(INTERVIEW) Sarah Maison, Pop the Casbah !
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Auteur·ice : Paul Mougeot
19/10/2017

(INTERVIEW) Sarah Maison, Pop the Casbah !

Si son parcours artistique est passé de la sculpture sur bois et sur métal à la musique folk puis à la pop électronique, c’est une artiste au projet désormais bien défini que nous rencontrons à Paris. Touche-à-tout autodidacte, Sarah Maison distille une étonnante pop homemade à l’esthétique électronique kitsch et aux saveurs orientales. Rencontre avec une artiste qui ne manquera pas de faire parler d’elle dans les mois à venir.

La Vague Parallèle : Salut Sarah, est-ce que tu peux nous parler un peu de toi ?

Sarah Maison : Je m’appelle Sarah Maison, je suis née à Hyères les Palmiers, dans le Var. Je fais de la musique depuis mes 15 ans quand mon père m’a acheté une guitare et que j’ai commencé à gratter, à jouer des morceaux des groupes que j’aimais bien à l’époque, les Red Hot Chili Peppers pour ne citer qu’eux. Aujourd’hui, j’écoute beaucoup moins mais à l’époque j’étais complètement folle d’eux.

J’ai commencé à faire mes compos sur le tard. Il y a des gens qui te disent “à 6 ans j’ai écrit mon premier album”, moi pas vraiment (rires). Je chantais surtout en anglais à l’époque.

Après, je suis allée à Nice, à la Villa Arson où je suis restée quelques années. Je faisais surtout de l’art mais je faisais aussi beaucoup de concerts dans les bars et ça a été très formateur. Maintenant, je ne fais plus vraiment d’art et je suis concentrée sur la musique. Je suis arrivée à Paris et Mathilde Fernandez, qui est une amie, m’a installé Ableton Live sur mon ordinateur donc j’ai commencé à faire des trucs plus électroniques. En fait, depuis des années les gens m’offraient du matériel mais je ne m’en servais pas parce que je ne m’y connaissais pas trop.

Maintenant, ça fait 3 ans que j’ai développé ce projet, je suis auteur-compositrice-interprète, je travaille avec Hedi Bensalem qui joue de la basse avec moi sur scène et qui m’a aidée à faire des arrangements sur mon disque.

LVP : Auparavant, tu jouais plutôt de la folk en voix/guitare et tu as évolué vers un registre plus élaboré, avec beaucoup de synthés et une esthétique plus électronique. Tu es également passée de l’anglais au français dans tes textes. Quelles ont été les étapes de ton parcours artistique ?

SM : Tout s’est fait assez naturellement en fait. Quand j’étais encore à Nice, ça m’embêtait parce que les gens ne comprenaient pas ce que je disais quand je chantais en anglais parce que je n’ai pas un excellent accent. J’ai commencé à écrire en français parce que j’en avais marre de chercher mes mots et que ma langue maternelle, c’est le français.

En ce qui concerne mon style, ça correspond aussi à un moment où j’écoutais plus de musiques actuelles ou de trucs des années 80 plus électroniques et différents du rock traditionnel. Je me suis plus ouverte à des sonorités différentes, plus rythmées et ça m’a poussée à faire des essais. Je suis autodidacte, je n’ai pas un rapport virtuose à la musique et ça me plaît : le synthé, n’importe qui peut en jouer, tu peux t’amuser avec un logiciel, c’est à la portée de tout le monde.

J’en avais marre de toujours faire la même chose, avec mon jeu de guitare je me sentais limitée.

LVP : Tu as fait une reprise de Cheb Hasni l’année dernière et le titre de l’un de tes morceaux évoque aussi la culture orientale (Western Arabisant), est-ce que tu peux nous parler de ces influences orientales ? 

SM : Quand j’étais petite, ma mère écoutait un album en boucle l’album Meli Meli de Cheb Mami, qui est une bonne synthèse de tout ce que j’aime : le côté méditerranéen, avec des influences andalouses, flamenco, un côté presque celtique et des arrangements très variés. J’adore aussi les synthés de raï avec le pitch à fond, ce sont des sons que je trouve très inspirants.

Que ce soit de la musique très orchestrée des grandes cantatrices orientales, ce sont des influences que je revendique : j’ai découvert des chanteuses hors-pairs et des orchestrations exceptionnelles avec des arrangements presque psychédéliques. Par exemple, Pari Zanganeh : c’est absolument magnifique.

LVP : Est-ce que ça a pu t’inspirer aussi dans la manière de poser ta voix, avec ce côté un peu dramatique que tu as ?

SM : Ça m’inspire complètement, tu digères les choses et ça ressort d’une certaine manière. En fait, je suis un peu une éponge : ce que ça m’évoque, je le retranscris ensuite comme je peux. Je suis un peu dans l’artisanat, je fabrique, je bidouille.

Je fais beaucoup de chansons d’amour, avec ce truc “comment faire, tu es loin, je t’aime mais c’est dur parce que je souffre”, avec un twist un peu drôle à la fin avec un humour très premier degré (rires). C’est le cas dans Décroche-moi qui est une histoire vraie, avec ce côté marrant et très dramatique. Dans mes textes, il y a vraiment un mélange entre une posture mélancolique et ce côté “vive la vie”, c’est vraiment à mon image.

LVP : Je trouve justement que tu écris de manière assez légère, avec candeur et humour. Quels sont les thèmes qui inspirent ? 

SM : L’amour, l’espoir, mais un amour vraiment universel, pas seulement une déclaration. Le thème du sentiment amoureux c’est ce qui nous anime tous, et moi en particulier j’aime beaucoup les gens, l’humanité et j’aime surtout beaucoup l’amour !

Après, de plus en plus, j’ai des espèces d’images qui me viennent et j’en fais des morceaux un peu plus abstraits.

LVP : On voit émerger à Paris une scène musicale qui mêle avec réussite cette esthétique électronique aux influences orientales avec des artistes tels que Malca ou Mohamed Lamouri. Plus largement, des artistes comme Omar Souleyman ou Acid Arab ont le vent en poupe. Comment est-ce que tu expliques cet engouement soudain pour la musique orientale ?

SM : Il y a beaucoup de styles différents dans ce que tu as dit. Par exemple, pour Omar Souleyman, c’est vraiment la musique de son pays et ça existait déjà dans le raÏ.

Il y a effectivement un certain engouement pour ça en moment et je ne saurais pas vraiment l’expliquer, c’est juste parce que c’est trop bien (rires) ! Acid Arab a bien capté le truc parce que c’est hyper bien de danser sur un truc techno avec des influences orientales et c’est aussi parce que c’est des gros diggers, des vrais passionnés de musique et ça leur est venu comme ça, je pense que c’est vraiment par passion pour cette musique là. Parce que Guido, il est pas du tout arabe et son collègue s’appelle Hervé (rires).

Mohamed Lamouri c’est pareil, c’est un mec qui est premier degré, qui chante son truc d’une manière magnifiquement terrible, quand tu l’écoutes dans le métro, tu pleures !

LVP : Tu évolues dans un registre assez singulier, qui mêle la candeur et la légèreté des textes de la chanson française des années 60, l’esthétique électronique kitsch des années 80 et des influences orientales. Comment est-ce que tu le définirais, ton style ?

SM : Je ne sais pas… Je crois qu’à la base, c’est de la pop faite avec des machines : il y a beaucoup de synthés, beaucoup de faux violons, des rythmes actuels et des derboukas qu’on séquence avec Hedi, il y a ce côté un peu carton pâte que j’aime bien et qui fait un peu kitsch.

C’est de la chanson française/pop/saveur orientale, tu y trouves des nappes de synthé superposées, des mélodies faites avec un seul doigt en mode Jacno, des violons, des derboukas électroniques…

Souvent que je dis que c’est “pop the casbah” ou de la “pop baraque”, c’est-à-dire de la pop baroque et foutraque (rires). C’est du fait maison, très bricolé.

LVP : D’ailleurs, comment est-ce que tu composes ? 

SM : Je compose toute seul, souvent ça me vient d’un coup, je fais un truc au synthé et toutes les paroles me tombent dessus. Parfois, je retravaille après mais souvent ce sont des premiers jets. C’est moi qui fais tout pour l’instant, j’aime bien avoir cette liberté de m’exprimer parce que c’est moi qui porte ce projet.

LVP : Pour le moment tu as deux titres originaux en ligne, Décroche-moi et Western Arabisant. Tu as un EP en préparation, est-ce que tu peux nous en parler ? 

SM : Ce sera un 6 titres qui sortira dans le courant de l’année prochaine, avec 6 morceaux qui sont assez différents les uns des autres mais qui conservent une certaine cohérence entre eux.

A la base, ce sont des démos que j’avais faites seule chez moi et qu’on a refaites avec Hedi près de Perpignan, à Saint-Hippolyte parce qu’il avait tout le matos et que c’est un super musicien, on a fait les arrangements à quatre mains. Après, on est allé chez ma mère à La Crau dans le Var et on a fini à Paris cet été.

Je trouve ça beau parce qu’on a fait une partie chez mes parents et une partie chez ses parents donc au fond, on y a mis un peu de notre vibe d’enfants.

LVP : Et sur scène, qu’est-ce que ça donne, Sarah Maison ?

SM : À la base, j’étais toute seule avec des pistes. Maintenant, on a enlevé certaines pistes parce qu’Hedi joue de la basse et moi de la guitare. Parfois, je fais un peu de synthé mais on conserve quand même des bandes.

On crée de plus en plus pour le live, on s’amuse plus et on travaille beaucoup.

LVP : On te retrouvera le 21 octobre prochain à la Java pour la deuxième édition de la soirée A Nous La Nuit !. Qu’est-ce que ça représente pour toi la nuit, qu’est-ce que ça t’évoque ?

SM : Moi ça m’évoque la liberté : quand je suis dehors la nuit, je n’ai plus peur de rien. La nuit, t’es un peu tête brûlée, tu t’en fous de tout. Et en même temps, la nuit c’est l’ouverture à plein de violences, de dérives, même si j’ai de la chance de ce côté-là.

Voilà, pour moi la nuit c’est soit la grosse teuf, soit un moment pour lequel j’écris, je compose. D’ailleurs, le chanteur Christophe, qui est une de mes grandes influences, ne vit que la nuit (rires). 

LVP : Qu’est-ce que tu écoutes en ce moment ? Des coups de coeur à partager ?

SM : Sans parler de mes amis, ça va être difficile (rires). Mathilde Fernandez est quelqu’un qui compte beaucoup pour moi, elle m’aide sur beaucoup de choses et elle a des nouveaux morceaux qui sont super beaux. Après, j’écoute surtout des vieux trucs, en ce moment je fais une playlist et j’écoute beaucoup Destinée de Guy Marchand, tu vois le truc (rires) !

Niveau cinéma, j’ai vu un film portugais magnifique récemment, qui s’appelle Mourir comme un homme, de João Pedro Rodriguez, c’est très touchant, magnifique et nécessaire. J’ai vu aussi L’Inconnu du Lac de Alain Guiraudie. Sinon, un de mes films préférés, c’est L’Halluciné, de Roger Corman avec Jack Nicholson jeune.

Sarah Maison sera en concert le 21 octobre à la Java pour la soirée À Nous La Nuit ! et le 18 novembre au Point Ephémère en première partie de LENPARROT.

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