Laure Briard : “Le côté familial est très important dans mon travail”
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Auteur·ice : Charles Gallet
29/01/2019

Laure Briard : “Le côté familial est très important dans mon travail”

Semaine Laure Briard, partie 2. Il y a quelques jours, on a eu la chance de rencontrer la chanteuse toulousaine lors de son passage à Paris. L’occasion de parler de son superbe nouvel album Un Peu Plus D’Amour S’il Vous Plait, mais aussi de sa relation avec son label Midnight Special Records, de ses voyages et de Faites Entrer L’accusé.

La Vague Parallèle : Salut Laure ! Ton album sort vendredi, comment tu te sens ?
Laure Briard : Ça va, j’arrive à dormir sans trop faire d’insomnies mais je suis un peu stressée par moments… Comment ça va être reçu, la promo, tous ces trucs-là … Je me tape des montées, j’essaie de méditer, de me recentrer et de respirer.

LVP : Tu es quand même heureuse ?
L.B : Ah oui, je suis super contente ! Ça fait quand même un an que j’ai enregistré l’album et il est prêt depuis avril/mai donc je suis impatiente.

LVP : Déjà, on voulait te dire, on est seulement en février mais tu as le meilleur titre d’album de l’année. L’album est super cool aussi et je me demandais comment ce titre t’était venu ? Car finalement, il colle absolument à la réalité du moment.
L.B : En fait, quand j’ai décidé que j’allais l’appeler comme ça, j’avais déjà écrit la  chanson qui lui donne son nom et effectivement ce titre peut avoir plusieurs significations. Il y a l’aspect au niveau de l’amour que l’on peut demander à une personne en particulier, l’aspect “un peu plus d’amour par rapport à soi-même”, puis le truc plus global à l’échelle de l’humanité. Oui, ça se ressent ce manque d’amour entre les êtres humain c’est évident.Il peut donc  y avoir plusieurs interprétations en fonction du contexte.

LVP : C’est un petit cri du cœur ?
L.B : Oui, c’est un petit cri du cœur, totalement.

LVP : Justement, la chanson qui lui donne son titre clôture l’album et je l’ai trouvée assez incroyable dans le sens où il y a quelque chose d’hyper fort qui se développe, un truc un peu mantra sur la chanson.
L.B : Justement c’était l’objectif, c’était ce que je voulais.

LVP : Et je voulais savoir si tu avais tout de suite décidé de clôturer l’album avec ?
L.B : Pas forcément, au début au niveau de la tracklist je ne savais pastrop comment ça allait se passer, sans doute parce que sur la démo lafin est moins longue. Mais lors de l’enregistrement, on s’est dit qu’on avait envie de faire durer le truc vraiment, que ce soit un message un peu à la manière d’un mantra, une phrase scandée par la foule. Effectivement, quand on a enregistré je me suis dit « c’est le morceau qui va clôturer l’album, c’est sûr,  ça fait sens ».

LVP : Ta musique est très ouverte sur le monde et de plus en plus je trouve au niveau des influences…
L.B : Ça me fait plaisir que tu me dises ça !

LVP : Je trouve qu’il y a des influences arabisantes, des trucs un peu divers qui font sens dans le corps de l’album et je me demandais si tes voyages influençaient ta musique ?
LB : Forcément les voyages influencent, ça marque. Ce sont des expériences assez fortes qui restent en moi donc elles réapparaissent dans mon écriture et mon travail. C’est vrai que depuis quelques années j’ai vraiment cette envie de chercher, de découvrir des vieux groupes parfois un peu obscurs Ça a commencé avec la musique turque des années 60-70. J’ai commencé à écouter ça, j’étais dans un cycle obsessionnel. C’est comme les films, quand je commence à regarder un film d’un réalisateur que j’aime, je vais regarder toute sa filmographie. Pareil pour la musique, j’ai eu ma période turque. Après, j’ai toujours écouté de la musique brésilienne, depuis très très longtemps, mais c’est vrai que je le fais par cycles. J’aime beaucoup aller sur YouTube et dériver de lien en lien car il y a énormément de matière, des musiciens inconnus qui me parlent. Fin décembre je suis allée en Algérie du sud à Tamanrass et, vers le Sahara et j’ai rencontré pas mal de musiciens touaregs. Ça faisait un moment que j’écoutais ce genre de musique, des groupes comme Tinariwen, Ezza, Tamikrest ou Imarhan. J’ai découvert encore plus leur univers. Ça me parle énormément, ça me touche aussi.C’est arrivé relativement tard car j’ai été pendant beaucoup d’années dans le rock indé ou la pop sixties/seventies, je n’aimais pas le reggae, je détestais le rap. Maintenant je suis fan de Damso !(rires)

LVP : Tu as sorti un EP en portugais l’année dernière, tu chantes enanglais, en français… Est-ce qu’il y a d’autres langues que tu aimerais explorer pour le futur ?
L.B : J’aimerais bien, oui. Je vais faire d’autres choses en portugais avec des artistes brésiliens, c’est en prévision et après j’aimerais bien chanter en tamasheq, la langue des Touaregs. Mais cela risque de prendre beaucoup de temps ! Justement j’étais en Algérie chez Sadam le chanteur d’Imarhan où il y a beaucoup de musiciens qui gravitent… et ils enregistraient ce jour-là le disque de son cousin, un jeune super talentueux qui s’appelle Idarchane. Ils m’ont fait chanter, en tamasheq donc. C’était génial !

LVP : Est-ce que tu prévois aussi d’aller jouer dans d’autres pays, est-ce que c’est un côté de ton projet musical de présenter ta musique à d’autres pays ?
L.B : Complètement ! J’ai eu la chance de jouer au Mexique, aux États-Unis, au Brésil même dans des pays européens, en Scandinavie, au Portugal, en Espagne et c’est super. Le Brésil a vraiment été une expérience de fou, même au niveau des gens qui venaient nous voir, il y a un truc, les gens sont hyper enthousiastes même s’ils ne connaissent pas. Ils viennent découvrir et ils sont hyper enjoués. J’ai vraiment halluciné pendant la tournée. C’est mon rêve de jouer dans plein de pays lointains.

LVP : C’est prévu pour cet album ou pas encore ?
L.B : Il y a des choses qui se préparent pour cet album mais qui ne sont pas sûres. Déjà, aller au Brésil car je n’y suis pas allée à la sortie du l’EP. Mais tout cela est très compliqué à organiser. Donc on y travaille et on verra !

LVP : Je trouve que ta musique est peut-être plus apaisée sur l’album.C’est venu naturellement sur la couleur de cet album-là ou tu y as réfléchi ?
L.B : C’est venu naturellement car quand j’écris, je n’ai aucun objectif. J’écris vraiment ce qui sort de moi et je ne me dis pas “faut que ce soit comme ci… ou comme ça…“. Après, c’est vrai que je n’ai vraiment commencé à écrire et composer que sur Révélation, mon premier album qui était vraiment lié à une rupture amoureuse assez douloureuse donc ça se ressentait forcément dans les textes. Et puis au fur et à mesure on évolue, les sentiments changent.

LVP : Aussi ce qu’on ressent dans ta musique, c’est qu’on sent que lamusique a été jouée live. Est-ce que les musiciens avec qui tu as enregistré l’album vont te suivre sur la tournée ?
L.B : Oui. En fait dans mon groupe à Toulouse, là où j’habite, j’ai quatre musiciens. Il y en a trois qui étaient à l’enregistrement D’un peu plus d’amour s’il vous plait et deux étaient déjà là pour sur la piste de danse donc ils connaissent bien mon travail. C’est la famille, c’est important pour moi, dans le travail.

LVP : Avant de faire de la musique, tu as quand même eu un parcours assez atypique, tu as fait des études de criminologie, tu as été actrice… et je demandais si ton background t’influençait dans ta façon d’écrire ou de penser la musique ?
L.B : Eh bien, pas forcément en fait car même si j’ai fait du théâtre par exemple je n’ai pas l’impression que ça a eu une influence directe. Après j’ai fait une maîtrise de lettres modernes, j’ai beaucoup lu donc forcément dans mon écriture il y a des choses liées à ça. Après la criminologie c’est quand même assez particulier, c’est dark donc je sais pas si on peut dire que ça ressort quelque part, peut-être à un moment donné mais…

LVP : Peut-être dans ta façon d’analyser les choses ?
L.B : Oui. Après c’est sûr que tout est lié mais ce n’est pas une influence directe même si je fais des projets parallèles un peu dark, que j’enregistre toute seule, des maquettes que seuls mes amis écoutent…

LVP : La musique de « faites entrer l’accusé » ?
L.B : Ouais voilà (rires) et j’adorerais faire des musiques de films d’horreur, car depuis très longtemps j’aime bien enregistrer des musiques d’ambiance, des trucs un peu flippants et j’adore les films d’épouvante. J’enregistre des trucs complètement barrés parfois.

LVP : Pour l’instant c’est chez toi quoi ?
L.B : Oui oui pour l’instant c’est chez moi et ce sont trucs à l’arrache. C’est expérimental !

LVP : C’est quoi votre façon de travailler chez Midnight Special Records (son label, ndlr). Comment est-ce que ça nourrit ta réflexion sur la musique et ta démarche de création ?
L.B : Le fait d’être stimulée déjà ça encourage à la création et forcément ça ouvre le champ des possibles. Je sais que je peux travailler avec des gens que j’admire et qui sont mes amis aussi. On se retrouve dans ce cercle et au niveau de l’énergie dégagée c’est génial ! Par exemple avec Marius, qui est le co-fondateur du label et qui était mon musicien avant, on fait des ateliers musicaux pour des jeunes. On l’a déjà fait dans un lycée, on va sûrement le refaire dans un centre de réinsertion et on aimerait le faire aussi en Algérie…

LVP : C’était le bon environnement pour toi en fait, pour t’épanouir musicalement ?
L.B : Oui, totalement. Je me suis liée d’amitié aussi et pour moi c’était hyper important de travailler avec des gens en qui j’ai confiance et que j’aime. C’est la famille encore une fois. C’est vrai qu’à Toulouse j’avais une sphère d’amis très proches comme Julien Gasc, Eddy Crampes. Quand je suis arrivée chez Midnight j’étais là « je ne les connais pas ces gens, j’enregistre un disque avec eux » et ça me faisait trop bizarre. Au final ça s’est fait hyper naturellement et rapidement et c’est super car ce sont les conditions optimales pour travailler ! Victor me prend parfois un peu le chou. (rires) Quand je jouais avec la team Midnight, tous les musiciens nous chambraient parce qu’on se disputait comme frère et sœur dans la Volvo ! Chien et chat !

LVP : C’est aussi ce qui transparaît chez Midnight. C’est tout un écosystème qui fonctionne bien.
L.B :  Il y a beaucoup d’entraide oui. Tout le monde est sur la même longueur d’onde pour faire en sorte qu’il se passe plein de choses ! Victor bosse à fond et nous encourage comme un super manager ! Et il y a Morgane aussi ! C’est très particulier et très rare et mes amis me disent que j’ai beaucoup de chance. J’espère que ça va durer.

LVP : J’ai une question sérieuse : comment toi, tu vois l’image de lafemme dans le monde de la musique actuelle ?
L.B : Je pense que c’est très compliqué dans beaucoup de domaines et qu’il faut redoubler d’efforts pour s’affirmer et se faire entendre. Après c’est vrai que moi, encore une fois, j’ai beaucoup de chance de bosser chez Midnight, avec des mecs avec qui il n’y a pas de problème. La question se pose plus après quand on arrive en concert avec des gens qu’on ne connaît pas ou dans le milieu de la musique en général. Personnellement, je n’ai pas été confrontée à des situations de gros malaise où je me suis sentie mal après. Mais c’est un truc qui se ressent, c’est global.

LVP : Question très con, est-ce qu’il y a une fontaine particulière à Toulouse qui pousse les musiciens vers le psychédélisme ?
L.B : Je sais pas, je sais pas, non y en a pas (rires) car du coup tu penses à quels musiciens ?

LVP : Je pensais à Barbagallo, Aquaserge…
L.B : Je ne sais pas vraiment d’où ça vient. C’est peut-être une énergie particulière qui se dégage des briques rouges et tout ça… Il y a aussi Camille Bénâtre, Thomas Pradier, Marie Mathématique, I MeMine, Oe, Vermeil Solarium, Kevin Collin et les Crazy Antonin ! Non, vraiment c’est foufou !

LVP : Est-ce que tu as des coups de cœur récents en musique, film ?
L.B : J’ai lu récemment la biographie d’Asmahan une chanteuse syrienne qui a fait carrière en Égypte. Une femme assez extraordinaire, chanteuse hors du commun et espionne pendant la 2ème guerre mondiale. Morte dans des circonstances très troubles. Ensuite mon voyage en Algérie, à Tamanrass et car c’était merveilleux et j’y ai rencontré des personnes formidables. J’ai eu la chance de passer du temps avec des musiciens touaregs qui m’ont beaucoup appris. Et pour finir le chanteur brésilien Giovani Cidreira qui a sorti un EP et un album qui s’appelle Japanese Food. Je l’adore

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