Sa voix nous manquait cruellement. Olivia Merilahti, moitié de The Dø, revient vers nous avec un premier EP, sous le nom de Prudence. Be Water se présente comme une introduction à son nouvel alter-ego, préface dans laquelle on plonge volontiers tête la première. Appuyer sur play, fermer les yeux, décoller : c’est aussi simple que cela.
Ce besoin de se glisser dans la peau d’un personnage, Olivia l’avait déjà sur scène avec The Dø. Sur la dernière tournée du groupe, en combinaison rouge ou robe blanche, on observait dès lors sa mue, son envie de se présenter sous un alter-ego, de sortir de soi pour pouvoir aller plus loin encore. Cinq ans plus tard, elle s’est enfin accordé une métamorphose complète, sous le nom de Prudence, un nom aux plusieurs langues et multiples sens, qui repoussera pour elle les limites de l’exploration du son, dans une épopée électro-pop futuriste.
Quatre morceaux, quatre pépites. Si c’est avec Never With U que Prudence a choisi de révéler son projet en mars dernier, c’est finalement l’ensemble de cet EP qui nous donne une idée plus précise des intentions de l’artiste. L’amour qu’Olivia porte à la pop depuis ses débuts dans la musique reste ici absolu, mais s’agrémente aujourd’hui d’influences diverses et variées. Du mainstream au hip-hop et à la musique de films, c’est aussi dans l’électro qu’elle puise sa force maintenant. Sia, Drake, Hans Zimmer, Kraftwerk ou encore Suzanne Ciani, pionnière de la musique électronique, se sont entrechoqués dans ses oreilles lors de la composition cet EP céleste, aux rythmes variés et à la production soignée.
Be Water s’ouvre sur un morceau éponyme d’une douceur extrême, un piano-voix aérien auquel s’ajoutent progressivement des sons et arrangements qui élèvent toujours plus haut le titre. Une tendre manière de renouer avec la délicatesse de la voix d’Olivia : la mise à nu appuie la beauté des intonations et mélodies qu’on lui connaît, assumées, des graves aux plus aigües. Sur Offenses, Prudence nous séduit plus encore, en s’essayant pour la première fois au français. L’alternance des deux langues n’en est que plus touchante. Avec son titre transparent, ce morceau conte la fin d’une relation amoureuse, dans un dernier élan de courage, et affirme ainsi la volonté d’aller plus loin dans l’intimité du personnage. Le clip lumineux du morceau, réalisé en motion design, nous transporte dans l’univers de science-fiction de l’artiste, en mettant en scène sa transformation de l’état d’androïde à celui d’être humain. Sur des boîtes à rythmes magnétisantes et des sons toujours plus atmosphériques, Prudence s’amuse avec l’électronique et l’on ne peut que l’encourager à ne jamais s’arrêter.
Il est par ailleurs difficile de résister à l’envie de se déhancher doucement sur l’entêtant More Love – Don’t Go Home, accompagné d’un excellent remix de Kiddy Smile qui vous rendra nostalgique de pistes de danses et lumières stroboscopiques. L’élégante production qui sublime le titre confirme l’expérience de l’artiste, et rappelle ici qu’Olivia n’en est pas à son premier essai. “You’re gonna learn a lot about me”, nous confie-t-elle sur ce morceau, et c’est tout ce qu’on souhaite. Enfin, avec Never With U, un titre au clip brûlant et à l’univers puissant d’inspirations musicales et contextuelles modernes, Prudence embrasse ses nouvelles influences et termine de nous convaincre : sa musique est aboutie, entière et multidimensionnelle.
Si l’envie vous prend d’en entendre un peu plus, on vous conseille de filer regarder son live pour ARTE Concert Festival à la Gaîté Lyrique. Au programme : l’EP en entier, trois nouveaux morceaux, une reprise de Drake, des néons, des bougies, des tons de bleu et de doré, une Prudence flamboyante et une voix toujours plus juste. Hypnotisant. De quoi déjà s’impatienter pour son premier album, dont la sortie est prévue en début d’année prochaine.
En perpétuelle recherche d’épaules solides sur lesquelles me hisser pour apercevoir la scène, je passe mes concerts à faire les chœurs depuis la foule.