(INTERVIEW) Onra, chinoiserie volet trois
"
Auteur·ice : Sébastien Coureau
04/10/2016

(INTERVIEW) Onra, chinoiserie volet trois

Probablement l’entretien de tous nos records pour Onra. Attrapé au vol après son set aux Nocturnes de l’ULB, parler avec le beatmaker parisien ne fut pas aisé. Peut-être lassé de notre négociation acharnée – ou charmé par nos sourires de fan-, il accepta qu’on lui tienne compagnie jusqu’aux loges. Huit minutes et trois secondes plus tard, c’était déjà l’au revoir. Juste ce qu’il nous fallait.

Le projet débute en 2006, Onra profite d’un voyage au Viêt Nam pour butiner dans les disquaires du pays. Il en exportera trente disques d’un état douteux qu’il samplera pour donner Chinoiseries. Cinq and plus tard sortait la Pt 2 et 2017 sera l’année du troisième volet.

Les paupières pèsent. Il est deux heures du matin. Rencontre hâtée avec un artiste avant-gardiste et trop fatigué. L’entretien de tous nos records.  Tout ça valait bien une hymne non ?

 

 

 

 

LVP: Pourquoi du beatmaking au lieu de faire de la musique électronique ?
Onra: Parce que j’ai toujours écouté que du hiphop et la musique electro jamais de ma vie. C’est naturel.

LVP: Un “Chinoiseries x portrait chinois” ?
Onra: Hmmm… ok

 

鸡

LVP: Onra en un plat asiatique ?
Onra: Franchement j’en sais rien. Faut savoir que j’ai grandi en Afrique…

LVP: … grandi ? Alors que tu es né en Allemagne ?
Onra: Oui. Et en France aussi. Ce qu’il faut comprendre pour les Chinoiseries c’est que même si j’avais été noir, arabe, juif j’aurais fait exactement la même chose. Ç’a rien à voir avec mes origines asiatiques en fait. Mais pour l’analogie avec la bouffe, je dirais du riz cantonnais.

LVP: En un animal du calendrier Chinois ? 
Onra: Le Coq. Parce que je suis français. Et que c’est mon signe de toute façon.

LVP: Et en un instrument oriental ?
Onra: Une sorte de congas, de batterie, de tamtam. (ndlr: Un dagu)

 

 

LVP: T’es pas trop fan de tes références à tes origines non ?
Onra: Ben ouais. La presse européenne a tendance à mettre un peu de trucs dans le même sac. « les Asiatiques c’est tous des Chinois », « de toute façon t’es vietnamiens donc t’as fait des trucs chinois », puis « c’est tout la même chose » et tout ça m’énerve. D’autant plus comme je viens de te le dire quand moi j’ai grandi en France et en Afrique. Donc la culture asiatique je ne l’ai pas vraiment intégrée dans mon éducation, voire jamais. Pour moi c’est un peu réducteur, on me juge juste par mon apparence. Et pour me répéter, si j’étais africain, arabe, juif, j’aurais fait exactement la même chose de la même manière.

 

LVP: Bon et concernant les Chinoiseries. Est-ce que ce sont des samples qui viennent de toute l’Asie ou seulement du Viêt Nam ?
Onra: Ça ne vient que de Chine. Rien ne vient du Viêt Nam. C’est juste les disques que j’ai acheté dans toute l’Asie mais sinon ce n’est que de la musique chinoise.

 

LVP: Comment tu choisis tes vinyles sur place ?

Onra: A la pochette, et à l’instinct. C’est mon travail. Même si je ne comprends ce qu’il s’y dit, de quels instruments ils jouent, de quels artistes il s’agit. Tu arrives, à quelques indices sur la pochette, à savoir de quoi il en est.

LVP: Dans ta chasse aux vinyles, des anecdotes comme celle que tu expliques sur la pochette de Pt. 1 ?
Onra: Bah tous en fait. Je parle pas chinois, je lis pas non plus. Donc je sais pas trop ce que j’achète. J’ai passé des heures pour Chinoiseries numéro 1 avec un taxi. C’est grâce à lui que j’ai pu trouver les premiers vinyles et faire le premier album. Pour le deuxième je suis allé un peu partout en Asie, en Chine, au Viêt Nam, en Thailande où j’ai réussi à en trouver beaucoup plus. Et pour le troisième, encore plus d’Asie avec Singapour, Hong Kong, Chine, Thailande encore, Philippines. J’en ai même trouvé en France, à Paris sur une brocante.

 

 

Onra

 

LVP: Ton processus créatif pour tes beat chinoiseries ?
Onra: Toujours le même. Ecouter les vinyles, repérer ce qu’il y a d’intéressant et les retravailler avec la MPC (ndlr: séquenceur musical d’Akai). c’est très simple mais c’est analogique. Pas d’ordinateur. Tout fait à la main. Les vinyles sont choisis à la main. Les samples sont découpés à la main. Y’a ce côté plus humain que dans la musique électronique.

 

LVP: Ça apporte quoi en plus ?
Onra: Ce côté inimitable par ordinateur. Les petites erreurs, les petites imperfections qui font que le truc a du charme.

 

LVP:  En parlant d’imperfections, les craquements de poussière du vinyle c’est rajouté ou authentique ?
Onra: C’est intact. Les vinyles sont dégueus et je les laisse comme ça. Ça ne me pose pas de problème, je ne l’entends même plus en fait. Mais je l’amplifie jamais non. Y’a rien de fake là dedans.

 

LVP: Ça sera quoi le ton de Chinoiserie part. 3 ?
Onra: J’essaie vraiment de m’amuser. C’est la troisième fois que je fais ça donc c’était impossible de se renouveler vraiment étant donné que je le fais exactement avec les mêmes instruments, la MPC, tout fait à la main. Par contre, j’ai acheté beaucoup plus de vinyles ce qui m’a laissé un plus grand choix, une plus grande palette sur les sonorités. Tu vois, j’ai trouvé des sons un peu rock, un peu jazz, un peu brésilien, un peu de tout.

 

LVP: En fait, tu veux perdre les repères des deux premiers ?
Onra: Un petit peu. Mais bien sûr après ça reste; sur certains morceaux c’est vraiment marqué que ce sont des Chinoiseries. Mais pour le reste, j’ai essayé de donner un meilleur aperçu de la musique chinoise telle qu’elle est en réalité, c’est à dire un peu plus diverse que ce que j’ai pu trouver auparavant.

 

LVP: Tu touches pas trop à la nouvelle pop chinoise, très boyband à la Jay Chou par exemple.
Onra: Je sais pas de qui tu parles mais ce ne sont que des vinyles, donc c’est que 1960-1970 et début 80. Après 1990 y’a plus de vinyles en Chine. A ces époques là y’a rien de tout ça. C’est que soul, rumba, tcha-cha-cha. Donc, que des trucs à influences chinoises traditionnelles ou amérique latine ou même voir européennes avec des covers de titres européens assez connus de variété et pop. Mais sinon en effet y’a rien de moderne.

 

LVP: Tu penses qu’on pourrait rapper sur tes Chinoiseries ?
Onra: Le projet artistique est instrumental oui. Après si y’a un rappeur qui aime un son et qui fait son truc et le met sur YouTube pourquoi pas. Ça me dérange pas. D’ailleurs, y’a quelqu’un qui vient de faire ça c’est Homeboy Sandman, un rappeur à l’ancienne un peu, qui est chez Stones Throw. Il a pris un beat de Chinoiserie 1 et l’a mis sur YouTube. C’est un beat qui a plus de dix ans, il a fait son truc avec et je l’ai laissé.

 

 

“What started as a side-project turned out into an epic trilogy.”

@ET-DC@eyJkeW5hbWljIjp0cnVlLCJjb250ZW50IjoiY3VzdG9tX21ldGFfY2hvaXNpcl9sYV9jb3VsZXVyX2RlX3NvdWxpZ25lbWVudCIsInNldHRpbmdzIjp7ImJlZm9yZSI6IiIsImFmdGVyIjoiIiwiZW5hYmxlX2h0bWwiOiJvZmYifX0=@