Juicy fait rimer hip hop music et politique
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Auteur·ice : Valentin Dantinne
07/08/2018

Juicy fait rimer hip hop music et politique

Ça fait longtemps qu’on doit la poster, cette interview. Mais au final, Juicy est toujours dans le game, même quelques mois après notre rencontre. On a déjà parlé plusieurs fois des deux excitées Sasha et Julie. Elles passent leur été sur les festivals à dégainer leur énergie hip hop à la belge. Les Ardentes, Dour, Esperanzah!, le duo a eu de quoi faire ses armes en live sur les scènes estivales. Le binôme à têtes brunes, qui n’hésite pas à reprendre Diam’s en live en lui donnant un coup de frais, a aussi sorti le clip de For Hands On Ass, dernier titre de leur EP qui n’avait pas encore eu la chance d’être mis en vidéo. Voilà chose faite. Retour sur une entrevue avec Sasha et Julie à propos de leur projet musical engagé, lors des Nuits du Botanique, en mai dernier. 

La Vague Parallèle : Salut Juicy. Vous pouvez me dire d’où vous venez et comment vous vous êtes connues ?
Julie : On vient de Bruxelles. On s’est rencontrées au conservatoire il y a plus ou moins sept ans. On a joué ensemble dans plein de petits projets éphémères avant de lancer Juicy il y a deux ans et demi. Quand on a commencé à faire des covers ensemble, ça ne devait pas être un vrai groupe à la base. On avait monté ça juste pour une soirée pour l’exposition d’un ami. Et en fait, ça a un peu fonctionné sans qu’on s’y attende donc on a beaucoup joué pendant deux ans. Puis on a commencé à écrire en parallèle parce qu’on avait envie de tenter l’exercice d’écriture.

Sasha : On écrit toutes les deux depuis longtemps. On voulait voir comment ça allait fonctionner d’écrire à deux et ça a super bien marché, tout est fluide et on écrit vraiment facilement ensemble. Que ce soit au niveau des textes ou de la musique.

La Vague Parallèle : J’ai cru apercevoir sur les réseaux sociaux qu’avant de monter sur scène, vous faites une petite danse comme rituel ?
Sasha (étonnée) : T’as vu des danses ?!

Julie : Non mais en général avant les concerts, on est toujours tellement excitées que c’est possible qu’on gesticule et que ça ressemble à une danse. (rires) 

La Vague Parallèle : Dans la tracklist de vos lives, il y a un titre dédié à Theo Francken, notre Secrétaire d’Etat à l’Asile et à la Migration en Belgique, qui a été écrit après l’EP. C’est important pour vous d’avoir un message à porter à travers vos chansons ? On pense aussi à Mouldy Beauty qui parle des diktats de la société par rapport au corps féminin. En fait un peu tous vos titres au final ont un message à véhiculer.
Julie : Pour nous c’est important. Si t’as l’opportunité et la chance d’être écouté et d’être entendu, il ne faut pas dire de conneries. Même s’il ne faut pas absolument être engagé ou quoi que ce soit mais il faut qu’il y ait une histoire à raconter. Là, effectivement, le premier EP est fort engagé et féministe. C’est aussi en réponse aux covers qu’on faisait qui étaient volontairement misogynes et c’est pour dénoncer ça qu’on les faisait. Là, pour les nouveaux morceaux qu’on a écrit, on s’est dit qu’on n’avait pas envie de rester bloquées dans ce truc des nanas super féministes et on a envie de parler d’autres choses qui nous touchent et de dire haut et fort que Theo Francken est un con.

La Vague Parallèle : L’étiquette féministe qu’on vous a collé dans les médias avec la sortie de Cast A Spell (leur premier EP), vous êtes d’accord avec ça ou pas ? Est-ce que vous trouvez ça dommage de peut-être ne souligner que ça dans la presse ?
Julie : Non, on est ok avec l’étiquette dans le sens où c’est vrai que nos textes sont féministes. On ne peut pas dire qu’on ne l’est pas. Après, c’est juste qu’on trouve que le terme “féministe” est un peu détourné aujourd’hui. Nous, on est pour l’égalité hommes-femmes et on est aussi pour le fait de pouvoir parler de sujets comme dans Count Our Fingers Twice. C’est une espèce de revanche sur tous ces textes sexistes. On fait la même chose en inversant les positions, c’est l’homme-objet et plus la femme-objet. On revendique de pouvoir en parler mais aussi avec de l’humour et de la dérision, tu vois ça doit pas tout le temps être sauter sur la première occasion pour brandir un drapeau. On est clairement pour l’égalité hommes-femmes mais on a voulu mettre beaucoup d’humour dans nos textes pour aborder le sujet d’une autre manière aussi.

Sasha : Et puis au final, je trouve qu’on a n’a pas été tellement étiquetées féministes et on n’a pas eu peur de l’être non plus. Ca revient quand même beaucoup mais ça a été, on n’est pas résumées qu’à ça.

Julie : On pensait être plus blâmées pour ça, voire jugées opportunistes car c’est dans l’ère du temps. C’est vrai que c’est tombé en plein dans l’ère féministe. Après nous, c’était pas du tout calculé, nos textes étaient là bien avant. On nous a même déjà demandé si on avait écrit nos textes par rapport à cette vague pro-féministe.

La Vague Parallèle : L’auto-dérision c’est dans l’ADN de votre projet ? C’est important pour vous de ne pas vous prendre trop au sérieux ?
Julie : Le projet, c’est faire des choses sérieuses mais de ne pas se prendre au sérieux. On a envie d’offrir un concert et une musique de qualité, avec des messages mais on continue pour l’instant à voir la musique comme un divertissement. On a envie que les gens se marrent à nos concerts mais qu’il y ait un message derrière.

Sasha : Et puis on n’a jamais fait ça auparavant. Tous les projets qu’on a pu avoir séparément c’était pas du tout dans ce délire de vouloir faire rire les gens. Donc c’est super agréable aussi pour nous.

La Vague Parallèle : Si je devais parler de Juicy à ma mère par exemple, je devrais lui dire quoi ?
Sasha : (rires) A ta mère ?

Julie : C’est un duo de deux personnes qui bondissent dans tous les sens. (rires) Non je ne sais pas, c’est un mélange de hip hop et de r’n’b avec des influences un peu jazz et soul.

Sasha : Un peu de classique aussi vu qu’on a toutes les deux une formation classique, y a une base derrière même si on l’entend pas beaucoup dans le set actuel.

Julie : C’est un mélange de plein de choses et on peut dire que surtout c’est une énergie. On nous le dit souvent. Après c’est vrai que c’est ça qui est chouette, quand on est à deux on a une bonne énergie.

La Vague Parallèle : On m’a glissé à l’oreille que vous aviez écrit un nouveau morceau tout beau tout neuf pour les lives de l’été et que vous en étiez plutôt contentes. On a droit à un petit teasing ?
Sasha : Oui mais il n’a pas encore de titre. (rires) 

Julie : C’est l’histoire un peu absurde de deux escort girls qui veulent choper un mec super bourgeois et riche et le piéger pour lui voler sa thune. On l’a écrit cette semaine assez vite, on avait envie d’avoir un nouveau morceau et puis on a adoré comme la chanson sonnait. On l’a bossé avec Lucida Grande (oui oui comme la police de traitement de texte, ndlr) qui est un producteur qui a bossé avec nous sur l’EP et qui bosse avec nous sur le live. Il nous a envoyé un truc tellement chouette. Mais si ça se trouve ça va faire un flop en live. (rires)

Après les avoir vues sur scène plusieurs fois, notamment aux Ardentes en juillet, on peut vous confier que ce nouveau titre vaut largement la peine tant les deux sorcières hip hop se déhanchent frénétiquement comme si elles s’essayaient à une incantation vaudou sur scène. Juicy a pu bénéficier d’un été chargé avec de belles dates à la clé. Elles commencent en parallèle à réécrire de nouveaux morceaux qu’on a d’ores et déjà hâte de découvrir. Même si elles avouaient en mai dernier qu’il n’y avait pas encore de plan très précis, on sera là à attendre de pied ferme le retour de ce duo féminin énergique qui confirme une fois de plus que Bruxelles est un vivier de talents en plein boom. 

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