La Route du Rock #25 : nos tops & nos flops
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Auteur·ice : Clément Bacq
25/08/2015

La Route du Rock #25 : nos tops & nos flops

Pour la 25 édition de son histoire, l’équipe de la Route du Rock a démontré l’étendue de son talent avec une programmation toujours plus pointue. Un moment unique chaque été que l’on vous raconte avec dévouement.

Cette édition a surtout été marquée par de nombreux changements en termes d’organisation et d’accueil des festivaliers. Tout d’abord avec le drainage du fort qui a finalement fait ses preuves, et qui nous a permis de pouvoir assister aux lives sans être (trop) mouillé. Un petit bouleversement. Mais aussi avec la Scène des Remparts qui fait désormais face à la grande Scène du Fort, ce qui permet de réduire au minimum les bousculades et les mouvements de foule à l’intérieur du Fort de Saint-Père-Marc-en-Poulet. Niveau organisation, on a vu également beaucoup plus de navettes faisant la liaison entre la ville et le site du festival, et un camping qui offrait beaucoup plus de sanitaires et de “confort” (comprendre, sans coulées de boue). Des changements bienvenus et nécessaires. En espérant que ceux-ci deviennent récurrents.

Par ailleurs, Saint-Malo mérite toujours autant de recevoir en son sein le festival le plus homogène et logique quant à sa programmation: la plage du Bon Secours toujours photogénique; les galettes de la ville et du fort ringardisant les food-trucks modernes de nombreux autres festivals; les cirés jaunes préservant leur utilité et tout leur potentiel Style…

Récit de nos coups de coeur, de nos coups de gueule et de 4 jours pleins de surprises.

On a aimé :

  • FLAVIEN BERGER
©Nicolas Joubard

©Nicolas Joubard

Imaginez-vous là. Sur cette plage. Imaginez maintenant que les productions sonores et la poésie faussement naïve de Flavien Berger viennent vous caresser les cheveux et vous embrasser la nuque. Imaginez-le. Et bien c’était ça, mais en 10 fois plus fort. Flavien est un homme sensible. Il dispose de tous les codes du monde qui l’entoure et s’amuse à les transformer en musique et en sensations. On ne se rend pas encore compte de ce qui va se passer dans les prochaines années, mais il pourrait le savoir. On a eu la chance de le rencontrer, et on vous raconte ce moment prochainement.

  • RATATAT
©Nicolas-Joubard

©Nicolas-Joubard

Pour beaucoup, le concert le plus attendu le premier soir. On avait hâte de voir ce qu’allait donner Magnifique (dont on vous a parlé ) en live. Au contraire du Primavera Sound où ils avaient joué sur nos sentiments, cette fois ils ont donné un sens ludique et festif à leur concert. Quatre chansons de leur dernier album, Rome manquant à l’appel, mais des fonds de scène majestueux faits de lions, d’oiseaux et de paralysies faciales ont enjoué leur prestation. Un set qui n’aura jamais diminué en intensité, même pendant les morceaux de LP4. L’enchainement Wildcat / Seventeen Years suffit à notre bonheur, se souvenir de ses premiers émois musicaux étant toujours source de ravissante mélancolie.

  • FOALS

Les rois du cool et des “Skins party” en 2007 avaient la lourde tâche de faire oublier Björk. Ils ont fait mieux que ça en attirant de nouveaux spectateurs sur la Scène du Fort, et en faisant ce qu’il font de mieux : mettre une grosse ambiance. Un petit exploit quand on sait que le bassiste du groupe a dû être transféré à l’hôpital le jour même, et qu’il a été remplacé par le backliner qui heureusement connaissait toutes les lignes de basse. On n’imagine même pas le bordel si Foals avait du annuler leur concert… Par ailleurs, on a pu s’apercevoir que les poulains sont quand même nettement plus sincères lorsqu’ils jouent leurs deux premiers albums (Red Socks Pugie, Ballons, Two Step Twice et Spanish Sahara étaient clairement les moments les plus forts de leur set et les morceaux les plus appréciés par le public). En revanche on n’accroche toujours pas aux poussifs Inhaler, Late Nite (le Spanish Sahara du pauvre) et What When Down… Laissons tout de même une chance à l’album qui sortira le 28 Août prochain. En souvenir du bon vieux temps.

  • THE SOFT MOON

Une énième retrouvaille avec Luis Vazquez, le mec le plus dark du monde. Comme d’habitude le mec a assuré sur scène en balançant du gros son qui vient frapper l’estomac et tordre les tripes. Mais ce coup-ci avec une ferveur déstabilisante, qui plus est sous le soleil. Le set se termine en bombe atomique avec Want et ses tam-tam du diable à la nuit tombée. Petit bémol tout de même, pourquoi toujours choisir de traiter davantage le premier album, celui qui a essuyé les plâtres dans la quasi-parfaite discographie du groupe ? Des titres comme Crush, Wasting, Remember The Future, ou Deeper mériteraient certainement un peu plus de lumières. Dommage. (Si tu pouvais aussi réengager l’ancien bassiste, celui tout grand qui faisait peur. Merci.)

On a été surpris :

  • SAVAGES

Certainement le concert le plus excitant du festival, et surtout, la plus belle claque de l’édition. Les filles de Savages, armées de leurs talons-hauts et d’un post-punk extrêmement efficace ont réussi à elles seule à rendre la dernière journée de festival, qui s’annonçait terne, pleine de grâce et de folie. Alors que jusqu’à présent la RDR 2015 nous paraissait manquer de punch, leur concert est apparu comme la confirmation que l’équipe du festival est décidément pleine de ressources.

On a rarement été frappé par autant d’élégance et de violence dans un même concert. La bassiste et la batteuse ont abattu un travail incroyablement juste, tout en noirceur et en rage contenue, pour laisser la place sur le devant de la scène à une guitariste exaltante et Jehnny Beth, la frontwoman française, dotée d’un charisme hors du commun. Ajouté à cela une nuit tombante et un jeu de lumière clair-obscure qui ont rendu l’atmosphère joliment oppressante… Du génie. Mention spéciale aux titres Fuckers et She Will. Inutile de vous dire qu’on attend avec impatience leur prochain album prévu pour 2016.

  • SUN KILL MOON

Tout premier artiste à ouvrir cette 25ème édition, Mark Kozelek nous ravit de sa voix rauque dans une mélancolie jamais plombante. Il finira son concert en parlant pendant une dizaine de minutes en musique, nous narrant son arrivée à Saint-Malo et ses déboires des jours précédents. C’était drôle et touchant.

  • GIRL BAND

“WHY THEY HIDE THEIR BODIES UNDER MY GARAAAAGE ?” Cette phrase est resté coincée dans nos têtes pendant 4 jours, et rien que pour ça Girl Band mérite sa place dans le top de cette édition. Mais c’est surtout la fraicheur et la puissance live du groupe qui nous aura achevé ce vendredi 14. Un garage pur et dur qui tire parfois vers la percussion du post-punk et même de l’électro. Un concert excitant, qui nous a aussi beaucoup sali (Merci au petit con qui a trouvé extrêmement drôle le fait de sauter dans l’immense flaque de boue en face de nous. Instant Karma : le mec y a aussi perdu son iPhone).

Leur premier album “Holding Hands With Jamie” qui sortira fin août va certainement en émouvoir plus d’un.

  • TIMBER TIMBRE

On avait eu du mal à rentrer dans le dernier album des canadiens, Hot Dreams, moins mélancolique que le précédent, Creep On, Creepin On. Les bucherons nous permettront de vraiment entrer dans le festival, juste avant la douche de son de Girl Band. La douceur de la voix du chanteur et surtout des cuivres et des guitares tamisées nous feront rentrer dans leur forêt crépusculaire, pour un concert qui n’aurait rien eu à envier à Grizzly Bear. On sortira non pas avec le blues, mais plutôt avec une lumière intérieure, leur crépuscule sonore étant racé et cathartique.

  • DAN DEACON

On ne partait vraiment pas conquis. Et pourtant, en fin de festival, la bière aidant, son concert déjanté est passé crème. Essayant à plusieurs reprises de faire une chorégraphie géante au centre du public, il aura au moins réussi à nous faire sauter dans tous les sens sur des nappes électroniques en dépit du bon sens mélodique.

On doute :

  • THE NOTWIST

Présents à la Nouvelle Vague, salle malouine le jeudi, les allemands viennent jouer leur album phrare : Neon Golden. Ca s’écoute avec un grand plaisir, on se surprend même à se souvenir des paroles de certains refrains. Malgré une superbe fulgurance quasiment techno, le set hésite toujours entre power-pop ou électro sans jamais vraiment trancher d’un côté ou de l’autre. Un concert qui a ravi les fans de la première heure dont les yeux brillaient comme à leur premier concert à l’âge de 13 ans.

  • VIET CONG

Comme au Primavera Sound, Viet Cong nous laissera sur notre faim. Car si on ne peut qu’applaudir certaines compositions exaltées comme Continental Shelf et Pointless Experience, qui animeront d’ailleurs le public malouin, d’autres, réécoutées en boucle sur leur album, manqueront de l’urgence mélodieuse qui nous a fait tellement apprécier leur premier EP, certaines chansons se perdant en longueur, diminuant en plus l’effet du chant rauque du leader. Détenteurs d’un des meilleurs disques de 2015, il leur en faudra plus pour se placer sur la grande scène du Fort.

  • RONE

Rone : excès de vitesse sur l’autoroute du délire. ©Nicolas Joubard

Alors qu’il était parti sur les chapeaux de roue, enchainant certains de ses tubes comme Bye Bye Macadam et Sing Song, sur ce qui restera comme la plus belle composition scénique de cette édition, érigé en pointe d’un iceberg où se projetaient ses Creatures, d’où émergeaient ses outils sonores, Rone a été le seul responsable du fiasco de la deuxième partie de son concert. Invitant François Mary (de François and the Atlas Mountains, qui nous avaient régalé en ouverture de la RDR 2014) pour chanter Quitter la Ville, il est coupable du BIDE monumental de cette édition. François, appareillé de lunettes de soleil (rétro? futuristes?) et d’une voix monocorde a plombé l’ambiance du public du Fort se déhanchant jusque là au son des féeries musicales d’Erwan Castex. Après la sortie sans gloire de François, Rone a tenté de remettre du rythme à son concert, mais s’égarant dans des compositions house-dance-floor aux dépens de ses créations oniriques, il nous a perdus aussi.

  • JUNGLE

On ne s’est pas ennuyé devant leur concert. Armés de deux batteurs et deux choristes, les deux jeunes leaders anglais de Jungle ont fait un set classieux, jonglant entre les divers tubes qui composent leur album. C’est agréable, ludique, mais ça ne sera jamais jouissif, et c’est bien dommage, car Time, Lucky I Got What I Want ou The Heat avaient le potentiel pour nous faire danser (c’est leur but). Un set beaucoup trop ficelé, finalement aseptisé.

  • Le MACUMBA

Installée au fond du camping, le Macumba est devenu tout naturellement le night-club de la RDR, et malgré certaines difficultés pour trouver le sommeil, on ne résiste pas à l’envie d’en parler. On imagine déjà son retour, avec Barbie Girl et de la Cumbia, l’an prochain.

On n’a pas aimé :

  • FATHER JOHN MISTY

Album de folkeux chiant à mourir, un mec imbu de sa personne, un nom de scène pourri (Père Jean Brumeux). Il donne l’impression de détenir la réponse ultime au sens de la vie mais il s’aime trop pour la partager avec toi. D’ailleurs il ne te parle même pas parce qu’il vaut tellement plus que toi. Sur scène, il joue à être Nick Cave (du très très très pauvre. Pardon Nick).

  • DANIEL AVERY

LA grosse déception de cette édition. On attendait énormément de son set, après une écoute attentive et quasi-obsessionnelle de son album “Drone Logic” et de son EP “Water Jump“. Daniel Avery semblait planer avec un son minimaliste et sombre, dans des envolées progressives de nappes de synthés et de Beat rappelant les meilleurs heures de Madchester. On se permettait de rêver à une longue séance de doux tambourinage et de transe solitaire collective. A la place, nous avons eu un set totalement aseptisé, sans variation, sans substance, et surtout sans personnalité, sans le moindre fond de scène pour venir soutenir le rien.

Pourquoi Daniel ? POURQUOI ?

  • ALGIERS

C’est à se demander si les autres festivaliers ont vu le même concert que nous. Souvent dans l’excès de zèle, l’air d’avoir tout connu pour un groupe qui a encore tout à prouver. Un mélange de gospel / Rock / New Wave un peu trop ambitieux. Tout ça nous a dirigé vers un des concerts les plus ennuyants de cette édition…

  • THE THURSTON MOORE BAND

Oui, Sonic Youth a été incontournable, et leur legs se fait ressentir sur une grande partie des groupes programmés cette année, mais malheureusement, sur scène, Thurston Moore ne nous donnera jamais l’impression d’être utile à présent, ni même de défendre son important héritage. Peut-être était-ce dû à un passage trop tôt sur scène, le premier jour. Mais peut-être était-ce dû à un manque d’engouement de la part de l’intéressé, à une lassitude de devoir se porter étendard d’un groupe qui a secoué le rock indépendant. Une responsabilité qui pèse lourd, au moment de prouver une sorte de légitimité.

  • FUZZ

Ty Segall fatigue. A défaut de ne pas suivre au jour-le-jour l’actualité garage-lo-fi californienne, on se perd dans les nombreux groupes créés par le bonhomme. Cette fois-ci, alors que sa présence a amené nombre de smart kids parisiens cette année à la Route du Rock, il se présente avec son projet le plus (il faudra le dire: Psychédélique), maquillé avec ses acolytes de façon grotesque (sûrement le but, mais, aucun intérêt, aucun jeu scénique ni musical qui donnerait un soupçon de consistance à ce fard qui ne trouve réponse que dans les guitares ultra-distorsionnées qui cachent le manque d’idées du groupe).

  • RIDE

C’était la tête d’affiche qui restait, une fois Björk désertée. Le début du set s’annonce prometteur : Leave Them All Behind suivi de Like a Daydream, on a le sourire aux lèvres. Hélas, sur la longueur, les anglais peine à convaincre sur un concert trainant en longueur.

On a loupé

  • Only Real : La faute à une trop forte envie de galettes bretonnes dans le magnifique intra-muros de Saint-Malo… Désolés.
  • Kiasmos : Cf Only Real. Désolés.
  • Hinds : Parce que c’est pas terrible, mais elles ont l’air sympa, à la cool. Le temps de réfléchir à la possibilité d’assister au concert, leur set était terminé…Désolés.
  • Spectres : Pas vraiment loupé, mais pas vraiment vu non plus… Leur album Dying est une bombe de Noise noire qu’on vous recommande fortement, et le leader portait un T-shirt Björk pour loler. Concert sacrifié pour se placer convenablement pour Foals…. Désolés.
  • Wand : Déjà vus à la Rotonde à Bruxelles, une très bonne surprise pleine d’énergie et beaucoup moins psyché que Ty Segall. On a préféré squatter les stands de labels et les disquaires. Désolés.
  • The Juan McLean : On était bourré… Désolés.
  • Lindström : Daniel Avery nous aura tellement déçu qu’il ne nous restait plus aucune énergie, ni une once de bonne humeur pour le mentor de Todd Terje. Désolés.
  • Forever Pavot : lol.
  • Jimmy Whispers : Sacrifié pour les beaux yeux de Flavien Berger (dont l’interview sera prochainement disponible). Pas vraiment désolés.

Nos pronostics pour l’an prochain :

Avec les investissements consentis cette année, nous pensons que l’équipe de la Route du Rock pourra se permettre d’être encore plus ambitieuse, avec un budget (légèrement) plus conséquent. Du coup, voici nos pronostics pour l’édition #26 de la RDR. Et c’est un combo gagnant en tête d’affiche.

  • New Order : Nouvel Album (“Music Complete”) + Vieux groupe jamais programmé = Incontournable?
  • PJ Harvey : Elle est déjà venue. Les programmateurs l’apprécient beaucoup. Elle sort un nouvel album. On va préparer une réserve de larmes pour ce très beau moment d’émotions au Fort.
  • The Radio Dept. : Ils sortent de leur léthargie. Aiment la France. Du coup. On peut toujours rêver non ?

A moins que l’équipe ait désormais peur de programmer des grosses têtes d’affiche, dû à la jurisprudence Björk…

Dans tout les cas, nous risquons fortement d’être présent. Encore une fois.

Clément BACQ, Sybille KOWALSKI, Hugo KERMORVANT.

 

 

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