Stellar Swamp : le débrief
"
Auteur·ice : Nicolas Nollomont
25/02/2015

Stellar Swamp : le débrief

Comme on vous l’avait annoncé, ce weekend à Bruxelles avait lieu la première édition du Stellar Swamp, un festival entièrement dédié au culte du psyché sous toutes ses formes. Etalé sur deux soirs et dans deux salles différentes (Magasin4 et Atelier210), l’évènement nous avait déniché le meilleur de la scène psych européenne depuis le fin-fonds des montagnes suisses jusque dans les caves sombres de l’underground parisien. L’occasion rêvée d’aller tripper un peu sur les ondes sonores, vers l’infini et au-delà.

Jour 1 / Magasin 4

Il pleut des cordes sur la capitale à la sortie des bouches de métro de l’arrêt Yser, en direction des quais. Dix minutes de marche le long de l’avenue du Port suffisent à vous tremper jusqu’aux os. Heureusement, au loin se profile rapidement la silhouette réconfortante de l’entrepôt du Magasin 4 au bord des eaux sombres du canal.

Il n’est que 19h30 quand sont finalement atteintes les portes de la salle, mais bon nombre de gens semblent avoir déjà bravé la pluie. La file à l’entrée s’étale jusque dehors, et l’ambiance est palpable à l’intérieur.

Le premier groupe de la soirée, Double Veterans, est déjà en piste, et on entend de loin ce qui a l’air d’être une reprise de You’re gonna miss me des 13th Floor Elevators. Oh my. C’est bien parti.

Un tampon sur la main droite, une bière dans l’autre : maintenant ça y est, on est prêt pour les choses sérieuses. Le trio flamand chauffe la scène comme il faut avec un garage caustique et survolté. Le chanteur, armé de sa douze cordes pentagonale blanche (la même qu’Ian Curtis dans le clip de Love Will Tear Us Apart), nous envoie la sauce en pleine face et sans détour.

DSC_0028

« Stepping on the beach / Drinking, smoking weed », pas de doute, on est bien devant la relève belge de la nouvelle vague garage californienne. Ca parle de gonzesses, de bières et de skateboard, le tout sur une rythmique syncopée qui oscille entre FIDLAR et Ty Segall. Le groupe alternera néanmoins son set agité avec quelques envolées plus planantes (Ben oui, on est dans un festival de psyché quand même), et terminera dignement l’ouverture de la soirée pour laisser place aux favoris de ce vendredi, Moaning Cities.

A peine le temps d’un rapide soundcheck que déjà la foule s’amasse contre l’avant de la scène, impatiente de voir la suite. Il faut dire que les quatre Bruxellois, en plus de jouer ce soir-là, sont également à l’origine du festival, et préparaient l’évènement depuis maintenant plus d’un an.

On veut pas faire dans les clichés, mais Moaning Cities sur scène, c’est quand même vachement Woodstock. Le look 60’s est bien là, des fringues à la coupe de cheveux. Ca joue pieds nus, et on pourrait reconnaître facilement dans leur son quelques groupes de l’époque où tout a commencé. Mais on sent que c’est du côté du psych revival années 2000 que viennent leur vrais pères spirituels, avec The Black Angels, Night Beats, ou Black Rebel Motorcycle Club.

DSC_0057

En tout cas, ça envoie. Le public est au rendez-vous, et on voit que le band se fait plaisir sur scène. Il faudra attendre deux ou trois morceaux avant le fameux sitar soit dégainé, pour le plus grand plaisir de nos oreilles. On apprécie aussi le côté Jim Morrison assez évident du chanteur, mais pas seulement. On pense aussi à Tim Presley de White Fence et son psyché lo-fi déglingué.

En parlant de déglingue, une corde lâche sur la fin du set. Mais ce n’est pas ça qui arrêtera le gaillard. Le groupe ne lâche rien et l’incident passe comme une lettre à la poste. Le concert terminera en beauté sur l’excellent Please To Lose (à découvrir sur leur Bancamp, dernier morceau tout en bas. Je vous en prie.) avant de s’éclipser définitivement derrière les rideaux, nous laissant des souvenirs plein la tête.

Mais fini la beauté de l’esprit sixties. A présent, c’est une autre limonade. Place au gros son qui tâche en down tempo avec les suisses de Forks. Le voyage s’endurcit, l’ambiance s’assombrit. C’est parti pour un marathon stoner. Que dire? Ca sent la weed. Le groupe nous sort la formule classique : 3 notes tournées en boucles, une bonne grosse reverb sur les voix, et on trippe dessus. Dans le public, c’est un riff = un spliff. La chanteuse nous annonce vite leur dernier morceau, qui s’avèrera en fait être une grosse pièce qui semble avoir duré une bonne vingtaine de minutes. Bref, un set pas trop mal, mais ce n’est pas l’extase non plus.

DSC_0158

On enchaîne sur Mars Red Sky, et dans le fond, c’est toujours un peu pareil. Même formule que le groupe précédent, des morceaux à rallonge (pour prolonger le trip?), des performances vocales ultra réverbérées et des grosses basses qui vous désintègre. On ne jugera pas, c’est peut-être moins notre came, néanmoins, on a quand même un peu du mal à saisir la folie que cela peut engendrer. Enfin, apparemment les gars ont l’air de pas mal se débrouiller dans leur genre. Un passage au Sziget, SXSW, ou aux Eurockéennes entre autres, c’est pas rien. En attendant, nous on s’octroie une pause au bar, et on se contentera de l’ambiance.

Dernier projet de la soirée, High Wolf rebooste les troupes avec un electro/krautrock pour le moins sautillant. Entouré de ses loops stations et autres drones boxes, le gars sculpte petit à petit son live et nous crée une atmosphère envoûtante, liquide, rythmée par des percussions tribales qui pulsent les ondes sonores ambiantes, pour enfin jammer dessus quelques bons solos de guitares bien sentis. Dans le public, ça ondule dans tous les sens. En tout cas, ça stimule. On rempilera un peu avant la fin pour un taxi, non sans avoir bien profité du show. On est bien monté, il est maintenant temps de redescendre. Retour à la réalité, du moins jusqu’au lendemain.

DSC_0368

Jour 2 / Atelier 210

Back on tracks, direction le quartier européen. Ce soir, c’est à l’Atelier 210 que ça se passe. Autre lieu, autre ambiance : après un premier jour passé dans ce vieux hangar désaffecté qu’est le Magasin 4, qui a plus une allure de Jefke post-guindaille qu’autre chose, on a l’impression de s’être endimanché pour aller à l’opéra. On entame d’abord la soirée en backstage, en compagnie des gars de Go!Zilla pour une petite interview.

Entretemps, Yokaï a déjà démarré les festivités. On arrive donc un peu à la bourre, non sans apprécier sérieusement la fin du set. Le festival les annonçait comme étant du « psychedelic ethio-afro jazz », un bien drôle de bidule a priori. Et pourtant. Maîtrisant leur instruments à la perfection, le septuor (Oui oui, ce mot existe bel et bien) nous réussit là un alliage jazz-psyché des plus détonnants. Ca swingue comme à la Nouvelle-Orleans. Autre particularité, le groupe comprend notamment deux saxos, et… deux batteries, en plus des habituels basse/guitare/chant et compagnie. Les cuivres rappellent d’ailleurs quelque peu les envolées jazzy des Pink Floyd que l’on connaît, comme sur Shine On You Crazy Diamond. Bref, une bien belle façon de commencer ce deuxième soir.

Suivront les gantois d’Alpha Whale, signés chez le label bruxellois 62TV Records. Même si Gand n’est pas à la côte, on sent qu’il n’en sont pas loin. Bon, c’est pas la Californie non plus, mais nos bonnes vieilles plages de Dunkerke à Knokke ont du faire l’affaire. C’est chill, ça sonne très surf, et ça rafraîchit. « Oh we just wanna have fun / In the morning sun ». On arriverai presque à ressentir la brise ensoleillée de Venice Beach rien que d’ici. Bon du coup ça sonne quand même aussi vachement Growlers (ou les moins connus Mystic Braves), mais c’est tellement bon qu’on les pardonne tout de suite. Merci la Flandre !

DSC_0443

Mais la grande claque du jour restera indéniablement les potes de Go!Zilla. Venus tout droit de Florence rien que pour nous pour ce weekend, avec leur blend d’acid punk et de psychédélisme, les gars nous ont mis la patate du début à la fin. Des morceaux qui filent à toute allure, l’esprit rock n’ roll qui va avec, et un trio qui se défoule sur scène : pas de doute, le groupe à la niaque ce soir, et sait comment s’y prendre pour la communiquer au public. Le batteur, avec un look style Dartagnan et les 3 Mousquetaires, fait sautiller la foule comme boite à rythmes survoltée, alors que ses deux acolytes s’excitent sur leurs instruments, agrémentant les frappes syncopées de riffs ravageurs bien 70’s.

DSC_0521

C’est que les Italiens sont déjà rodés comme une machine bien huilée. Fort de déjà 2 albums et 2 EP, cela fait maintenant trois ans qu’ils sillonnent l’Europe la guitare à la main, et ont comme projet de traverser l’Atlantique dans les mois à venir. Il est clair qu’avec une pêche pareille, ça devrait plaire aux hamburgers.

Et puis fût venu le tour du véritable ovni de ce festival, Kamera. Débarqués au Stellar Swamp comme projet noise expérimental made in Germany, ces quatre énergumènes hors normes nous ont proposé une espèce de catharsis sonore oscillant entre garage, chaos et krautrock venue d’une autre planète. Subversif et intriguant, le spectacle aura en tout duré plus d’une heure, et aura réussi à éviter la monotonie d’un boucan parfois très cacophonique grâce aux excentricités des membres sur scène. Un batteur qui explose sa cymbale à coup de baguettes sur sa guitare posée par terre, une chanteuse à la chevelure bleue électrique assise par terre derrière la façade, l’air de n’en avoir pas plus à foutre d’être là que si elle était posée dans un parc avec ses potes le dimanche après midi, et en guise d’adieu, un des membres qui agite une planche de 10m de long à travers les rideaux pour nous faire coucou… Bref du grand art.

DSC_0694

Enfin, pour conclure, même recette que la veille, avec un duo electro frenchy  du nom de Kaumwald. Drone boxes, synthés, un bon beat, et c’est parti. Rien de transcendant à l’horizon, mais pas trop mal pour un dernier petit bon moment ensemble. D’autant que les gars se sont installés tranquilou au milieu de la salle, et rassemble les dernières troupes présentes. On termine son godet à son aise, on tape une dernière causette, et puis il est déjà temps de partir.

Voilà que s’achève donc une belle aventure de plus dans le paysage musical bruxellois. On quitte l’Atelier la tête encore dans les étoiles, avec cette nostalgie typique de fin de festival, et l’espoir de voir, peut-être, le voyage se prolonger en 2016.

DSC_0300

Crédits Photos : Natacha Camus.

@ET-DC@eyJkeW5hbWljIjp0cnVlLCJjb250ZW50IjoiY3VzdG9tX21ldGFfY2hvaXNpcl9sYV9jb3VsZXVyX2RlX3NvdWxpZ25lbWVudCIsInNldHRpbmdzIjp7ImJlZm9yZSI6IiIsImFmdGVyIjoiIiwiZW5hYmxlX2h0bWwiOiJvZmYifX0=@