La fête est finie ou la schizophrénie d’Orelsan
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Auteur·ice : Charles Gallet
21/10/2017

La fête est finie ou la schizophrénie d’Orelsan

Le retour du rappeur le moins productif… Tout le monde va sortir cette phrase et elle nous fait bien marrer. Six ans après Le Chant Des Sirènes, le Caennais revient. Entre temps il a sorti deux albums avec les Casseurs Flowters, un excellent premier film, une série devenue culte et a doublé des mangas. Pas mal pour un (plus si) jeune branleur. Aujourd’hui sort donc La Fête Est Finie, un album plein de qualités… et de défauts. Chronique.

Ça n’aurait pas pu plus mal commencer. Parce que son nom apparaissait sur la une volontairement polémique d’un certain journal qui cherche à tout prix à exister à nouveau pour ensuite s’excuser platement la semaine suivante. Les loups sont donc ressortis et une poignée d’abrutis (oui, on voit clairement pas d’autres mots) qu’ils soient politiques ou inconnus n’hésitant pas à mettre au même niveau Bertrand Cantat et Orelsan. Comme si tabasser une femme jusqu’à la mort et écrire une chanson du point de vue d’un mec alcoolisé et largué était comparable… C’est l’époque qui veut ça, et il le disait lui même en 2011 “C’est à celui qui condamnera le plus fort“.

Ce mini bad-buzz n’aura en tout cas pas empêché la vague laudative concernant La Fête est Finie de faire son œuvre en ce vendredi matin. Celle-ci avait commencé il y a déjà quelques semaines avec la sortie surprise de l’excellente Basique (même si on tique un peu sur le fait que Fuzati disait déjà sur Monogramme en 2014 ” Faut que j’raconte des choses plus simples, les gens sont de plus en plus cons“). Prod de Skread aux petits oignons, paroles semi-absurdes mais visant les défauts de notre époque, Orelsan était donc bel et bien de retour en solo. Pour le meilleur sur ce titre. Car oui, ne tuons pas le suspens, La Fête est Finie est un très bon album, mais il y a un mais.

Schizophrénie, c’est le premier mot qui nous vient en tête après plusieurs écoutes du disque.  Car c’est bien un album à la double personnalité qui nous est donné à l’écoute aujourd’hui.

D’un côté, on est face à la continuité de ce qu’il fait depuis Perdu D’avance. Orelsan a vieilli et son public avec lui. C’est le meilleur côté de l’album, celui qui est à la fois  sombre, profond et sensible. Celui où Aurélien prend finalement le dessus sur son personnage. Ça commence en grande pompe et frappe donc fort d’entrée avec San, la fête est finie mais le combat continue et Orelsan semble plus prêt que jamais à combattre ses démons car il a désormais des choses auxquelles s’accrocher. Ça continue avec La Fête est finie, et on se dit qu’on tient un truc, un album de rap de trentenaire décalé du monde, le genre d’album qu’on aurait voulu écrire qui nous représente tellement que c’en est presque étrange. Orelsan n’est jamais aussi bon que dans l’auscultation du monde qui l’entoure, il semble cristalliser tout ce qu’il est.

Défaite Familiale vaut à elle seule l’écoute de l’album. Jeux de massacre jouissif, sorte de Festen musical. La chanson fait mal autant qu’elle fait du bien. Le genre de discours qu’on a tous voulu balancer un jour à un repas de famille.

Dans Ma Ville On traine, est une déclaration d’amour douce-amère à la ville de Caen, l’écriture y est tellement précise qu’en fermant les yeux on pourrait s’y retrouver et elle aurait clairement eu sa place dans la bande originale de Comment C’est Loin. Sur toutes ces chansons les productions de Skread frappent fort, à la fois mélancoliques et modernes, elles collent toutes si bien aux paroles qu’elles en deviennent clairement indissociables.

Mais sur cet album, Orelsan s’est aussi entouré d’autres producteurs et on voudrait souligner l’excellent travail de Guillaume Brière de The Shoes (déjà à l’œuvre sur l’album de Lomepal et qui prouve une nouvelle fois sa passion pour le rap) sur Quand Est Ce Que Ca S’arrête et surtout sur la sensationnelle Paradis. Déclaration d’amour moderne, cette chanson est clairement une des belles surprises de l’album, douce et belle, portée par des punchlines absolument magnifiques et puant tellement la vérité qu’elle nous dresse les poils.

L’album se termine avec Notes Pour Trop Tard ou Orelsan, en featuring avec Ibeyi, semble se parler à lui-même plus jeune dans un monument d’honnêteté où il se met à nu, nous invitant une nouvelle fois à nous interroger comme lui sur les choses qu’on aurait du faire autrement.

C’est ce côté-là d’Orelsan qu’on aime. Cette honnêteté, cette vérité, cette écriture absolument folle qui nous fait frissonner et qui nous pousse à nous interroger sur nous-même comme il le fait.

Et puis il y a l’autre partie de l’album, la seconde face de la pièce. C’est là que le bas blesse. Orelsan est populaire, il est au sommet et il doit forcément le rester. Ça passe par un côté putassier où le bonhomme va chercher à brasser tout ce qui marche en ce moment pour le mettre sur son album.

Et aussi chercher à attraper les Kids, puisque ce sont finalement eux qui viendront à ses concerts. On se retrouve donc avec des chansons rigo-lol comme Bonne Meuf qui arrive clairement comme un cheveu dans la soupe. Si le concept de la voix robotique passait très bien sur la vidéo culte où il faisait un freestyle avec son ordinateur, ici ça tombe à plat.

La Lumière est tellement influencée par PNL que c’en deviendrait presque gênant. Tout Va Bien et Christophe sont de bonnes chansons, les propos y sont intéressants puisque d’un côté, il prend le rôle d’un enfant pour s’interroger sur l’état du monde et de l’autre on y parle des relents racistes d’une société qui n’a pourtant jamais été aussi cosmopolite dans sa culture. Seulement, sur la première, l’influence de Stromae à la prod est tellement pesante que même le flow et les paroles, lui ressemblent. La seconde souffre d’une production, qu’on espère ironique, tout bonnement insupportable.

Si ces chansons sont noyées dans l’album, elles y apparaissent pourtant bien et affaiblissent un peu la puissance émotionnelle et les propos des autres tracks.

La Fête Est Finie est donc au final un bon album, mais pas le grand album qu’on aurait pu espérer. C’est un disque un peu malade, qui cherche tellement à plaire à tout le monde qu’il ne plaira entièrement à personne. Ce qui nous rend un peu triste, c’est qu’il est rempli de chansons incroyables qui auraient pu le transformer en classique.

On a mis en vidéo l’inédite Mes Grands-Parents en vidéo parce qu’on la trouve incroyable et qu’il faut l’écouter.

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