| Photos : Fabian Braeckman pour Le Botanique
Cela fait deux ans et des poussières que nous attendons la venue de Sa Majesté, reine de la mélancolie. Alexandra Savior nous a fait l’honneur de sa présence à Bruxelles au Botanique et ce, après au moins deux reports. On n’y croyait plus, et quel bonheur de voir une boule de gentillesse et de poésie s’avancer vers nous en ce mercredi soir pluvieux. On vous raconte notre soirée en la plus belle des compagnies.
Une Orangerie aérée mais bien remplie, de célibataires mélancoliques, de couples collés entre elleux, mais surtout de fans, voilà le terrain sur lequel l’Américaine se produisait. À l’aide de quelques mots de français masqués par un accent anglo-saxon proéminent, Alexandra nous fait fondre instantanément. Force est de constater un charisme monstre dans une couverture de velours. Elle se met à chanter de sa voix un tantinet serrée, placée sur le haut de la bouche, presque nasillarde dans les débuts de phrases, mais se relâche aussitôt pour laisser apparaître un souffle envoûtant. Les lyrics y sont fébriles dans les sentiments, mais la voix, elle, est aussi solide qu’un mur.
Après nous avoir ravi·es de Saving Grace, Crying all the time et d’un nouveau morceau exclusif, elle nous sert le arcticmonkeysesque Audeline. Pas étonnant, puisque le crooner des temps modernes lui-même a produit cet album, faisant d’Alexandra sa “protégée”. Mais le plus marquant dans ces 4 premières chansons, c’est la grâce incomparable qui se dégage de cette personne qui s’excuserait presque d’être là. Une analogie plutôt fidèle à ce qui se passe sur scène : une bataille entre un esprit pensant et une voix qui urge de s’exprimer.
L’admiration envers Alexandra Savior flotte dans la salle, à tel point qu’on en oublierait de regarder les autres musicien·nes. Chaque geste confirme ce que l’on sait déjà, cette artiste ne sait pas à quel point nous sommes heureux·euses d’être dans cette pièce avec elle. En fin de chanson, elle se retourne, bras autour d’elle-même pour profiter de la mélodie, comme si ce n’était pas elle qui l’avait composée. Soft Currents arrive et c’est comme si chaque ouverture de mâchoire devenait un cri du cœur. Devant nous, un couple en profite pour nous gâcher la vue aux moyens de caresses, salive et pleurs. Néanmoins, rien ne nous empêchera de crier intérieurement notre amour déchu avec elle.
N’ayez point d’illusion, cette femme peut rire ! C’est un peu la weird girl de l’école qui aime l’art, et en connaît bien plus sur la vie par l’observation que tous les élèves populaires bruyants. Elle nous fait des cris dignes d’Halloween en fin de chanson. Après tout, ça n’a jamais tué personne de rire de sa mélancolie. Elle se retourne encore une fois après Can’t Help Myself, en auto-câlin. On y voit presque une douceur qu’on s’accorderait à soi-même dans les moments de détresse.
He wants a bit of this sweet melancholy and
He can get it anytime of day
Cause nothing else can satisfy him
Les mots d’une femme qui a connu bien trop d’hommes toxiques dans sa vie ? Assurément. C’est le moment de nous servir encore une nouvelle chanson déchirante annoncée par les mots “Encore un nouveau chan ? chan-son ?” avant d’enchaîner sur But You, ou la première chanson de l’album The Archer qui nous a transpercé le cerveau. Son intro instrumentale réveillerait même les sentiments d’un caillou. Une fois qu’Alexandra Savior se met à chanter, accompagnée par un picking discret, on est tout bonnement et simplement en amour. “I know you can feel it cause nobody else can heal it but you”. Le couple devant est en extase, d’autres ferment simplement les yeux sous les retentissants “Baby but you” qui nous accompagnent jusqu’à la fin de la chanson.
| Photo : Fabian Braeckman pour Le Botanique
C’est un concert où chaque parole importe. On est pendu·es aux lèvres de l’artiste et on en boit chaque mot. Il nous faut tout de même célébrer le guitariste, Mitchell Sumner Gonzales, qui s’arme d’un slider pour ajouter à l’intensité ensorcelante de cette musique, dernier coup de poignard sur notre cœur fragile. On le retrouve alors pour une version améliorée de The Archer, tandis que la claviériste, Lily Breshears, fait les chœurs. Alexandra nous sert la plus belle des versions, ce qui ne fait qu’ajouter au désarroi des paroles.
On en aura retenu que l’artiste est toujours attachée à son album Belladonna of Sadness (et quel nom incroyable pour un album !). Assez pour lui laisser (presque) la moitié du set. Mais on aura surtout passé un moment des plus beaux et mélancoliques. Attendre deux ans, ça valait totalement le coup. On espère tout de même ne pas devoir attendre autant pour retrouver la timidité et le charisme de la chanteuse, qui nous a servi un concert bien trop court à notre goût. Déchirant de douceur, c’est exactement ce qu’il nous fallait en ce début d’automne.
Mes articles sont plus longs qu’un solo de jazz.