Stup Virus signe le retour de Stupeflip
"
Auteur·ice : Charles Gallet
20/03/2017

Stup Virus signe le retour de Stupeflip

Avant de parler du nouvel album de Stupeflip, on s’est demandé s’il était nécessaire de parler du contexte dans lequel cet album est sorti : le ‘croufunding’ mis en place, les montants incroyables engrangés… Et puis on s’est dit que non. A la place on a décidé de vous raconter une histoire.

Cette histoire se déroule en 2002. Un gamin de 15 ans rentre au lycée. Un gamin un peu trop rêveur, un peu trop sensible, qui cherche une échappatoire à un monde qu’il trouve par moment trop violent et trop dur pour lui. Nous sommes en décembre, il découvre par hasard – parce qu’il trouve la pochette du disque absolument dingue – le premier album de Stupeflip.  Cette histoire ce n’est pas une histoire d’amour, mais de bouée de sauvetage, de quelque chose qui semble insignifiant pour beaucoup mais qui trouve un écho particulier chez certains. Un gamin qui trouve ses héros masqués non pas dans les bandes dessinées mais dans la musique, avec King-Ju et Fuzati du Klub des Loosers. Cette histoire d’amour musicale s’est poursuivie en 2005 avec l’incroyable Stup Religion, album qui faillit causer leur disparition.

Mais comme tout le monde le sait : Le Stupeflip Crou Ne Mourra Jamais. Et en 2011, après 6 ans d’attente qui ont vu les albums du gamin – devenu adulte – détruits à force d’écoutes répétées, Stupeflip revenait avec The Hypnoflip Invasion, qui transformait un groupe underground en objet de culte pour une nouvelle génération qui consomme la musique différemment. Terrora!! suivait un an plus tard, et après une tournée triomphale, on aurait pu croire le crou disparu à jamais.

Mais vous connaissez la rengaine, et voilà donc le retour du Crou le plus incroyable et inclassable de la scène française avec un nouvel album Stup Virus, que le gamin découvre à nouveau avec les yeux d’un enfant émerveillé face à un jouet qu’il n’espérait plus.

Que dire alors à l’écoute du dernier album de Stupeflip ? Il faut déjà revenir sur une évidence assez claire et qui marque une vraie différence par rapport aux anciens albums : le son est très propre, peut-être même trop, par moment.

Mais c’est la logique même de l’entreprise et le but avoué du financement participatif. Quand on travaille au mastering d’un album avec Renaud Letang, on ne peut s’attendre qu’à un rendu final soigné.
Et au final ça n’est pas forcément dérangeant tant l’ambiance et le ton de l’album nécessitaient ce genre de travail de post-production. Car oui le son du stup’ a évolué, n’en déplaise aux “fans” du groupe qui n’attendaient qu’un Hypnoflip Invasion 2. Une idée est très clair après de nombreuses écoutes : Stup Virus est clairement l’aboutissement du style musical de Stupeflip. Une bête vivante, mouvante, qui évolue sans cesse et ne propose jamais rien de ressemblant aux ères précédentes.

Le grand point fort de cet album c’est son homogénéité.  On est toujours face à un album concept, sans blanc et sans pause, bourré d’interludes bizarres entre les chansons, mais ici rien ne ressort véritablement immédiatement à l’écoute. Ici, pas de Gaëlle ou de Je Fume Pu D’Shit, aucun tube évident à l’horizon mais un album où chaque chanson semble complémentaire à celle qui la précède. C’est peut-être ce qui rend l’appréciation de cet album difficile, tant il semble étrange de le prendre en cours ou d’en extirper réellement une partie. On se retrouve face à un énorme track d’une heure, semblable à un film, d’une cohérence dingue et qui dilue les ambiances et les thèmes de manière tellement évidente et claire qu’il ne peut que forcer que l’admiration.

Musicalement, ce qui frappe le plus dans l’album c’est son apaisement de façade. Les guitares ont été rangées au placard, sauf sur l’interlude Knights of Chaos, et ont laissé place aux synthétiseurs. Les sons de Stupeflip sont toujours faits de boucles et de petits bouts de trucs, mais Julien Barthelemy semble ici avoir enfin réalisé son fantasme absolu : produire un véritable album hip hop. Les influences sont d’ailleurs moins évidentes, du Wu Tang Clan à IAM sur l’excellente Crou Anthem relevée par les scratchs dingos de Docteur Vince.

Réside quand même quelques bizarreries, notamment le beat très dancehall, de La Seule Alternative ou la très pop-FM The Antidote. Mais même pour ces rares exceptions, les boucles sont travaillées de telle manière qu’on ne peut que reconnaitre facilement l’univers dans lequel nous évoluons notamment sur Understup, sorte de sœur musicale dans ses thèmes ou dans son beat à l’exceptionnelle Stupeflip Vite !!.

King-Ju a donc créé un album de rap atmosphérique, aux ambiances de rêves et de cauchemars, qu’on pourrait trouver à la première écoute un peu facile mais qui recèlent de détails infinis qui rendent au final chaque écoute unique.

Et au niveau des lyrics ? Il semblerait que Julien Barthélémy ait privilégié par moment la technique au sens. Le crou ne crie plus vraiment, mais il rappe et le fait sacrément bien. On a donc droit à tout un tas de flow différents et clairement incroyables, parfois étranges mais qui donnent une lisibilité aux paroles et aux punchlines assez plaisante. Pour le reste on se retrouve encore face à un mélange d’ego trip, de spleen, d’humour et d’amour.

L’humour représenté ici par la nouvelle porte-parole de Stupeflip : Sandrine Cacheton, voix neurasthénique google-trad, censée être calme et posée mais qui finira par péter un câble et insulter l’auditeur.

Si l’album semble être devenu un projet beaucoup plus personnel de King-Ju, les deux autres membres du crou font aussi leur retour : Cadillac sur l’incroyable 1993, sorte de chanson bilan au beat incroyable et à la mélancolie pesante qui pourrait être la face B spleenesque de L.E.C.R.O.U.

M.C Salo revient, lui, sur Le Trou Noir  il développe comme à son habitude son style entre poésie et non-sens, dans la plus pure tradition hip hop. On a même droit à un coucou en direct des enfers de notre bien-aimé Pop Hip sur Lonely Loverz.

Si on retrouve donc avec plaisir tout ce qui fait le sel de Stupeflip, l’album nous laisse un gout étrange en bouche tant celui-ci semble être une sorte d’adieu, un dernier round puissant mais au final d’une tristesse infinie.

S’ils nous ont fait plusieurs fois le coup des adieux, on sent ici à la fin de l’album sur Pleure Pas Stupeflip, qu’ils semblent de plus en plus réels et tangibles.

Que retenir de ce Stup Virus ? Que c’est un grand album hip hop, un album beau, vrai, intense, drôle et triste à la fois. Un album clairement fait pour les fans et qui laissera sans doute circonspect la plupart des gens qui découvriront le Crou via ce disque. Pour les autres, les lapins, les enfants fous, les gamins rêveurs, ils retrouveront avec plaisir un groupe qui continuera de les suivre pendant de nombreuses années, que cet album soit la fin de l’aventure ou non. Car après tout si le Crou Stupeflip Ne Mourra Jamais, c’est bien parce qu’il continuera d’exister et d’être transmis par ceux qui l’aiment. Alors merci Stupeflip et à bientôt, d’une manière ou d’une autre.

@ET-DC@eyJkeW5hbWljIjp0cnVlLCJjb250ZW50IjoiY3VzdG9tX21ldGFfY2hvaXNpcl9sYV9jb3VsZXVyX2RlX3NvdWxpZ25lbWVudCIsInNldHRpbmdzIjp7ImJlZm9yZSI6IiIsImFmdGVyIjoiIiwiZW5hYmxlX2h0bWwiOiJvZmYifX0=@