À travers la nuit ou sur les ondes, on cherche les femmes de la musique avec Flore Benguigui
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Auteur·ice : Coralie Lacôte
02/03/2023

À travers la nuit ou sur les ondes, on cherche les femmes de la musique avec Flore Benguigui

Il est de ces discussions qui, bien que lues ou partagées sur le tard, conservent toute leur spontanéité. Des mots, des idées et des images qui ne perdent en rien leur pertinence et leur force, et qui pour cela méritent d’être partagées. Il y a quelques jours, nous vous présentions les Nuits Cherchez la femme, déclinaison nocturne et festive du podcast éponyme créé par Flore Benguigui. À l’occasion de la première édition, nous nous sommes rendu·es à la Petite Halle de la Villette pour rencontrer celle dont l’imagination et les convictions auront permis de faire éclore ce projet, aussi ambitieux que décisif. Si entre-temps, nous avons eu la chance d’assister à la deuxième Nuit, nous souhaitions quand même vous partager les coulisses de ce projet qui, on le souhaite, n’est pas prêt de s’arrêter. Sur un canapé, confortablement installées, nous avons pris le temps d’échanger et Flore de nous confier, avec modestie et sincérité, la genèse du projet, ses perspectives mais aussi les difficultés rencontrées, car au-delà de la nécessité évidente de cette démarche, le chemin est quelquefois parsemé d’embûches. Mais qu’à cela ne tienne ! Flore est bien décidée à alimenter le feu de son engagement et à porter la voix des femmes qui font vivre la musique. 

La Vague Parallèle : Salut Flore, on se rencontre quelques minutes avant la première Nuit Cherchez la Femme, comment tu vas ? 

Flore Benguigui : Ça va. Un peu stressée. On est en train de gérer les derniers détails. J’ai l’impression que je ne suis pas prête et que j’ai envie de tout annuler (rires). Mais je suis super contente. C’est complet depuis hier donc je suis hyper fière, d’autant qu’on a réussi à faire ça avec nos petits bras. Pour la première, on avait vu grand entre guillemets, on s’était dit : “on va trouver des financements, avoir des partenariats, etc” et puis finalement on fait tout en indépendantes pour le moment et on verra après pour le reste. Là avec la billetterie on arrive à payer les artistes. C’est la seule chose sur laquelle on était intraitables.

LVP : Le fait que ce soit complet t’a étonnée ? 

Flore Benguigui : Oui quand même. Au final, je n’ai jamais été aussi au taquet sur une billetterie parce qu’avec L’Impératrice, je ne regarde pas forcément les remplissages à ce point. Là, pour la moindre place vendue je faisais la danse de la joie dans mon salon. Donc oui, mais aussi parce qu’on ne l’avait jamais fait et que ce type d’évènements n’existe pas trop, en tout cas pas en format mensuel. Je ne savais pas vraiment comment ça allait répondre. Puis beaucoup de personnes m’avaient dit que janvier n’était pas un bon mois pour organiser une soirée, que c’était le mois de la déprime. Alors je me suis dit : “Non justement, on va aller amener un peu de joie”.

LVP : En février 2021, tu as lancé ton podcast Cherchez la femme dans lequel tu mets en avant et en voix le parcours et le travail de musiciennes et de femmes de la musique. Comment est née l’idée de ce podcast ? 

Flore Benguigui : Le podcast est né d’un constat. Enfin, il y a plusieurs choses. Il y a tout d’abord le fait que je sois une femme dans un groupe d’hommes et dans un milieu très masculin. Forcément, je vois que les femmes sont très peu présentes dans ce milieu. D’autant que je viens du conservatoire où il y avait plein de filles, donc très vite je me suis demandé où elles étaient passées. Il y a aussi le fait qu’on connaisse très peu les noms de femmes musiciennes, compositrices, autrices, instrumentistes, et leurs histoires. Je me suis demandé pourquoi. Or finalement tout se recoupe : le manque de role models fait que les femmes peinent à se professionnaliser dans la musique. Je me suis donc demandé comment je pouvais remédier à ça à ma petite échelle. Comme j’adore aller fouiner un peu les recoins d’Internet et des bibliothèques, je me suis dit que j’allais raconter des histoires de femmes qu’on ne connaît pas. En plus, c’est assez passionnant. Ça me prend énormément de temps mais c’est hyper kiffant à faire ! Donc, je suis partie de là. Il y a aussi le fait que j’ai une passion pour la radio depuis que je suis petite et que je voulais essayer ce format, qui me permet en plus d’avoir une liberté totale puisque je maîtrise toute la chaîne, des recherches jusqu’au montage final. C’est aussi assez plaisant pour moi qui ai l’habitude de travailler en groupe et de faire pas mal de compromis avec tout le monde. Ça me fait du bien d’avoir une zone d’expression libre, une totale liberté. Je peux faire des blagues nulles, raconter tout ce que je veux, lancer des piques à Gérald Darmanin, personne ne va venir me contredire.

LVP : Ce qui est assez intéressant c’est que le podcast est économiquement très accessible et a été massivement investi par les femmes. C’était la même chose avec le cinéma militant féministe, à partir du moment où on pouvait s’acheter une caméra portative à un prix raisonnable.

Flore Benguigui : Oui parce qu’à partir du moment où tu peux le faire toute seule, tu t’émancipes. C’est un outil d’empowerment génial ! Et le cinéma effectivement a aussi permis ça. Je trouve que c’est trop bien, d’autant que le podcast est un moyen très puissant. 

LVP : Tu le crées dans ta chambre et ça peut avoir une grande portée.

Flore Benguigui : Oui complètement ! Bon après on est sur une petite échelle pour moi, mais il y a quand même des gens qui l’écoutent.

LVP : Tu avais une idée directrice ou envie d’un format en particulier ? 

Flore BenguiguiEn fait, c’est Tsugi qui m’a proposé. J’avais participé à une de leurs émissions qui s’appelle Jazz The Two of Us où j’avais parlé de jazz. J’avais adoré, j’avais ramené plein de références que j’aime et ils m’ont dit : “Mais tu ne veux pas faire quelque chose ? Tu as l’air d’aimer ça.” Ils m’ont donc suggéré de leur proposer un format. Je me suis demandé à propos de quoi je me sentais légitime de prendre la parole. Évidemment, j’ai pensé à la musique, et plus précisément aux femmes dans la musique parce que c’est un sujet qui me tient à cœur et qui me concerne. Assez naturellement, je leur ai proposé ce format parce que je me disais : “J’ai envie de raconter des histoires mais que ce ne soit pas moi tout le long et que je puisse en profiter pour faire parler d’autres femmes.” Donc j’ai rapidement pensé à ce double format qui soit un peu à la fois historique et très actuel, sachant qu’en plus la partie historique est souvent consacrée à des Américaines parce qu’en France il y a 0 information. C’est très compliqué de trouver des portraits ou des données sur des histoires de femmes musiciennes ou autrices, compositrices du siècle dernier. Franchement, c’est un peu la catastrophe en France. 

LVP : C’est vrai qu’en France il aura fallu attendre longtemps pour que les recherches réhabilitent les femmes dans l’histoire de la musique. Heureusement des travaux comme ceux de la musicologue Florence Launay réaniment le souvenir et l’œuvre de ces femmes mais l’accès à ces informations reste compliqué. Comment fais-tu pour trouver des informations ? 

Flore Benguigui : Honnêtement, ce n’est pas simple. On trouve des choses sur la musique classique mais c’est moins ma spécialité. J’en ai un peu parlé pour les cheffes d’orchestre mais je crois que c’est à peu près le seul.

LVP : Et dans l’épisode sur La Maestra.

Flore Benguigui : Oui, exactement. Mais ce sont les seuls dans lesquels j’ai parlé de musique classique. Après, il y a du contenu dessus, des podcasts qui sont faits. Il y a par exemple l’incroyable Aliette de Laleu qui parle des femmes de la musique classique dans ses chroniques. Mais c’est vrai que le jazz et la musique pop sont beaucoup moins traités en France. C’est très dur de trouver des choses, donc je me tourne beaucoup vers les États-Unis où en plus il y a des histoires assez incroyables. Généralement, je fouille puis je me retrouve à m’inscrire dans des bibliothèques en ligne américaines. Je trouve aussi beaucoup d’articles dans le New York Times. D’ailleurs, pour 90 % des musiciennes dont j’ai parlé, il y avait des articles très fournis dans le New York Times qui m’ont beaucoup aidée, ne serait-ce que pour déjà avoir mes premières sources.

LVP : Comment écris-tu tes épisodes ? Tu commences par choisir un thème ou tu parles davantage d’une femme que tu aimerais mettre en avant ?

Flore Benguigui : J‘ai d’abord le thème. C’est assez rare que je commence par les femmes. Je commence plutôt par choisir un thème. Ensuite, il y a une grosse phase de recherches qui peut durer très longtemps, pendant laquelle je fouille partout pour essayer de trouver des histoires. Parfois, j’en trouve beaucoup trop donc il faut que je réduise. Mais j’essaie de me cantonner aux histoires les plus folles qui existent et par chance, il y en a. À tel point que quelquefois, il y a des épisodes dans lesquels je parle que d’une seule femme. Par exemple pour les guitaristes, je n’ai parlé que d’Elizabeth Cotten, parce que son histoire est tellement dingue que ça couvrait tout un épisode. En général, je me renseigne au maximum, puis je traduis parce que souvent tous les articles sont en anglais. Je vais aussi à la pêche aux morceaux que je peux passer.

LVP : Ce qui doit être quelquefois compliqué quand on sait qu’il y a de nombreux morceaux créés par des femmes dont les enregistrements nous échappent.

Flore BenguiguiParfois oui. Surtout quand ce sont des morceaux assez vieux, c’est vraiment très compliqué de trouver des enregistrements. Quelquefois, je passe très peu d’extraits parce que le peu que j’ai est d’une qualité médiocre. Je pense notamment à l’épisode sur les femmes cheffes d’orchestre pour lequel c’était compliqué. Pour revenir à l’écriture, après toutes ces étapes, je cherche une femme contemporaine que je peux interviewer. Ça aussi c’est parfois le parcours du combattant. J’en viens à demander à toutes mes amies musiciennes si elles connaissent des femmes qui correspondent au thème, et ça arrive que je pose de sacrées colles. Je me rappelle que pour les guitaristes, mine de rien, c’était compliqué. Ça paraît fou comme ça mais je n’en avais trouvé qu’une, c’était Nina Attal qui joue de la guitare électrique et qui est assez connue pour ça, mais sinon rien. On se dit qu’il y en a plein de femmes guitaristes, et pourtant ! Il y a Camille Frillex qui est là ce soir et qui joue très bien de la guitare, mais en réalité elle fait surtout de la basse. Ce n’est pas toujours facile de trouver des femmes ou alors quand j’en trouve, je ne peux pas en citer plus de 3 ou 4. C’est vraiment rare que j’en trouve beaucoup.

LVP : Tu réalises ce podcast mais tu es aussi musicienne, autrice, compositrice, interprète. Comment concilies-tu l’écriture, la création et l’enregistrement du podcast avec toutes ces activités ? 

Flore BenguiguiJe ne concilie pas (rires). Je galère. Clairement c’est compliqué parce qu’en plus je suis très mal organisée donc je finis généralement mes épisodes la veille. J’ai un non-respect total des deadlines, j’adore ça (rires). Non, en réalité c’est très compliqué, d’autant plus que je n’ai pas envie de déléguer. On m’a déjà proposé de le faire, que des gens fassent des recherches à ma place mais j’aurais l’impression de ne plus maîtriser les choses, or c’est justement ce que j’aime. Je suis une vraie control freak quand je veux. Donc pour ce projet, je tiens vraiment à ce que ce soit ma direction artistique et mon intention première qui lead le tout. Par conséquent, je fais pas mal de nuits blanches là-dessus. En plus, il faut dire que ce n’est absolument pas payé. Je fais ça gratuitement alors que c’est un sacré truc mais en même temps, quand on fait des soirées comme ce soir et que je vois la réponse qu’il y a, je me dis que c’est important. Idem quand je fais mon podcast et qu’il y a plein de femmes qui m’écrivent que ça sert, je me dis que tout ce temps passé à faire ça vaut le coup. 

LVP : Comme tu le disais précédemment, il est nécessaire d’avoir davantage de représentations positives, de role models, et de replacer les femmes dans l’histoire de la musique. Est-ce que ce projet de podcasts fait écho à ton propre manque de modèles féminins tout au long de ton parcours ?

Flore BenguiguiComplètement ! À part les chanteuses, je n’en ai pas eu du tout. La preuve en est qu’aujourd’hui encore, comme je te disais, je peine à trouver des personnes à interviewer. Alors même que le sujet m’intéresse, je me sens complètement concernée par ce manque de connaissances de noms féminins en la matière. Et ce, pour chaque épisode. Ce n’est pas arrivé une seule fois que je me dise : “Ah voilà, j’en connais plein.” À la limite, peut-être pour les femmes au synthé parce que je m’étais déjà beaucoup intéressée au sujet, que j’avais écouté des podcasts sur les pionnières du synthétiseur et peut-être aussi parce qu’elles sont un petit peu plus mises en avant. Pour elles, je pense qu’il y a un côté un peu glamour : les femmes au synthé c’est cool, ce sont les pionnières de la musique électro. Je ne sais pas. Mais toutes les autres, je ne connaissais pas du tout. Le podcast m’a permis ça. 

LVP : Ça t’est déjà arrivé d’être surprise au cours de tes recherches, en découvrant par exemple que tel morceau ou tel arrangement avait été fait par telle femme ?

Flore Benguigui : Tout le temps. Même là, ne serait-ce que pour mon dernier épisode sur les musiques de films. J’ai appris tellement de choses. À chaque fois j’apprends beaucoup et c’est trop bien parce que je suis très heureuse de pouvoir aussi transmettre ces connaissances à celles et ceux qui écoutent le podcast, et les surprendre. De toute façon, je les choisis aussi pour ça, parce que je me dis qu’il faut absolument que les histoires les plus surprenantes soient entendues. Donc oui, ça m’arrive tout le temps de me faire surprendre et c’est aussi à ça que ça sert. Je trouve qu’une bonne histoire, c’est une histoire qui surprend.

LVP : Parmi les femmes que tu as mises en avant, est-ce qu’il y en a une qui t’a particulièrement touchée ou marquée ? 

Flore Benguigui : Oui, Elizabeth Cotten. À chaque fois qu’on me pose cette question, c’est elle que je cite parce que c’est une guitariste qui est issue d’une famille extrêmement pauvre et qui a inventé un mode de picking, c’est-à-dire un jeu de guitare, qui s’appelle le Cotten picking et personne ne sait pourquoi. Certain·es pensent que “Cotten” c’est pour “cotton”, sauf que ce n’est pas “cotton” mais “Cotten” et que ce n’est pas un homme mais une femme qui l’a créé. En plus, elle a écrit un morceau qui est devenu un tube interplanétaire qui s’appelle Freight Train. Il est très connu, mais personne ne sait que c’est elle qui en est à l’origine parce qu’elle se l’est fait voler pendant des décennies. Elle a vécu toute sa vie dans la pauvreté, à faire du ménage chez des gens et a fini à 90 ans avec un Grammy Award et une reconnaissance hyper tardive. Je trouve ça trop beau. En plus, elle est incroyable. Il y a des vidéos d’elle toute vieille qui chante, sur YouTube, et à chaque fois ça me fait pleurer. Donc je pense que c’est une de mes histoires préférées. À découvrir dans l’épisode 8. 

 

LVP : Tu as souvent recours à l’humour dans tes épisodes. C’est nécessaire pour toi ? Est-ce que tu avais peur de faire un contenu trop sérieux ? 

Flore Benguigui : Oui, c’est surtout que comme je fais ça toute seule, je suis un peu en roue libre. Je n’ai pas de filtre. Je n’écris pas mes blagues, je fais un peu n’importe quoi et je les garde en général pour la spontanéité. Après je trouve ça toujours plus agréable à écouter quand il y a un petit peu d’humour et de second degré. Je pense que c’est bien, comme il y a toute une partie historique et que c’est quand même quelque chose de très sérieux. On parle aussi de sujets qui sont parfois graves parce qu’il y a des destins de femmes qui sont tragiques, très souvent d’ailleurs. Donc oui, je préfère. Et puis c’est un peu ma façon de m’exprimer de façon générale. Je n’ai pas voulu la changer, adopter un ton un peu sulfureux, radio-typé, etc. Ça va 2 minutes !

LVP : Pour cette deuxième saison, tu lances en parallèle du podcast les Nuits Cherchez la femme. Tous les derniers jeudis du mois, une soirée aura lieu à la Petite Halle de la Villette avec une table ronde en lien avec l’épisode diffusé le lendemain, des concerts et des DJ sets. Aujourd’hui, c’est la première. Est-ce que tu peux nous en parler, nous dire à quel moment tu as eu l’idée et pourquoi ? 

Flore Benguigui : L’idée m’est venue en septembre. Je savais que j’allais reprendre la saison 2 et je me suis dit : “Ok, le podcast, c’est cool. Ça aide à valoriser les femmes de ce milieu. Toutefois, le problème dans la musique c’est évidemment la valorisation des femmes et leur mise en lumière, mais aussi le lien entre elles. Et le podcast ne règle pas cette question-là. Même s’il m’a permis d’entrer en contact avec des femmes qui l’ont écouté et aimé, tout cela reste très virtuel et continue d’être une démarche très solitaire : je suis toujours toute seule dans ma chambre pour le faire.” Je me suis dit qu’il fallait trouver un moyen de transposer ça dans la vraie vie et de l’étoffer, qu’il ne fallait pas arrêter le podcast parce qu’il permettait une chose importante, mais qu’il fallait trouver autre chose pour créer ce lien. J’ai pensé : “Voilà, il faudrait faire des soirées avec des tables rondes pour qu’on parle des sujets importants, mais aussi qu’on puisse faire des showcases, des DJ sets et boire des coups. Qu’on puisse vraiment avoir des moments de fête et de musique et en même temps des moments plus sérieux. Mais ça, ça existait. Il y a par exemple Les femmes s’en mêlent qui le font ou le MaMA, et parfois d’autres initiatives du même genre, sauf que c’est une fois par an. Or, pour moi c’est un vrai problème parce que si c’est une fois dans l’année, tu rencontres des personnes, tu n’as pas vraiment le temps de leur parler dans la soirée, il y a plein de gens en même temps et ça devient finalement compliqué. Créer ce lien, mettre en place un vrai réseau ça ne peut pas marcher avec un événement qui n’arrive qu’une fois par an alors que quelque chose de mensuel, non seulement ça renforce un réseau mais ça permet aussi à celles qui n’ont pas pu venir avant de se rendre à d’autres, y compris pour celles qui ne sont pas à Paris. Donc pour moi c’était vraiment important. Même si au début on m’a dit : “Flore un événement par épisode, c’est trop, tu ne peux pas faire ça. Fais-en deux par an.” sauf que je tenais à en faire un par mois. 

LVP : Sacré challenge ! 

Flore Benguigui : C’est un challenge de dingue. Heureusement, je me suis entourée de trois femmes incroyables, parce que je n’aurais jamais pu faire ça toute seule, surtout avec mon sens de l’organisation un petit peu bissextile. 

LVP : Tu t’es entourée exclusivement de femmes, c’est ça ?

Flore Benguigui : Oui ! C’était important pour moi. Tsugi Radio et LACME, qui diffuse aussi mon podcast sur les plateformes, ont proposé de m’aider mais ce ne sont que des hommes, donc j’ai refusé. Je voulais le faire avec des filles. J’ai ramené Alexandra Nadeau, Morgane Lagneau-Guetta et Sophie Newman qui sont trois femmes qui travaillent en label, dont deux qui sont chez Microqlima, Morgane et Alexandra. Ce sont des amies mais ce sont aussi des femmes très engagées, qui sont des couteaux suisses de l’espace. Elles sont trop fortes ! Je n’aurais jamais pu le faire toute seule. Et elles, elles ont dit : “Ok. Bon tous les mois c’est chaud mais on va le faire.” Donc elles m’ont aidée. On a créé la structure et on a ouvert un compte en banque. Bon pour le moment on a 5€ dessus (rires).

LVP : C’est le début. 

Flore Benguigui : Exactement ! Enfin voilà elles m’ont aidée à monter ce projet et c’est chouette ! Puis on a aussi une super graphiste Tiffany Murr qui fait tout gratuitement. Il y a également l’illustratrice de mon podcast, ma cousine Sarah Fabre, qui fait les illustrations pour ça aussi. Donc à chaque fois ce sont les copines, les bouts de ficelle et on se débrouille. Toutes les artistes qui jouent ce soir ou qui joueront pour les prochaines m’ont répondu hyper positivement, me proposant même de le faire gratuitement, ce que je ne voulais pas. Il y a eu un vrai engouement dès le départ et c’est trop cool !

LVP : Justement, tu penses que cet engouement est dû au fait qu’il y ait un terreau favorable pour ces initiatives, que les femmes de la musique aient envie de tisser des liens entre elles, d’avoir des endroits pour se retrouver ?

Flore Benguigui : Oui. Le sold out de ce soir me fait penser à ça aussi. J’ai l’impression qu’il y a une vraie demande. 

LVP : Ce qui peut paraître paradoxal parce que c’est un sujet dont on entend parler depuis un moment donc on pourrait se dire que plein de choses de ce type existent.

Flore Benguigui : Oui mais en fait non. Puis tu vois dans mon podcast, je commence toujours par parler des chiffres et je vois à quel point ils ne sont pas meilleurs. C’est aussi un vrai moteur pour moi. À chaque fois que je vois ça, je me dis : “Ok, bon ça ne va pas du tout. Il faut faire quelque chose.” 

LVP : Cherchez la femme a donc un bel avenir devant soi. 

Flore Benguigui : Oui, c’est ça. C’est un peu comme Claire Gibault qui disait qu’elle allait continuer La Maestra, le concours pour les cheffes d’orchestre, jusqu’à ce qu’il y ait une égalité. Je pense qu’elle a encore un peu de travail, et nous aussi.

LVP : Pour finir, est-ce que tu peux nous citer des femmes ou des initiatives qui t’inspirent ? 

Flore Benguigui : Il y a plusieurs réponses parce qu’évidemment, il y en a plein ! Par exemple, on a avec nous ce soir des associations qui sont présentes et qu’on voulait valoriser au maximum. Il y a Majeur·e·s qui est l’annuaire pour les professionnelles de la musique, femmes et minorité de genre. C’est trop bien ! C’est une initiative qui est trop peu connue. Elles sont là ce soir, elles ont un stand et vont présenter leur annuaire. Donc ça, c’est trop bien parce que dans le genre mise en réseau, il n’y a pas mieux. Il y a aussi More Women On Stage. Elles seront là le mois prochain mais vont venir en repérage ce soir. C’est également une initiative géniale. En plus, elles ont annoncé aujourd’hui qu’elles font une tournée en France avec des conférences et des ateliers. C’est exactement ce qu’on veut faire aussi ! C’est trop chouette que ça se multiplie comme ça. À terme, on aimerait beaucoup faire des choses ailleurs, en France et à l’étranger. Pour les autres initiatives, il y a aussi MEWEM qui est un programme de mentorat à destination des professionnelles de la musique avec 12 mentorées par an. Pour nos soirées, on s’associe avec des associations qui valorisent les vigneronnes qui s’appellent Paie ton pinard et Des astres et des vins. Ce sont des associations qui mettent en avant les femmes dans ce milieu qui est aussi très masculin et sexiste. Le problème cette semaine, c’est que ça tombe en plein pendant le Salon du vin nature donc on n’a pas réussi à avoir de vigneronnes présentes, mais on est allé·es nous-mêmes goûter les vins. On a donné de notre personne et on a acheté 20 bouteilles qui seront disponibles au bar s’il y en a qui veulent acheter du super vin. Le mois prochain, il y aura de vraies dégustations, les vigneronnes seront présentes donc ce sera encore mieux. Ça pour le coup c’est aussi une démarche qui nous touche parce que c’est aussi un milieu qui est hyper sexiste. C’est très compliqué d’être une femme qui fait du vin, alors qu’elles font du vin incroyable. Je pense que je vais en parler au micro, mais j’invite tout le monde à faire comme nous. On est allé·es dans une super cave à République qui s’appelle Bien Boire. Elle est tenue par des mecs mais on leur a dit qu’on voulait boire que du vin fait par des femmes, ce qui permet déjà de poser une colle à ton caviste et de faire un tri. Là on a eu de la chance, parce qu’eux connaissaient très bien les vigneronnes et surtout ils en parlaient parfaitement, donc c’était chouette et on a goûté des vins incroyables faits par des femmes. Comme ça, tu te dis : “Ok, je me fais plaisir et en même temps je soutiens la cause, ce qui est quand même génial”. C’est un peu le mot d’ordre de ce soir aussi : on vient pour soutenir la cause et en même temps boire des coups, rencontrer des meufs et se faire un plaisir !

LVP : Il n’y a pas meilleur mot de fin. Merci beaucoup Flore !

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