Poolside : “La musique afflue dès je me sens bien où je suis”
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Auteur·ice : Joseph Lanfranchi
23/02/2019

Poolside : “La musique afflue dès je me sens bien où je suis”

Pas de détail superflu, pas d’enjeu, pas de pression mais un talent rare, le duo Poolside compose une musique aussi inhérente au rêve californien qu’elle en est éloignée de ses clichés. Il est souvent tentant de s’essayer au néologisme pour décrire un groupe dont la musique explose les limites d’un genre, que cela soit à travers les sons, les paroles où l’univers de l’artiste. Poolside n’a pas révolutionné de courant musical et leur paroles abordent les thèmes usuels, standards, universels : l’amour, la nostalgie de sa vie passée, l’envie d’ailleurs.


L’appellation daytime-disco a pourtant été inventée à leur égard par une presse américaine séduite par les gemmes baléarics que le groupe balançait nonchalamment lors des pool parties à SF.

Sans prise de tête, en quelques années et deux albums, Jeffrey et Vito ont transformés les remous originels de la nouvelle vague nu-disco en une floppée de track ensoleillées donnant vie à un univers où l’espoir et l’insouciance triomphe sans relâche de la nostalgie.

La Vague Parallèle : Vous n’avez parfois pas peur d’être associés à des musiciens de pool-party, dans le sens péjoratif qu’il peut avoir?

Poolside : Plus aujourd’hui mais au début du groupe oui. Nous avons été booké plusieurs fois pour des fêtes qui ne nous correspondaient pas. Cependant, c’était évident pour nous que nous n’allions pas convenir au public de ces événements peut-être plus mainstream et nous avons pu décliner les offres. Je pense que notre son permet de nous différencier rapidement de ce genre de fêtes même si nous apprécions jouer à des événements qui ont de nombreux points de ressemblance avec les pool-party que tu mentionnes. Ça me fait un peu penser à ce débat qui oppose le hard rock, le punk, le métal etc. la différence ne vient pas spécialement de la différences entre les sons des guitares mais plutôt de l’éthique.

LVP : Poolside a été créé pour s’amuser, pour déconner entre amis en studio, quelle est votre impression aujourd’hui? Après deux albums bien reçu par la critique et une tournée autour du monde.

Pooslide : C’est vrai qu’un des principaux défis de ce groupe a été de réussir à suivre ce qu’il engendrait comme attente de la part de notre audience. C’était censé être une activité annexe pour nous mais la place qu’il prenait a grossit très vite ce qui a amené beaucoup d’interrogations sur la direction à prendre. Depuis l’année dernière c’est devenu mon occupation, et ma passion, à temps plein et j’y mets toute mon énergie et mon cœur à l’ouvrage pour qu’il est un sens, aussi bien artistiquement que dans ma vie, le plus joyeusement possible. J’espère que cela ressent dans nos chansons et que les gens accrochent. Si ce n’est pas le cas je continuerai à donner tout ce que j’ai pour y parvenir.

LVP : Vous êtes dans quel état d’esprit lorsque vous composez? Vous arrivez à rester aussi détendu qu’au commencement ou est-ce plus sérieux? Vous disiez être assez souvent un peu éméché lors de la genèse de Pacifc Standard Time.

Ça dépend vraiment du jour et de sur quoi on travaille, la composition, la production, quelles chansons aussi. Lors du processus “de création”  j’ai besoin d’être dans un environnement où je peux expérimenter sur toutes les idées qui me viennent, qu’elles soient folles, ridicules, “pas cool”, des choses qui ne devraient pas marcher, des idées dépassés ou juste des choses avec lesquelles j’ai un bon feeling. Pour la production et le mixage, nous travaillons d’une façon bien plus sérieuse et réfléchissons à chaque détail plus longuement.

LVP : Quelle est l’importance de l’endroit où vous composez? De l’environnement? Qu’il soit stressant ou très détendu. Car San Fransisco est aussi cool que stressante.

Poolside : Je vis entre San Francisco et Los Angeles en ce moment. L’écriture et l’enregistrement de nos chansons se passent en général dans un magasin de surf à Venice Beach qui est construit au dessus d’une immense piscine. Si tu visualises tu peux te dire que la musique afflue dès je me sens bien où je suis.

LVP : A quelle point êtes-vous la musique que vous composez?

Poolside : Franchement je ne suis pas sûr, je préfère botter en touche (rires).

LVP : Ce n’est pas étrange d’avoir sa chanson la plus connu qui est une reprise (Harvest Moon de Neil Young)?

Si vraiment surtout que lorsque nous avons enregistré cette reprise nous n’avions jamais eu l’intention de la sortir officiellement. Notre manager de l’époque nous avait dit qu’elle ne sonnait pas très travaillée. On a décidé de la mettre sur Soundcloud quand même et tu connais le reste.

LVP : Vous créez un monde bien à vous à travers votre musique, avec une atmosphère bien à lui autour d’une sensation de nostalgie et de romantisme. Cela peut rappeler les vacances plus jeune, l’amour et les voyages passées. Tu as des films et des livres coups de cœur qui dégage les mêmes impressions ?

Poolside : Comme tu le dis, les morceaux que l’on écrit, bien qu’ils semblent très léger et fun à la surface, ont toujours un aspect mélancolique et triste comme lorsque tu te rappelles du passé avec nostalgie.Tu es heureux de te rappeler ces moments mais triste qu’ils soient derrière toi.

Pour répondre à ta question, à brûle-pourpoint les films qui m’ont toujours fait ressentir cette nostalgie sont Bienvenue à Los Angeles de Robert Altman (1976), Le Lauréat de Mike Nichols (1967)  et Blow Up de Michelangelo Antonio (1966). Plus récemment j’ai beaucoup aimé Sprout de Thomas Campbell (un film de surf ndlr), Inherent Vice de Paul Thomas Anderson et 20th Century Women de Mike Mills.

Les auteurs qui me mettent également dans cet état d’esprit sont Philip K. Dick, Larry McMurtry, Richard Brautigan, et Une Prière pour Owen par John Irving.

LVP : Vous composer une musique très dépouillée, qui se focalise sur une évolution subtile des mélodies autour de 2 phrases pendant 5 minutes.Est-ce que cela vient d’une envie de traduire le plus simplement, et honnêtement, une sensation du moment présent en chanson?

Poolside : Pour être honnête, tu peux voir presque tout ce que faisons comme très égoïste car nous avons toujours pris nos décisions en suivant nos envies, en composant comme nous avions envie.

Au début, la musique n’était pas très recherchée, sans réelle arrière pensée, nous voulions juste une bande-son pour nos soirées à Los Angeles. Nous voulions donc une musique à laquelle tu n’as pas forcément besoin d’accorder toute son attention mais si tu décides de le faire, tu peux profiter de cette multitudes de détails et de subtilités que nous avions introduit pour notre propre plaisir. Tu peux l’écouter en fond mais tu peux aussi y consacrer toute ton attention ou danser dessus.

LVP : Vous avez dit avoir commencez à composer vos chansons pour des situations où les gens n’avaient pas forcément envie de danser, vous attendez quoi de votre public pendant vos concert?

Poolside : J’ai envie que tout le monde se détende et s’amuse, se fasse de nouveaux amis, parle à des étrangers. Que les gens fassent un câlin à une personne qu’ils ne connaissent pas, qu’ils rient un peu, qu’ils danser un peu, qu’ils fassent n’importe quoi du moment qu’ils oublient leurs emmerdes et puissent simplement profiter de la musique en live.

LVP : Tu as dit que Heat a des influences davantage mondial que PST car vous aviez fait une première tournée tout autour du monde. Est-ce qu’il y a un endroit qui t’as vraiment marqué ? Pour quelques raisons que ce soit.

Le Mexique, le Mexique, le Mexique! On y a toujours eu un accueil incroyable, le public est à chaque fois incroyablement fou et chaleureux. C’est toujours un honneur pour nous d’y jouer et de faire partie, le temps de quelques chansons, de cette culture qui permet des moments comme ça. Ce n’est pas le seul endroit comme ça bien sûr et on a toujours eu des expériences incroyables en Colombie et au Brésil mais le Mexique c’est encore autre chose.

LVP : Etre en tournée ce n’est pas vraiment chill, c’est un peu en opposition avec votre musique et le mode de vie qui semble vous faire envie. Vous gérez comment le stress et le jetlag?

Poolside : Si seulement je savais comment faire ! Tu as raison quand tu dis que c’est l’exacte opposé de la façon dont on aime vivre. Honnêtement c’est un vrai défi pour nous de tenir le cap et on essaye juste d’aller de l’avant. Une fois qu’on est sur scène, c’est l’énergie de la foule qui prend le relais et ça devient un vrai plaisir. On a vraiment de la chance d’avoir un public aussi cool qui est toujours de bonne humeur et qui répond présent pour passer un bon moment avec nous avant même qu’on ait commencé à jouer.

LVP : Vous avez commencez à composer pour des fêtes se déroulant la journée où il y avait un grand nombre de personne. Est-ce que vous pourriez écrire un disque juste pour vous? Sans jamais le faire écouter à quelqu’un d’autre?

Poolside : D’une certaine façon oui car je compose souvent juste pour mon plaisir, sans penser que je vais faire écouter le résultat à quelqu’un. Pourtant si je suis content de ce que j’ai produit, j’ai envie de le partager avec les gens qui m’entourent. Je ne peux pas trop te répondre finalement (rires).

LVP : Pacific Standard Time était un album très très chill, relaxant, Heat point dans une direction un peu plus rythmée, vous allez où après?

Poolside : On a envie de créer des chansons un peu plus structurées, davantage de collaborations également et on souhaite aussi approfondir encore la façon de créer ce sentiment de nostalgie.

LVP : On peut avoir l’impression qu’il y a eu un peu en même temps que vous une vague nu-disco/daytime disco avec des artistes tels que Goldroom, Zimmer ou Classixx qui vous a tous poussé sur le devant de la scène mais moins aujourd’hui. D’après toi comment se forme et évolue un courant musical ? c’est lié à la technologie, à la société ?

Poolside : Si je savais répondre je serai probablement un A&R ! (responsable de la découverte de nouveaux artistes pour les labels, ndlr). Je ne pense pas qu’il y ait de réponse aussi simpliste, ou juste. Tu peux garder le même son encore et encore et cela plaira aux gens qui apprécient exactement cette sonorité. Tu toucheras de nouvelles personnes lorsqu’elles auront envie, elles, d’écouter le genre de musique que tu composes. Un grand nombre de groupe de rock le font très bien. Tu peux aussi évoluer constamment et espérer que tes fans suivront ou que tu toucheras une nouvelle audience ainsi. Tu peux même te ré-inventer à chaque album comme un David Bowie et voire ce qu’il se passe.

Le Nu-Disco a été une vague de fraîcheur pour les gens qui faisaient une overdose d’EDM. Maintenant, ce mouvement peut évoluer de multiples façons, s’agrandir, changer, ou juste disparaître. Il y a trop de facteurs qui entrent en jeu en plus de la qualité de la musique produite par les artistes. Avec Poolside, nous nous sommes éloignés de cette mouvance en devenant un groupe live à part entière et en composant une musique qui est de moins en moins dansante.

LVP : Comment tu trouves toutes ces pépites balearics que tu insères dans tes mixes?

Poolside : Des années d’expériences en tant que digger dans tous les magasins possibles.

LVP : Quel est le meilleur moment pour écouter ta musique?

Poolside : J’aime beaucoup l’écouter à l’aube quand la journée commence à peine. Ça définit une ambiance que j’apprécie et me donne de l’énergie.

LVP : Ya quoi sur ton iPod ces derniers jours?

Poolside : Je te laisse checker ma playlist Spotify que j’essaye de mettre à jour le plus régulièrement possible.

LVP : De quoi tu as envie de parler mais dont personne ne te parles jamais ?

D’amour ! Que l’amour à tous le niveaux est vraiment le message que l’on souhaite véhiculer. C’est vraiment la nature première du disco de le diffuser. Notre musique n’est pas à proprement parlé du disco mais c’est le vrai message porté et il y a en son sein quelque chose d’indéniable et de présent dans le cœur de tous. J’espère que nous pourrons commencer par apporter un peu de joie, de convivialité et de légèreté à tous ceux qui écoutent notre musique, qui viennent nous voir en concert et qui peuvent faire passer ce message dans leur vie et, petit à petit, faire de ce monde un lieu où il fait bon vivre .

Ce qui est sûr, c’est qu’entre leurs mains, la vie devient instantanément plus attachante. 

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