Kali Uchis et la pop acidulée d’Isolation
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Auteur·ice : Flavio Sillitti
27/04/2018

Kali Uchis et la pop acidulée d’Isolation

L’ovni au rétro bien trempé a encore frappé. Tout droit livrée d’Amérique du Sud, la jeune Karly-Marina Loaiza débarque dans vos oreilles pour résonner avec amour et sensualité. Vous l’avez peut-être déjà aperçue sur son featuring avec les machines à tubes Major Lazer ou sur son duo ravageur avec le charmant Daniel Caesar. Ou encore sur son premier EP, Por Vida, orné de l’entêtant Know What I Want. Quoi qu’il en soit, l’inépuisable Kali Uchis revient ici nous dévoiler Isolationsa machine à remonter dans le temps.

L’espace de quinze compositions, la sulfureuse hispanique traverse les époques, nous arrose de tons pastels des golden sixties et nous réconcilie avec les jeans taille basse à la Fergie des noughties, prouvant que le ringard est plus à la mode que jamais. Car la spécialité même de l’artiste semble justement l’utilisation de sonorités “dépassées”, “démodées” afin d’y apposer sa touche acide de pop suave et d’en faire un véritable événement artistique. Un anachronisme géré avec beaucoup de classe et d’efficacité qui fait du premier album de la jolie brune un concentré de généreuses mélodies pétulantes enrobées d’une bonne dose d’ardeur en provenance de sa Colombie natale. Pas seulement vintage, la musicienne est aussi en total décalage avec son époque et revendique ce particularisme pour en faire une marque de fabrique.

La vie c’est comme le sexe, parfois tu dois changer de position. Cet album est dédicacé à toutes les personnes qui se sentent piégées dans leur position, dans l’espoir que la musique vous permette de la changer.

Casting cinq étoiles pour la poupée à faux cils qui s’offre le monument Damon Albarn sur le saccadé In My Dreams, le groove légendaire de Tame Impala sur Tomorrow ou encore le talent de Thundercat sur l’introducteur Body Language. Dans un autre registre, la dansante ode à l’amour Nuestro Planeta donne le tempo grâce notamment au flow ibérique de la sensation latino Reykon. Mais pour être honnêtes – et pas vraiment objectifs – nos deux apparitions coups de coeur reviennent à l’ascendante et toujours plus brillante Jorja Smith – de qui nous vous faisions l’éloge dans cet article – et du déjanté Tyler, The Creator, proche collaborateur de l’artiste. La première nous ravit du titre le plus vivant de cet opus, Tyrant, qui déborde de références diverses – de Brigitte Bardot au french kiss en passant par le dealer El Chapo – pour aborder la question du pouvoir au sein d’une relation amoureuse. Le second vient poser son rap latent pour soigneusement modeler le moelleux After The Storm. Ce n’est pas la première fois que le leader du collectif Odd Future fait équipe avec la douce Kali, d’où l’exaltant See You Again qui prouvait déjà l’alchimie musicale entre leurs deux univers.

Le reste du recueil est tout aussi réjouissant et l’écoute passe en un éclair. Kali Uchis semble nous parler des quinze facettes de sa personnalité, des quinze voix dans sa tête et on gobe ses paroles et ses sonorités ensorcelantes volontiers. La lasciveté de Miamil’effervescence de Just A Stranger, les aigus de Your Teeth In My Neck, la douceur de Flight 22, l’innocence de Dead To Mele burlesque de Feel Like A Fool et l’apaisement de Killer : tout s’articule avec complaisance pour dévoiler la complexité musicale de la prodigieuse colombienne qui réussit à extrapoler ses atouts et à sublimer ses faiblesses.


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