Alerte à la bombe : Rowjay toujours en fuite après avoir retourné le Café Central
"
Auteur·ice : Charly Galbin
12/04/2023

Alerte à la bombe : Rowjay toujours en fuite après avoir retourné le Café Central

© Photo : shinobi.nd pour La Vague Parallèle

Il y a des jours à l’atmosphère si chargée qu’ils semblent directement postuler pour se retrouver dans les livres d’histoire. En ce 8 mars 2023, alors que je débute ma journée sur le quai d’un métro bruxellois, un message d’avertissement vient interrompre Bad Girls de MIA que crachaient jusque-là les enceintes de la station : le trafic est suspendu en raison d’une alerte à la bombe. Dans l’après-midi, j’apprends cette fois-ci que c’est un départ de feu qui immobilise le transport souterrain de la capitale de l’Europe. En citoyen modèle, j’appelle finalement les autorités compétentes afin de les rassurer de ce chaos ambiant : n’ayez crainte, Rowjay a juste décidé de débuter sa tournée européenne à Bruxelles, au Café Central. Nous y sommes allé·es afin de tenter de neutraliser l’ardeur de cet individu de type québécois, en vain.

Alors qu’en ce 8 mars femmes et allié·es se réunissaient et défilaient pour revendiquer leurs droits bafoués, les hommes avaient visiblement décidé de se réunir en non-mixité, en soirée, au Café Central, au cœur d’un Bruxelles au ciel inconsolable depuis le matin. Déjà trempé, je traversais l’océan de bonnets Arc’teryx afin de me rapprocher du bar de ce lieu emblématique. La voix de So La Lune mixée par Martin Vachiery déjà aux platines pour la première partie me parvint quand j’entrouvris la porte, avant qu’un « merci » remplace mon sourire déjà présent par un autre. C’est à Rowjay que je venais de tenir la porte, venu s’abriter après s’être entretenu avec son public devant la salle, fidèle à sa réputation d’artiste accessible, qu’il performe authentiquement autant IRL que sur Twitter, Instagram et Twitch.

© Photos : shinobi.nd pour La Vague Parallèle

C’est désormais accompagné d’une bière que je recherche le photographe qui m’accompagne sur cette soirée, tâchant d’y voir clair sur le parvis devant le Café Central, entre les doudounes et les nuages d’épices brulées que seules les cordes qui s’abattent du ciel parviennent à transpercer. En bande son de ma quête, des classiques récents du rap français (Le Juiice, Hamza, Alpha Wann, Nekfeu…) que Martin Vachiery continue d’asséner à l’intérieur pour chauffer une moitié du public probablement non fumeuse. L’autre moitié dont je fais partie termine de fumer ce qu’elle a à fumer dans une humeur bon enfant, impatiente de découvrir la setlist choisie par Rowjay pour l’inauguration européenne de son Jeune Finisseur Tour 2023. Il faut dire que son (important) public bruxellois attendait depuis longtemps de pouvoir bouger la tête sur le rap ignorant du Montréalais, venu enfin défendre sur scène le désormais classique Carnaval de Finesse 2 : Les Chroniques d’un Jeune Entrepreneur, sorti fin 2021.

Mais trêve de bavardages, puisque j’entends au loin Rowjay Season 2.0, intro épique de son dernier album, tellement taillée pour la scène que celle du Café Central devient instantanément inaccessible, barrée par un tas d’humains pas décidés à kiffer ailleurs. C’est donc armé de mon courage, ma conscience professionnelle et ma carte de presse invisible que je me faufilai tant bien que mal entre les corps pour finalement trouver le meilleur spot de l’histoire du journalisme musical : debout sur le dossier d’une banquette en bois. Du haut de ma tour d’ivoire, je vois tout (sauf le photographe, toujours introuvable) et notamment l’énergie du jeune finisseur à rapper Brillant, énergie qui contamine illico toute la salle dont les murs tremblent désormais. Le bordel naissant qui se déroule sous mes yeux me fait tant perdre les sens que j’ai l’impression d’être sous kétamine.

© Photos : shinobi.nd pour La Vague Parallèle

Alors que je tente de garder l’équilibre en tenant un plafond qui ne va pas tarder à se dérober, Rowjay continue de rapper des sons de son dernier album, intercalant le single Rowzin (même en l’absence de Jwles) et des exclus missilesques de son prochain projet La vie rapide. « La francophonie c’est merveilleux cette merde » dira-t-il à la fin du turn-up complet sur Planétaire et avant d’accueillir un « vrai Blanc qui fait les vraies choses » en la personne de Loveni, pour jouer en live leur feat RIP Pimp C. C’est durant Cryptocurrency que Rowjay me réconcilie définitivement avec le rap en live, trop souvent décevant. Le Québécois offre une prestation respectueuse à son public, à savoir qu’il rappe vraiment tous ses textes et que se distinguent les différents éléments des prods, pas noyés dans le tremblement des basses. Mais c’est un autre séisme qui nous attend maintenant, le Génie Gazeux vient de faire son apparition sur scène.

Arthur Qwest, dit « le civil » dans la saison 4 de High & Fines Herbes réalisé par Caballero et JeanJass, met le feu en sa qualité de local de l’étape et le public bruxellois apprécie ce clin d’œil. Rowjay sait décidément respecter les coutumes de l’endroit où il débarque puisqu’il enchaîne avec Avenir, ballade extraordinaire produite par ce bon vieux JJ qu’il n’oublie pas de s/o après que toute la fosse a repris en cœur le refrain « je cours après l’argent car l’argent ne m’a jamais abandonné ». Tandis que c’est l’oxygène qui moi m’abandonne bel et bien, je termine ma bière salée par la sueur qui tombe désormais du plafond.

© Photos : shinobi.nd pour La Vague Parallèle

Rowjay, maintenant torse nu, n’hésite pas à prendre position en cette journée du droit des femmes, se faisant allié du féminisme intersectionnel en répétant aimer « les bad bitches de tous les pays » sur le refrain d’Onlyfans. Entre deux prises d’images avec sa PS Vita qu’il emmène partout dans le but d’en sortir un documentaire, il n’oublie pas ceux qui le suivent depuis plus longtemps en offrant en live des sons plus anciens que son dernier opus comme 10ème ou Kung-Fu Margiela 2. Tandis que l’épilogue de cet attentat musical est proche, le pyromane québécois balance quatre dernières bombes létales. Ma fragile banquette tremble comme une feuille sur les premières notes de Devil May Cry (normalement accompagné d’Alpha Wann) et manque de céder sur Savoir Faire (normalement avec 8ruki). Le turn-up est abyssal et semble en plus moins répondre à une glorification aveugle du rappeur qu’à la qualité supérieure de son dernier projet.

© Photos : shinobi.nd pour La Vague Parallèle

Mais histoire qu’on ne dorme pas trop longtemps sur ce dernier, Rowjay nous envoie une nouvelle exclu dans un flow DMV qu’il maîtrise avant de catéchiser son public dans un bouquet final réussi : « pousse fort, mets de l’effort ». Difficile de faire mieux pour le jeune entrepreneur qui termine en sueur et une rose rouge à la main, reconnaissant envers Bruxelles qu’il aime tant et qui lui rend bien. Je sors de la salle en même temps que 2-3 rookies du rap bruxellois, me demandant si le photographe a survécu aux événements. J’aurai le temps d’y penser sur le chemin du retour, sous une pluie diluvienne dont l’ininterruption n’aura pas eu raison de l’incendie provoqué ce soir-là par une bête de scène nommée Rowjay.

@ET-DC@eyJkeW5hbWljIjp0cnVlLCJjb250ZW50IjoiY3VzdG9tX21ldGFfY2hvaXNpcl9sYV9jb3VsZXVyX2RlX3NvdWxpZ25lbWVudCIsInNldHRpbmdzIjp7ImJlZm9yZSI6IiIsImFmdGVyIjoiIiwiZW5hYmxlX2h0bWwiOiJvZmYifX0=@