Rencontre avec Feu! Chatterton : “il n’y a pas de limite dans la création”
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Auteur·ice : Axelle Pauly
24/05/2016

Rencontre avec Feu! Chatterton : “il n’y a pas de limite dans la création”

À l’occasion de leur passage à Bruxelles pour les Nuits 2016, La Vague Parallèle a posé quelques questions à Feu! Chatterton avant leur concert au Cirque Royal.

LVP : Pour ceux qui ne connaissent pas encore Feu! Chatterton, pouvez-vous décrire votre musique en une phrase ?

Clément (guitare et clavier) : C’est du rock francophile et francophone.

Sébastien (guitare et clavier) : C’est du rock pas mal inspiré par le rock anglo-saxon et aussi beaucoup par la chanson française donc on fait une sorte de rock où on raconte des histoires un peu littéraires, où le travail du texte est vraiment important pour nous. Je pense que ça résume assez bien ce qu’on fait.

Photo : Kmeron

Photo : Kmeron

LVP : En écoutant vos chansons, on sent que la musique raconte vraiment la même histoire que le texte, comment vous faites pour créer ? Est-ce qu’Arthur arrive avec un texte et vous le mettez en musique ou plutôt l’inverse ?

Clément : Il y a vraiment plusieurs façons de faire et il n’y a pas de limite dans la création. Sur le premier album, soit il y avait des maquettes qui avaient déjà été très préparées et Arthur avait un texte, ou bien il l’écrivait pendant le processus de réarrangement de la maquette, soit on jamme ensemble, on improvise, on en ressort les meilleures choses et pareil, Arthur a déjà écrit des textes, il les met dessus et on voit ce qui marche. Parfois il y a des textes d’Arthur qui passent d’une instrumentation à l’autre parce que ça collait pas sur la première et ça va mieux sur la deuxième. Et là on retourne dans un processus de création où on est tous ensemble en train de jouer, en train de chercher des choses. Les choses s’écrivent au fur et à mesure.

Arthur (chant) : L’étincelle, le début du morceau, c’est chaotique. Mais ce qui fait qu’ensuite la musique raconte la même chose que les textes, c’est qu’une fois qu’on a fixé une première idée, c’est-à-dire qu’un bout de musique marche avec un bout de texte, on va ajuster petit à petit, affiner, affiner, affiner. On a fixé quelque chose qui nous touche, qui nous plait parce que de façon un peu accidentelle, la mélodie de la voix, les paroles et la musique racontent ce même bout d’histoire. On s’engouffre dans cette voie et là tout notre but, en s’alimentant les uns les autres, en dialoguant, est de poursuivre cette histoire dans le même sens. Parfois, c’est la musique qui commence et donc il faut que j’écrive une suite de texte, parfois un petit bout de musique m’a donné une idée de suite de texte et il faut qu’ils écrivent la suite de la musique. On marche un peu comme ça.

Sébastien : Parfois il y a des tout petits morceaux de quelques minutes qui marchent et on a gardé que ça , on arrive pas à étoffer, parfois ça marche.

Arthur : Ça marche comme un pendu. … Le jeu.

Les autres : (rires)

Arthur : J’aime beaucoup la morbidité. (rires)

LVP : Il y a un an et demi, vous avez sorti votre premier EP. Depuis il y a beaucoup de choses qui se sont passées, vous avez sorti un album, vous avez tourné un peu partout en France, en Suisse, en Belgique, vous avez aussi été nominés aux Victoires de la Musique, comment vous gérez tout cela ? Qu’est ce qui a changé pour vous ?

Clément : On se lève tôt, on se ronge les ongles tout le temps et on boit beaucoup de café. (rires)

Sébastien : Je pense que c’est un truc qui se fait progressivement, c’était il y a un an et demi donc nous on a un peu la tête dans le guidon, on nous dit de faire des choses, on les fait. On a enchainé le premier EP, le deuxième EP qu’on avait sorti pour le Disquaire Day, on était en train d’enregistrer l’album et en même temps on tournait donc les choses sont arrivées assez progressivement pour nous. Parfois les gens nous disent que ça a décollé hyper vite mais pour nous c’est un truc qui s’est fait progressivement. Comme on a pas arrêté de travailler depuis ces deux années, ça nous paraissait long en fait. (rires)

Arthur : Toutes les marches qui nous ont menées là, on a l’impression de les avoir gravies mais très rapidement. On a pas sauté de marches, on a pas ce truc de dire « Ah jackpot ça nous tombe sur la tête ! ». C’est très continu avec beaucoup de travail.

Feu! Chatterton

Photo : Kmeron

LVP : Après toutes ces dates, est-ce que vous avez toujours le trac avant de monter sur scène ? Est-ce que vous avez un petit rituel ?

Clément : On se ronge les ongles. (rires)

Raphaël (batterie) : On se tape dessus.

LVP : … (rires)

Raphaël : Non c’est vrai !

Arthur : On se tapote.

Clément : On se tapote quand même assez fort, c’est un peu comme un massage thaïlandais. (rires)

Raphaël : C’est un truc normalement qui stimule les nerfs, la circulation.

Clément : Ça rafraîchit un peu.

Arthur : On se dit tous que c’est important avant de monter sur scène de se toucher tous ensemble parce qu’il y a une forme de distraction avant d’arriver sur scène. Vingt minutes avant, tout le monde est dispersé dans son coin à se concentrer sur son propre travail, l’accordage de son instrument, l’échauffement, les voix et tout. Alors juste avant d’être sur scène on a besoin d’être physiquement collés, de s’entendre, de s’écouter, de se toucher, il faut qu’on transmette cette chaleur et cette tendresse entre nous et donc on s’attrape tous et on se tapote gentiment. Mais on a toujours le trac et je pense qu’on aura toujours le trac. À la fois c’est très emmerdant d’avoir ce trac-là parce que c’est une tension, un fardeau qui arrive et qui ne passe qu’une fois le concert terminé. Tous les jours de ma vie je vais avoir cette pression-là mais en même temps le jour où ce trac disparait ça veut dire que c’est peut être plus ce que tu dois faire.

 

Deux cocas, deux Ice Tea et un café commandés plus tard. 

 

LVP : Vous jouez ce soir avec Radio Elvis, la thématique du voyage revient beaucoup dans leurs chansons ainsi que dans les vôtres, Pierre (chanteur de Radio Elvis) a confié dans une interview s’inspirer de la littérature sur le voyage, notamment de Saint-Exupéry. Est-ce que vous trouvez votre inspiration aussi dans la littérature ou plutôt dans vos expériences ?

Arthur : Pour les textes, le phrasé est inspiré et nourri de littérature mais les thèmes viennent beaucoup plus de ce que l’on vit vraiment. La Malinche au départ c’est vraiment un message adressé à une fille qui est partie quelques semaines en vacances et qu’on attend. Côte Concorde raconte l’histoire du naufrage d’un navire qui a vraiment eu lieu. À l’aube, d’un ami qui est parti. Le long du Léthé, quand on rentre un soir chez soi, quand le soir devient matin, on est déjà un peu ivre, on va rentrer se coucher après une fête, seul, et on va réfléchir en marchant. Souvent ça prend racine dans quelque chose de très quotidien, de très vivant et ça devient un prétexte à une forme d’élévation fantasmée, de fumée.

LVP : Votre musique sonne très français autant par la langue que par la manière de composer mais on a une impression de voyage et de dépaysement lorsque l’on vous écoute assez impressionnante.

Arthur : C’est intéressant ce que tu dis là car on a joué quelques fois dans des endroits où on ne savait pas comment ça allait faire écho notamment sur l’île de La Réunion, au bord de l’océan avec de très grands arbres exotiques et quelque chose de pas du tout urbain. On se disait que nos chansons prenaient racine dans l’urbanité et en fait non, on s’en est rendu compte nous-mêmes. En les chantant au bord de l’eau par ce temps sur une île très lointaine, on s’est rendu compte qu’il y avait tout ce dépaysement, cette fuite vers le lointain alors on a été très content. (rires)

 

LVP : Et la question de la fin, qu’est-ce que vous écoutez en ce moment ?

Arthur : Moi j’écoute Beach House, pas le dernier album même s’il est très bien mais celui d’avant Teen Dream avec Walk in the Park, Zebra, il est super.

Sébastien : Moi j’écoute les Last Shadow Puppets, le dernier album, il est vraiment bien. Tous les titres sont top mais je trouve que la production et le travail des cordes notamment sont mortels.

Clément : J’ai bien écouté le dernier album de Radiohead qu’en fait j’aime bien finalement.

Arthur : Il faut savoir que Clément est un grand fan de la première heure, quand on était au lycée c’était le plus grand fan.

Clément : Et là je réécoute un peu Devendra Banhart, Mala.

Arthur : Ah il est super ce disque.

Clément : Et même tout Devendra Banhart c’est super.

Raphaël : Moi j’écoute des choses anciennes en ce moment, le premier Black Sabbath et le live de James Brown à Paris en 68.

Antoine (basse) : Moi j’écoute que des vieux trucs là donc je suis sur du Pink Floyd, le premier Black Sabbath. Il y a toujours des périodes où je reviens aux anciennes choses en fait car j’ai du mal à trouver mieux aujourd’hui.

Arthur : Les Anglais disent « Oldie but goldie », c’est ça ?

Les autres : ouais.

Clément : « Goodie »

Arthur : En français ça marche moins, vieux mais doré.

Clément : Ils disent « Oldie but goodie ».

Arthur : Non, « goldie », d’or.

Clément : Ah ouais, je sais pas.

Arthur : Si si.

LVP : Je rechercherai sur…

Clément : Les Internets. (rires)

Arthur : Oui parce que tu vois c’est dans ces moments là qu’on voit les contradictions entre ce qu’on peut faire en français et ce qu’on peut faire dans une autre langue. Jamais en français on aurait pu trouver ça formellement intéressant.

Pour mettre tout le monde d’accord, les deux se disent. « Oldie but a goodie » est juste la version américanisée et beaucoup plus courante du bon vieux british « Oldie but a goldie ». 

Photos : Kmeron

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