut-être qu’Antoine est plus à fleur de peau avec tout ça. (rires)

LVP : Vous avez sorti l’album Deux en mai dernier. Est-ce qu’il a une teneur ou une couleur particulière par rapport au reste de votre composition ?

Antoine (blagueur) : La couleur verte ! D’office. (rires)

Martin (plus sérieux) : Je pense que c’est l’essence du projet. La couleur de notre projet, c’est l’album Deux en fait. Les morceaux qu’on n’a pas enregistrés dessus sont ceux qu’on aimait moins ou qui étaient moins actuels ou moins dans l’esprit du groupe. Je pense que les six morceaux qu’on a enregistrés ensemble représentent le groupe plus que le reste qu’on ait pu faire. Après, ça va évoluer. Pour le moment, c’est le centre.

Antoine : C’est aussi le fait de passer en studio, ça t’oblige vraiment à avoir quelque chose d’homogène. T’arrives là avec une proposition d’album, t’as 6 ou 7 compositions. Nous on en avait 7 et sur le moment-même on a tout enregistré et on a dû en élaguer une parce qu’on s’est dit que ça rentrait pas dans le concept complet de l’album et en fait ce qui est chouette c’est que tu t’en rends pas forcément compte au départ mais le fait d’être dans une ambiance particulière, dans un studio où tu travailles du matin au soir, ça crée une homogénéité implicite dans l’album en fait. Quand t’écoutes l’album de A à Z, il est construit de façon logique et on s’est pas trop posé de questions, ça c’est fait sur l’instant et ça marche bien.

LVP : Je vous ai vus tout à l’heure sur scène. Votre scénographie, face à face chacun avec votre instrument, est-ce que c’était réfléchi ou naturel ?

Antoine : Naturel.

Martin : Ben en fait, si tu prends une capsule de nous en répétition et que tu nous mets sur scène, c’est le même. Parce qu’en répét on est aussi face à face. C’est vraiment une transposition. On faisait nos morceaux comme ça dans une cave ou un grenier, on est arrivés pareil sur la scène. Ça part du live, vraiment.

Antoine : Ce qui était chouette c’est que dès les premiers concerts, tout le monde nous a dit « ah putain c’est super original ce que vous faîtes, face à face », ouais ça marque pas mal le public, ils se disent qu’on fait une certaine séparation entre eux, le public, et ils nous relient juste par la musique. On a gardé un peu ce concept-là parce que ça marche très bien, on se regarde face à face, c’est facile. C’est très agréable d’être face à face et le fait que le public aime assez bien, il fallait pas trop se poser de questions.

Martin : On s’est jamais trop posé de questions de manière générale dans ce projet. Après, on n’a rien inventé, on l’a fait mais on s’est rendus compte que SCHNTZL avait exactement la même formation, Kamaal Williams, etc. jouaient aussi face à face sur scène. C’est une démarche logique pour un duo.

LVP : La toute première fois où j’ai écouté votre musique, je ne sais pas trop pourquoi je m’attendais à une partie chantée. Je me suis interrogé, je me suis demandé pourquoi vous ne chantiez pas. Puis, au final, je me suis ravisé en me disant que ça pourrait casser quelque chose dans l’essence du projet. Donc je voulais savoir si la question s’était posée ou non ?

Martin : A la base du projet, elle s’est pas posée. En fait, on avait beaucoup de références instrumentales, autant de l’electro que du jazz. Y a rien à faire, les trois-quarts des groupes ou producteurs qu’on écoute n’ont pas de chant et c’est jamais venu sur le tapis. Nous, ça nous permet de nous dépasser aussi en tant que musiciens d’avoir une liberté totale artistiquement au niveau du piano et de la batterie. Mais on reste toujours ouverts à un featuring à un chant.

Antoine : Oui je pense que justement comme on a sorti un premier album très instrumental où on a laissé vraiment la parole à la batterie, au piano et à une trompette aussi, je pense que ça pourrait être agréable dans un deuxième temps de faire intervenir une voix ou l’autre, une voix un peu référence qu’on connait. Ca pourrait être vraiment chouette aussi pour notre duo d’insérer d’autres vibes, d’autres couleurs qui font aussi que le duo évolue. C’est pas forcément pour devenir un trio mais plutôt pour qu’on ait une accroche un peu différente et moins se dire que c’est un duo instrumental un peu brut mais plutôt de voir ça comme une extension.

Martin : Quand tu commences un projet avec une voix, la voix devient la référence du groupe, en tout cas dans ce qu’on écoute et dans les voix qu’on apprécie. Genre Melanie de Biasio c’est sa voix qui fait vraiment le projet.

LVP : C’est quoi les projets pour la suite de Glass Museum ?

Martin : Deux est sorti en mai. On ne va pas trop s’avancer sur les plans parce que pour le moment on se questionne pas mal, y a plein de possibilités. On n’a pas mal de choix à faire. Ici, la première étape c’est les concerts qui tombent, c’est jouer à l’étranger.

Antoine : On va entamer les concerts en France, en Suisse. On va retourner peut-être aussi en Allemagne. C’est chouette de s’exporter, proposer le projet à un autre public qui nous connait pas du tout. Maintenant, on sait très bien qu’après avoir fait tout ça, c’est aussi important de se réserver un peu de temps pour faire mûrir le projet, se retrouver un peu à deux ou même avec d’autres musiciens pour faire évoluer les choses, retourner aussi en studio et pourquoi pas avoir ces questions de featuring, de chant. (sourire) On ne sait pas encore trop où on va mais on sait qu’il y a du travail à ce niveau-là.

Martin : En fait quand t’as fait un premier album, c’est toujours facile parce que tout est à faire. Tout vient, tu ne fais que progresser. Après le deuxième, faut garder le niveau, y a une petite pression quand tu commences à avoir passé le deuxième, le troisième tu dois encore plaire, il faut que les gens qui te suivent s’y retrouvent aussi. Et en même temps, il faut faire évoluer le style. Il faut de la recherche au niveau du son.

LVP : Ce qui est intéressant c’est que du coup vous n’avez pas la barrière de la langue pour vous bloquer certaines frontières.

Martin : C’est clair. Après, on passera jamais en radio. Du coup, on peut pas compter sur un succès commercial comme beaucoup de groupes belges qui marchent grâce à ça. Ca prendra plus de temps. Les projets de référence qu’on a, comme Nils Frahm, BADBADNOTGOOD, ce sont des groupes qui n’auront pas vieilli dans cinq ans et qui font des albums qui sont en dehors d’une mode.

LVP : Et vu que vous ne passez pas en radio, comment vous compensez ?

Martin : Par le live. (grand sourire)

Antoine : Par le live. (l’imitant avec une voix plus grave)

Martin : Non mais c’est vrai, on doit jouer plus. Quelqu’un qui fait un hit radio, par exemple Angèle. (rires) Elle n’a pas eu besoin de beaucoup de lives pour avoir dix mille personnes devant elle.

Antoine : C’est ça qui est hyper contrastant avec des artistes très commerciaux, si on continue avec Angèle comme exemple. Elle était connue d’abord sur les réseaux et seulement après en live. Je pense que ses concerts marchent vraiment parce qu’elle a été connue sur les réseaux alors que pour nous c’est vraiment le contraire. On fait énormément de concerts et seulement après on peut être un peu connus sur les réseaux. C’est une dynamique tout à fait autre, je pense qu’il ne faut pas essayer d’inverser la tendance, nous on est dans cette dynamique-là, ça fera pas forcément un feu de bois puisqu’on va continuer comme ça en gravissant tout doucement les échelons et ne se pressant pas trop. C’est peut-être plus sain, ouais, j’en sais rien mais c’est vrai que des groupes commerciaux qui font des buzz instantanément, ça doit pas être facile déjà psychologiquement et puis pour le développement du groupe. Qu’est-ce qu’on peut prévoir après un buzz pareil ? Ca doit vraiment pas être facile.

Martin : Après, ça c’est une opinion personnelle mais en Wallonie, on n’a pas vraiment de réseau underground instrumental. Y a pas vraiment de scène instrumentale viable.

(Un inconnu passe dans la plaine de jeux et voit l’interview : « Ca va les gars ? » « Ca va et toi ? »)

Martin : Du coup, en fait, en Flandre, ils ont des petits labels, un réseau bien particulier de jazz qui est là et qui est soutenu par l’Etat. En Wallonie, c’est trop petit pour pouvoir s’accrocher à ça, d’où l’importance d’aller voir ailleurs à un moment.

LVP : Merci pour l’interview les gars !

On souhaite à Martin et Antoine de parcourir l’Europe avec leur musique instrumentale et même peut-être de pousser d’autres frontières. En attendant, vous pouvez, comme moi, écouter leur album et vous montrer curieux en attendant de voir leurs prochains titres avec, qui sait, peut-être un featuring à la clé. Ils seront également au Brussels Summer Festival le 17 août au Mont des Arts. 

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