KOMPROMAT : “On a voulu écrire une nouvelle histoire”
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Auteur·ice : Chloé Lahir
14/04/2019

KOMPROMAT : “On a voulu écrire une nouvelle histoire”

De ces incontournables artistes français tant talentueux naissent parfois de merveilleuses collaborations. C’est le cas du nouveau projet, KOMPROMAT, mêlant divinement bien les univers de Pascal Arbez-Nicolas aka Vitalic et de Julia Lanoë aka Rebeka Warrior, moitié de Sexy Sushi et de Mansfiled.TYA. KOMPROMAT vient d’ailleurs de sortir son premier disque le 5 avril dernier, Traum und Existenz, le bon compromis entre l’électro et la pop pour un rendu sonore à la fois sombre et lumineux.

La Vague Parallèle : Comment le projet KOMPROMAT a débuté ? Vous aviez déjà collaborés tous les deux sur La mort sur le dancefloor dans le passé, est-ce cette collaboration qui a muri ? Ou plutôt l’envie de créer un duo par la suite ?

Rebeka : Nous avions aimé travailler ensemble mais c’était un one shot. L’idée de faire un groupe est apparue plus tard. Nous avions un goût commun pour l’EBM (electonic body music) et pour les fruits de mer, ça nous a rapproché.

Vitalic : Il n’y avait absolument aucun plan. On a laissé les choses s’installer d’elles-mêmes puis petit à petit le duo s’est défini.

LVP : Est-ce ton seul projet actuel Rebeka ? Mansfield.TYA et Sexy Sushi sont-ils des projets définitivement à l’arrêt ?

R : Rien n’est vraiment à l’arrêt. Je n’ai pas pu composer pendant 2 ou 3 ans, je me consacrais au DJ set. J’avais besoin de découvrir de nouvelles choses, je me suis beaucoup intéressée à l’histoire de la musique aussi. Durant cette période j’ai écouté du drone, du baroque, beaucoup de techno, de la cold wave mais j’ai aussi lu énormément. J’étais prête à composer de nouveau. KOMPROMAT m’a redonné le goût de l’écriture. Avec Mansfield.TYA nous sommes d’ailleurs déjà au travail.

LVP : Quelle a été votre processus de composition pour cet album ? Vous participez tous les deux à la production du son ?

R : Nous faisons tout à 4 mains. Même si mon domaine de prédilection est plutôt l’écriture et le chant et que celui de Vitalic reste la programmation et les synthétiseurs, tout est très poreux. C’est par exemple Vitalic qui m’a dit de chanter en allemand et moi qui ait composé les bases mélodiques et/ou rythmiques de certains morceaux. J’ai aussi écrit sur des sujets qui nous concernent tous les deux et Vitalic s’est passé de disco pour ce projet. C’est une vraie collaboration.

V : Nous n’avions pas envie de répéter nos processus habituels de création. L’idée était justement de créer une entité nouvelle. On peut retrouver un certain vocabulaire musical qui nous est propre mais on a vraiment voulu écrire une nouvelle histoire.

LVP : Qui a écrit les paroles et quelles ont été vos inspirations pour l’écriture de cet album ? Rebeka tu évoques le fait que « tes paroles ont de plus en plus le goût des cendres » ? Quelle est l’idée derrière ces paroles ?

R : J’adore la littératures, la poésie, la philosophie. J’emprunte beaucoup aux autres auteurs et je ne m’en cache pas. Cette phrase m’a été inspirée par Simone de Beauvoir. L’idée est que les mots et les paroles ont eux aussi le goût du temps qui passe. Je profite aussi d’avoir la parole pour redonner ses lettres de noblesse à De Beauvoir qui dans beaucoup de pays est considérée comme une très grande philosophe et qui en France est encore trop souvent reléguée au titre “d’écrivaine à journal intime”.

LVP : Les morceaux qui composent Tram und Existenz sont relativement sombres, vous évoquez souvent des sujets liés à l’existence et la mort. Pourquoi cet univers si pesant ? Est-ce que l’écriture est un exutoire qui vous permet de vous libérer d’angoisses liées à ces sujets ou simplement ce sont des sujets qui vous inspire plus ?

R : Je ne vois pas ce disque comme un disque sombre. Je le vois comme un rêve éveillé et au contraire comme un éveil à l’existence. Je parle beaucoup plus de la vie et de notre rapport au monde que de la mort. 

V : Je ne vois pas cet album comme pesant non plus. Il y a des chansons positives, quelques une sont très dance floor. Je le trouve bien plus poétique que noir. Nous voulions donner du sens à notre musique et nous éloigner  des sujets hédonistes ou ironiques classiques, mais la profondeur c’est pas forcément pesant.
LVP : Rebeka, est-ce que tu aimes toujours autant ton pays ? Pourquoi ce choix de l’allemand comme langue principale d’écriture malgré la présence du français.

R : J’avais besoin de casser mes codes et habitudes de chant. L’allemand est comme un nouvel instrument, un nouveau jeu. Je me suis beaucoup amusée à manier cette langue. Je prône avec ce disque une  amitié franco allemande forte comme à l’époque de la CECA (La Communauté européenne du charbon et de l’acier ).

LVP : Avez vous des origines allemandes ou est-ce simplement l’histoire d’un changement et renforcer ce côté techno berlinoise qui est très présent dans vos sonorités ?

R :  C’est l’allemand qui a décidé de venir à nous et non pas l’inverse. Ça n’aurait pas pu être une autre langue. J’ai beaucoup écouté de groupes allemands mais je n’ai pas d’origines germaniques.

LVP : L’univers de KOMPROMAT avec ces paroles poétiques, sombres et mélodiques s’éloignent fortement de ce que vous avez pu faire dans le passé. Concernant le chant Rebeka on sent un changement dans ta manière de communiquer les émotions et les pensées, KOMPROMAT est-il le projet rupture avec ce côté trash et très direct que tu avais dans le passé ?

R : KOMPROMAT est plus proche de Mansfield.TYA que de Sexy Sushi. Dans M.TYA il y a beaucoup de mélancolie et de poésie. Pas ou peu de second degrés. Dans Sexy Sushi j’avais besoin d’exprimer une colère, une rage qui s’est aujourd’hui transformée. C’est devenu une colère froide et acérée comme une lame. La poésie et la mélancolie ne m’ont pas quitté bien que je pense qu’une certaine vision de la beauté s’y soit ajoutée.

LVP : A l’écoute de Traum und Existenz, on sent beaucoup d’influences très diverses et le mariage entre vos univers fonctionne hyper bien ! Auf Immer Und Ewig est très rythmée à la limite de la transe, Niemand sonne plus colorée, vous intégrez même des chœurs d’enfants sur Possession, qui fait un peu penser à Justice d’ailleurs. Comment vous qualifieriez le style de ce nouveau duo finalement ?

R : C’est dans la ligné de l’EBM je pense. Vitalic a qualifié l’autre jour notre musique de “post punk poétique” et j’aime assez bien.

V : Par contre je ne trouve pas possession très Justice. Justice c’est rock fm de stade avec des synthés. Nous c’est plus une chorale dans un petite chapelle en Bourgogne.

LVP : En dehors de votre musique, votre univers reste très sombre au vu de vos visuels mais également vos supports de communication. Avec l’annonce de votre première date secrète qui s’est déroulée au Péripate qui reste un lieu parisien très spécial, très rave et libertin, on aurait imaginé un son très lourd, un peu crado et très techno. Finalement, à l’écoute de votre disque, ce que vous faites reste très poétique et pop à la fois ! Est-ce vous jouez un peu avec cette image glauque ?

R :  Je trouve les 2 assez compatibles à vrai dire. Quand on ré écoute Joy Division, c’est très mélodique et accessible alors qu’ils avaient une image un peu dark.  Je ne nous compare pas du tout à eux cela dit !

V : Il ne faut pas confondre dark et glauque. Une couverture d’album avec une photo prise sur Venice Beach ne conviendrait pas au projet. Et je suppose qu’on ne jouera pas chez Jean Roch a St Trop non plus cet été. Mais ça n’est pas non plus un album qui se veut cradouille à tout prix.

LVP : Quels ont été vos ressentis lors de ce premier live au Peripate ? La réaction du public ?

R : J’ai adoré. Le public a beaucoup dansé et les gens étaient sexy. Il y avait énormément de monde et ça nous à beaucoup touché.

V : Beaucoup de stress du premier live. Ça n’était pas parfait mais je crois qu’on ne cherche pas le live tout carré.

LVP : On a vu que vous êtes programmés sur beaucoup de festivals comme  Rock en Seine, Le Printemps de Bourges, les Eurocks etc. Selon vous, quelle est finalement le meilleur public pour KOMPROMAT ? Plutôt celui de festival grand public ou plutôt club discothèque un peu dark ? 

V : Je n’ai jamais préféré un type de lieu ou un type de capacité. J’ai toujours pensé qu’il fallait un bon son et de belles lumières et ensuite c’est le public qui fait la plus grosse partie du chemin. L’énergie qui le parcourt et s’échange entre lui et nous.

LVP : Pourquoi avoir choisi de dévoiler en premier Niemand plutôt qu’un autre ? Je trouve que c’est le morceau le plus pop et mélodique de l’album et qui finalement, mis à part dans les paroles, n’est pas si sombre que ça.

R : C’est le premier morceau que nous avons composé et il nous tenait beaucoup à cœur. Il y a peu de marketing et beaucoup d’affect dans ce choix.

LVP : Est-ce que vous pouvez raconter l’histoire du clip de Niemand ? On y retrouve un peu ton côté trash Rebeka avec ces images fortes. On sent également un certain parallèle entre la vitesse et les paroles qui parlent de déplacement lent, d’immobilité.

R : Intéressant ! C’est Bertrand Mandico qui a décidé de tout pour ce clip. Nous sommes juste aller le chercher pour son univers hallucinant et sa vision romantique et hypnotique du monde. L’héroïne veut plus de vitesse et c’est vrai que dans ce projet je compte bien tout ralentir, y compris sur scène.

LVP : Des clips à venir sur d’autres morceaux ? Toujours en collaboration avec Bertrand Mandico ? Peut-être une continuité de cette histoire un peu court métrage que vous avez conté dans le clip de Niemand ?

R : Nous espérons une suite sur “le gout des cendres” avec Bertrand oui.

LVP : Quel morceau de l’album vous choisiriez pour faire découvrir votre univers à une personne qui ne vous connaît pas ?

R : Traum und existenz.

V : Niemand est une bonne porte d’entrée d’après moi.

LVP : KOMPROMAT c’est l’histoire d’une collaboration sur un disque uniquement ou sur le long terme ?

V : Impossible de le dire en avance. Peut être qu’on fera 5 albums ou bien un seul. Pour l’instant nous sommes heureux du résultat et c’était un vrai plaisir de faire ce disque ensemble, tout comme de se retrouver sur scène.

LVP : Quelle est la suite pour vous deux ?

RBK : Jouer le disque en live.

V : Jouer en live le disque.

LVP : Puisque la formation duo vous colle tous les deux à la peau, quelle pourrait être la collaboration la plus folle que vous feriez dans le futur ?

R : Je vais d’abord prendre le temps de profiter de Vitalic avant de penser à quelqu’un d’autre. J’ai envie de retrouver Carla de M.TYA aussi. J’ai pas trop de rêve de nouveauté on dirait !

V : Après je retournerai certainement en studio seul pour faire un nouveau Vitalic.

LVP : Avez-vous des découvertes récentes à partager ? (musicales, cinématographiques …)

R : En poésie je vous conseille le “Shobogenzo de Dogen. Je vous conseille aussi “Sorcière” de Mona Chollet pour prendre vraiment conscience de la place des femmes dans la société et puis un classique, “La montagne magique” de Thomas Mann. En musique j’ai adoré dernièrement Lebanon Hanover et Boy Harsher. Je rajouterais le dernier disque de Odezenne pour la dose de Français. Et en film j’ai revu “Persona” de Ingmar Bergman et “Le mariage de Maria Braun” de Fassbinder. Que des trucs d’intellos relou mais bon je m’en fiche. Il faut aller voir Blanche Gardin pour vous changer les idées après.

V : Je conseille la série Love, Death and Robots qui a été ce que j’ai vu de plus prenant depuis Les Garçons Sauvages de Mandico.

LVP : Pour finir, une question nous taraude Rebeka : Est-ce tu as toujours le DVD d’Hibernatus dans ton anus ?

RBK : Oui ! C’est un très bon film d’ailleurs.

LVP : Merci à vous deux.

KOMPROMAT sera de retour sur la scène parisienne ce jeudi 18 avril au Trabendo qui affiche déjà complet ! Si vous n’avez pas vos places pour ce concert pas d’inquiétude, le duo est programmé dans un grand nombre de festivals cet été !

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