[REPORT] Début de Carrière (festival)
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Auteur·ice : Franck Limonier
23/08/2018

[REPORT] Début de Carrière (festival)

A l’heure où proposer un concours de bonnets de douche Dour festival rapporte plus de likes qu’une chronique poncée en 25.000 caractères, tu ne liras probablement pas ce compte-rendu de la première édition de La Carrière fest., trop occupé que tu étais ce week-end là à recompter ton stock de pâtes lyophilisées avant d’aller au concert de The Blaze à Pukkelpop, fin connaisseur de l’indie que tu es.

Pourtant, l’émergence de petits festival en marge des très (très) gros semble devenir plus qu’une tendance. Après s’être joyeusement enquillé, entre brumisateurs et pain saucisse moutarde, devant un Flavien Berger sauce lapin au Micro Festival (9e édition !) et avoir aspiré un grand bol de “musique difficile” au très recommandable Different Class du magazine Subbacultcha, en pleine friche artistique gantoise, j’ai vite compris que mon été festivalier 2018 se passerait de bouteille de whisky coca cachée dans le slip et tente Quechua trop galère à replier (qui a osé dire que je vieillissais ?).

Olivier Calicis

Pas sans risque pourtant pour celui qui “se réveille avec l’envie de créer un truc qui serait différent, à taille humaine et avec une vraie programmation artistique”, comme le rappelle délicieusement Gonzaï, après le crash malheureux de son Pyramid festival.

Ce n’est évidemment pas ce que nous souhaitions pour César et sa joyeuse bande, dont nous gardons un excellent souvenir de l’accueil au café Parade pour un lundi soir au folk de Stanley Brinks ou du tout premier bizutage scénique à Divagation de son duo mortalcombat, maintenant bien installé avec sa pop entre tendresse et ironie dans le paysage francophone.

Le doute sera rapidement levé : le festival passe sold-out plus de 24h avant son ouverture. Que TicketSwap commence à chauffer.

Thierry Dupiereux-Fettweis

Samedi 18 août. On se croirait partir pour une ballade à la campagne : que du vert à l’approche de Bioul. En bons bruxellois, ma copine et moi nous y reprendrons à deux fois avant de repérer la trentaine de tentes et le petit stand d’entrée de La Carrière (le reste de l’année un gîte grande classe tenu par les parents de César). Merci Annabel Lee, aperçue au volant et dont le GPS semble plus campagnard que le nôtre.

Franck Limonier

Si on s’étonne d’abord que le festival utilise les bracelets à badge rechargeable pour ses tokens boissons (mais au fond pourquoi un festival hors des villes devrait forcément utiliser l’écu comme monnaie d’échange ?), la vue de la scène “Prairie” plente directement le décor : un bar Houppe (une bière locale ndlr), une régie, une petite scène et quelques mobiliers vintage. La Carrière joue à l’épure pour se concentrer sur l’essentiel: la beauté naturelle du cadre environnant. Tout n’est que verdure et calme, on se sent directement bien.

Le public est moitié pique-nique-enfants hyperactifs moitié urbains à casquette, les uns émigrés en Wallonie depuis quelques années, les autres pour une après-midi seulement. Ce sont par contre des gentleman farmers qui manient la langue de Vondel, Kloothommel, qui sont sur scène. Trois groupes flamands joueront ce soir; on applaudit bien fort l’approche vraiment belge.

Thierry Dupiereux-Fettweis

C’est au son folk moelleux de Caitlin Talbut que se fera la découverte de la deuxième scène, “la carrière”, miniscule surface de praticables entourées de rochers où a dû couler jadis un petit ruisseau. De véritables balcons naturels de pierre permettent de prendre de la hauteur, à droite ou à gauche de la scène. Coté gauche, en plus des bières locales de la brasserie “L’Échasse”, “Ursule et Petula” régalent d’assiettes garnies, rouleaux de printemps et hot-dogs (à la vraie saucisse de Bioul, yeah).

Thierry Dupiereux-Fettweis

La teneur musicale monte d’un cran avec Fabiola, nouveau groupe mais pas petits nouveaux. Autour de Fab Detry (The Tellers, Endz …), on retrouve notamment Monolithe Noir à la batterie ou une Blondy Brownie à la basse. Ca dépote et ça fera parler de lui bien au-delà du groupe Facebook “La Schaerbeekoise” (le premier clip, tourné dans le 1030 y a déclenché une véritable fièvre). Release en octobre au Bota, ça comptera dans l’année 2018-2019 du rock belge.

Olivier Calicis

Sergio, le présentateur du jour so saveur locale (en vrai j’ai oublié son nom et je n’arrive pas à savoir si son sur jeu le fera devenir une mascotte du festival ou un réajustement pour la deuxième édition) introduit “la fleur qui a rentré ses griffes” Annabel Lee. Habituée d’une formule band beaucoup plus punk, Annabel livre des solos dépouillés. Il nous arrive quand même d’espérer  par moments un bon coup de batterie ou riff de guitare énervé, mais la scène ne le permet visiblement pas (uniquement des solos s’y succéderont).

mortalcombat 1 an (et une tournée avec Girls in Hawaii) plus tard est devenu trio avec un guitariste/back chant, mais manie avec toujours autant de malice la sucrière pop. Avec une saveur particulière pour César et Sarah qui jouent littéralement à domicile (parental). Cette parenthèse pop francophone rafraîchit aussi après la salve folk/rock en anglais. Au delà de l’étiquette “indie” (ce mot veut-il encore dire quelque-chose ?), elle définit aussi un peu plus le spectre musical dans lequel La Carrière compte s’inscrire (il nous a été murmuré que Ricky Hollywood avait aussi été approché).

Thierry Dupiereux-Fettweis

N’ayant pas pu résister à l’appel de la saucisse de Bioul et tombé entre-temps sur un ami Chineur de Belgique et en préparation du Beauté Sonique (#NamurVie), c’est du balcon que résonneront les premiers chants de la tête d’affiche de cette première édition, le canadien Sean Nicholas Savage. Faute de place, le crooner jouera ce soir “à la Eddy de Pretto”: iPod en main, voix de velour et mélodies retro en lieu et place du rap pop préféré de Libé. Charisme magnétique, Sean nous ballade avec aisance, se permet de nous lire un poème ou de nous parler de son goût pour la nage sans maillot. Kitsch mais foutrement bon: essayez-donc de ne pas dodeliner nostalgique sur le Disco Dancing final.

Le noir tombe et l’heure et demie de route de chemin retour commence à se rappeler à l’ordre. L’heure pour un dernier sirop de violette pour la bobette du soir, au son de Dieter Von Deurne & the Politics, visiblement aussi content que nous d’être là. Inky Poo va encore éclairer une dernière fois la carrière sur des sons plus électroniques, avant que les plus braves n’aillent s’enjailler dans la bonne humeur sur le “KaraOkay” joué live par Okay Monday. 

Esprit DIY et bon enfant, cadre ressourçant et line-up bien ficelé, c’était ça le premier La Carrière fest. C’est quoi qu’on dit dans ces cas-là ? “A l’année prochaine” je crois.

Thierry Dupiereux-Fettweis

Photo d’en-tête : Olivier Calicis

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