Stellar Swamp, le retour : TGIF
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Auteur·ice : Nicolas Nollomont
08/03/2016

Stellar Swamp, le retour : TGIF

Il y a deux semaines, le festival le plus psyché de la capitale était de retour en ville pour une seconde édition. Et autant vous dire que ça a encore pétillé joyeusement dans nos synapses.

Piloté comme de coutume par les membres de Moaning Cities, le festival promettait en effet cette fois encore un line-up de qualité, mêlant les styles et les découvertes les plus exotiques, toujours avec cette petite touche psych que l’on aime tant.

_X5E6770 modAu menu notamment, étaient présents les désormais incontournables Night Beats, devenus véritable référence de la scène garage/psych de la Côte Ouest américaine ; mais aussi les nouveaux venus de Wooden Indian Burial Ground, les anglais kraut de The Oscillation, la cold wave de Throw Down Bones, ou encore l’ovni sonore Tomaga. La scène locale était elle aussi bien représentée avec les rageurs liégeois The Scrap Dealers, mais aussi la dub bruxello-bèrbère de Azmari. Autrement dit, ça faisait un paquet de bonne raisons de ne pas manquer le rendez-vous freak de l’année, et n’ayant rien de mieux à faire du vendredi, c’était l’occase rêvée pour planer un peu.

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“Chouette la déco chez vous !”

Malgré le froid de février, c’est le pied léger que l’on sort des bouches de la station Mérode en direction de l’Atelier 210 ce soir-là. En même temps, quoi de mieux qu’une bonne série de concerts indés pour commencer le weekend en beauté, vous me direz. Une canette de Despé plus loin, et nous voilà déjà sur place. Débarqués de bonne heure, on profite des premiers instants pour profiter de l’atmosphère et de la déco dressée pour l’occase. Lumière noire, tapis de guirlandes et astres de papiers suspendus en l’air, pas de doute, on est au bon endroit. Le décor idéal pour accompagner l’ouverture de la soirée en douceur avec le mystique prodige Milo Gonzales.

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Débarqué tout droit de Venice Beach avec son look à la Kurt Vile, et avec pour seule compagnie sur scène sa guitare classique, le mec se lance et commence en enchaînant de belles balades instrumentales oniriques et imagées. D’une difficulté technique relevant quand même de l’exploit, les compos sont cependant balancées avec une aisance aussi déconcertante qu’un Rodrigo y Gabriela en pleine battle de fingerpicking acharné. Côté ambiance, ça évoque des traversées solitaires des plaines du Nevada (« This song is about marauding through the desert, on a horse »), la plénitude d’une aurore boréale en plein hiver, et parfois des sentiments plus inquiétants qui ne sont pas sans rappeler l’esthétique freak-folk excentrique du Nino Rojo de Devendra Banhart. Le milieu de set nous laissera ensuite soudainement entendre un accompagnement vocal surprenant et assez haut perché, mais au timbre doux et apaisant. Bref, la B-O parfaite pour une balade en forêt réussie, que l’homme se chargera de conclure en beauté avec un dernier morceau triomphant à propos de batailles de poulpes cannibales géants de la côte pacifique californienne.

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Même notre objectif n’est pas insensible à l’onirisme de Milo Gonzalez et s’est quelque peu emporté

Mais la douce rêverie ne sera que de courte durée puisque le changement de plateau laissera ensuite place à la véritable bombe sonore que sont les Scrap Dealers et leurs guitares dévastatrices. Plus vivifiant qu’une claque dans ta gueule, l’énergie brute et viscérale de la rythmique bourdonnante couronnée par leurs voix hargneuses et dérangées déclenchent instantanément des envies adolescentes de tout péter. Une ambiance électrique de révolté -d’ailleurs très bien retransmise dans leur clip No Sense In Your Eyes– qui doit beaucoup à la sincérité des mecs sur scène, crachant leur textes avec un air de psycho à deux doigts d’éclater de rage.

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Tout à tour shoegaze, garage et psych, les Scraps nous sortent au fil des morceaux un set balèze comme un mur en béton, sans jamais ralentir la cadence. Les sons distordus et puissants des 3 guitares nous tiendront en haleine jusqu’aux ultimes notes jouées et réveilleront nos pulsions reptiliennes les plus brutes, nous gonflant à bloc pour découvrir la suite de la soirée.

Ca secoue sec sur les planches

Ca secoue sec sur les planches avec les Scraps

La désillusion fut malheureusement quelque peu de mise lorsqu’arriva le tour d’Helicon d’entrer en scène. Si l’intention de vouloir la jouer acid-freak à la cool y était, on restera quand même en général un peu déçus du manque de consistance de la prestation desdits gaillards. Ce n’est pas parce que l’on sort une sitar, des pattes d’eph’ et une coupe à la Brian Jones que la musique est bonne, comme dirait l’autre.

Non, Brian Jones n'est pas mort

Non, Brian Jones n’est pas mort

Des morceaux de 9 minutes 40 pour trois accords, couverts par un gros flanger qui tâche « pour faire psyché », comblant une créativité malheureusement trop mince, et un air de ceux qui s’y croient un peu trop, suffisent rapidement pour nous donner envie de zapper sur une autre chaîne. Et si la sitar -lorsque l’on on a la chance d’en percevoir les notes au dessus du cafouilli des effets de guitare- rajoute quand même un peu le côté spirituel recherché style exode au Népal, mec, on enlève ses chaussettes quand on joue, que diable.

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A gauche, le sitariste en chaussettes, pris sur le fait

The Oscillation relèvera ensuite quelque peu le niveau, même si on atteint finalement pas tout à fait les sommets de l’Himalaya non plus. Présentés comme de véritables références shoegaze et kraut rock à l’esthétique sonore travaillée sur disque, les Londoniens ne sont cependant pas les rois du show sur les planches. Avec un jeu scénique aussi palpitant qu’un film des frères Dardenne en version longue et sans audio, on essaie d’y croire, mais à peine quelque morceaux passent que la tentation d’aller se faire une pause au bar se fait relativement vite sentir.

The Oscillation

La foule est en tout cas bien présente ce jour-là

Côté set, si le son y est, on se dit que d’un point de vue compos, cela serait peut être plus réfléchi de ralentir la cadence -le groupe sortirait au moins un album par an-, et de se concentrer sur 10 titres plutôt que 40 qui sonnent un peu tous pareil. Enfin, bien que l’on ne soit globalement pas tout à fait au niveau de la transcendance promise, on notera tout de même la présence de jolis sons de synthés à la kraftwerk bien placés et une frappe féminine au touché remarquable, qui sauve pas trop mal la mise.

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En véritable petite lueur de fin de soirée, la prestation de Tomaga, enfin, suffira à elle toute seule à redorer d’un coup le blase des quelques fadasses dont la niaque manquait quand même quelque peu ce soir-là. Ultra-fouillé d’un point de vue créatif et se jouant des genres et des sentiers battus, le duo ose les expériences sonores, et ça marche. Dans un mélange improbable de ce qui semble être l’ensemble de toute musique existante sur terre, le duo nous fera en tout décoller près d’une heure à coup de bizarreries acoustiques (mention spéciale pour les cymbales repiquée dans une boucle d’effets) et de rythmes venus d’ailleurs.

Le duo en action

Le duo en action

Par moments proche des bidouillages sur bandes de la musique concrète originelle de Schaeffer et ses potes, ce qui aurait pu être la B.O alternative de 2001 l’Odyssée de l’Espace n’est en fait autre que le side-project du bassiste et de la précitée batteuse de The Oscillation, dans une sorte de de remodelage chaotique et complètement fou du meilleur d’eux mêmes, que l’on préfèrera pour notre part au projet principal. Une petite douceur psychotrope qui en tout cas aura su donner le point d’orgue digne de ce nom au premier jour de cette enfant sauvage de festival qu’est le Stellar Swamp, à qui on souhaite encore de belle choses devant lui.

See you next year fellas !

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Nicolas Nollomont.

Crédits Photos : Natacha Camus & Nicolas Nollomont

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