Rencontre avec Sam Sheperd (Floating Points)
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Auteur·ice : Lucie Carbajal
11/11/2016

Rencontre avec Sam Sheperd (Floating Points)

Il y a deux semaines on a rencontré le British Sam Sheperd (Floating points) quelques minutes après sa performance au PitchforkMusic FestivalOn a parlé de ce qui l’a mené à la musique, de ses influences mais aussi de la colère qu’il ressent en ce moment et qui inspire ses créations.

Alors, satisfait de ta performance?
J’ai mis un peu de temps à me mettre dedans et j’ai eu quelques soucis techniques sur scène, la fatigue n’aidant pas j’ai fait quelques erreurs, j’espère que ça ne s’est pas trop vu… J’aimerais tellement pouvoir entendre le concert du point de vue du public. Si je pouvais, je me mettrais au milieu de la foule avec mon piano et je jouerais de là, mais bon je crois pas qu’on me laisserait faire (rires).

Tu es toujours accompagné de tes musiciens sur scène ?
Ça fait maintenant un an qu’on tourne comme ça, oui. Des fois on a pu être 16 sur scène avec des cordes, des cuivres… on a même fait un concert une fois où on était 55, avec un chœur, sur une scène minuscule, on pouvait à peine bouger mais c’était une expérience formidable, j’aime beaucoup être entouré de musiciens quand je fais du live.

Tu es un fan de jazz, de l’improvisation, ça vient d’où cette passion ?
À la base, j’ai reçu une formation musicale classique au piano, j’étais à l’époque obsédé par les compositeurs impressionnistes français comme Forêt, Messiaen, ou Ravel, mais quand je jouais du Debussy par exemple, je voulais changer des notes par ci par là, j’entendais des sons qui n’étaient pas sur le papier, j’ai vite trouvé ça restrictif de suivre une partition à la lettre. Je voulais pouvoir m’exprimer autrement, avoir plus de liberté, du coup j’ai commencé à écrire ma musique. Le jazz et l’improvisation se sont imposés à moi naturellement, c’était une progression logique.

Alors quand tu composes, tu es sur ton piano, seul ?
Le plus souvent, oui. C’est mon premier instrument, et j’ai composé exclusivement seul parce que quand j’ai commencé, j’étais à l’université et je n’avais pas beaucoup d’amis avec qui je pouvais vraiment faire de la musique. C’est d’ailleurs pour ça que je me suis tourné vers la musique électro assez tôt, parce que je pouvais le faire seul chez moi. Aujourd’hui je suis plus souvent sur mon piano qu’avant parce que je joue plus en groupe, mais l’électro est toujours présente parce que c’est par ça que j’ai commencé.

En parlant d’université, tu as obtenu ton doctorat en neurosciences  en 2014, mais tu faisais déjà de la musique à cette époque, comment as-tu fait pour combiner tes études et ta musique ?
C’était plutôt intense, mais j’adorais ce que je faisais. Après le labo, qu’il soit 22h ou 2h du mat’, je rentrais pour jouer du piano, c’était ma manière de décompresser. Et quand ça a commencé à bien marcher pour moi, j’ai eu la chance d’avoir des professeurs très compréhensifs, quand je devais rater un cours pour partir faire un set à Milan par exemple, ils me laissaient y aller sans problème. J’avais un rythme de vie assez dingue, je pouvais partir du labo à 17h et revenir le lendemain à 9h, et entre temps j’avais joué à Milan. C’était fou.

Tu n’as jamais pensé à abandonner une des deux disciplines ?
Non parce que c’était vraiment deux passions, je ne pouvais pas abandonner l’une pour l’autre, c’était inconcevable. Je pense que le soutien de mes professeurs et compagnons de labo a été super important aussi.

Tu penses que tes études ont plus stimulé ou bien réduit ta créativité ?
Je pense qu’il y a pas de relation entre les deux disciplines, je me suis jamais dit « je vais faire de la musique scientifique » ou « je vais faire de la science musicale », mais c’était tellement cool de quitter le labo et de rentrer pour jouer du piano, c’était une vraie coupure par rapport à mes études et j’en avais besoin, parce que les sciences c’est un domaine qui peut vraiment te déprimer, tout est toujours remis en question, il y a toujours un nouveau problème à résoudre, c’est aléatoire, et c’était très dur à ce niveau là. Je pense que j’aurais pu abandonner mes études si je n’avais pas eu la musique à côté, ça m’a aidé à tenir. 

Floating Points

Et tu t’imagines retourner vers les sciences un jour ?
Je continue à lire beaucoup de livres, je me mets à la page, j’ai pas envie de perdre tout ce que j’ai fait. J’ai beaucoup de potes en labo qui voudraient bien de moi je pense… et j’adore l’environnement du laboratoire, c’est très méthodique, alors que dans un studio de musique, justement tu crois que c’est méthodique, mais les meilleurs résultats ressortent lorsque tu deviens complètement créatif, quand tu fais les choses mal (rires). Donc pour l’instant je continue la musique et le reste, on verra plus tard !

Qu’est ce qui t’inspires lorsque tu composes?
Hmm… je pense que je suis influencé par plein de choses que j’écoute, mais aussi par ce qui m’entoure, politiquement par exemple. En ce moment je suis en colère, le Royaume Uni c’est le bordel, le fait qu’on ait quitté l’UE, ça me rend vraiment triste. Le gouvernement nous a juste mené au bord du précipice, ils savaient ce qui arriverait. Et puis le monde est dans un sale état, toutes ces guerres, les migrants, je pense à Calais par exemple… Tous ces problèmes, ça me touche et ça a forcément une influence sur la musique que je fais.

Traduit de l’anglais

Sam Sheperd a sorti en novembre 2015 l’album Elaenia, entre improvisations électro, expérimentales et compositions jazz.

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