Alexandra Savior, partenaire de nos amours macabres dans The Archer
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Auteur·ice : Mathilde Lefebure
20/04/2020

Alexandra Savior, partenaire de nos amours macabres dans The Archer

10 janvier 2020. Bonnes résolutions et nouveau départ sont de mise. “Promis Maman, j’arrêterai de dépenser tous mes sous dans des concerts, du merchandising ou encore dans une myriade de vinyles”. C’était sans compter sur le retour de la belle Alexandra Savior. Après 3 ans d’absence, elle réapparaissait sur les plateformes de streaming favorites. Un retour assuré et assumé alors que son premier album était peut-être passé trop inaperçu car arrivé trop timidement. Cependant, son destin est prometteur dès ses débuts et ne cesse de s’accroître au fil de ses albums. Albums qu’il faut absolument découvrir, sous peine de manquer de quelque chose dans votre bibliothèque musicale. 

Faisons un bond de quelques années en arrière. Nous sommes en 2016 à Los Angeles, dans l’Hotel Café, endroit où déjà pas mal des plus grands avaient foulé le pied. C’était sans doute une des premières apparitions d’Alexandra Savior sur scène et ça ne passera pas inaperçu. Pour cause, Alex Turner, leader des Arctic Monkeys et co-leader de The Last Shadow Puppets était avec elle. C’est ce dernier groupe qui aura sûrement guidé les premiers pas d’Alexandra dans la musique grâce à la co-écriture du titre Miracle Aligner, présent sur le deuxième opus du groupe. De ce fait plusieurs collaborations verront le jour dont le premier album de la jeune femme, qu’ils co-produiront et co-composeront ensemble. Au-delà de cette ambiance de travail naîtra une amitié, comme nous pouvons le constater à travers ce live.

 

Tout ce décorum musical n’impacte cependant en rien son talent présent depuis le départ. Effectivement, avant même les épisodes avec Alex Turner et Miles Kane, la jeune femme avait déjà été repérée. Que ce soit pour son cover d’Angus & Julia Stone des années plus tôt ou sa collaboration avec le bassiste de Tame Impala (Cameron Avery), elle fait l’unanimité. On tombe inévitablement sous le charme de la voix mélodieuse de cette nymphe sortie des abysses profondes. Des questions pendent à nos lèvres pour savoir ce qui fait les atouts de cette jeune artiste. Des influences multiples venant de collaborations ? Des ressemblances à Lana Del Rey ou Françoise Hardy ? Ou simplement une sorcellerie bien rodée ?  C’est exactement ce que l’on pourrait penser de son premier album.

Belladonna of Sadness, c’est l’élixir, le poison nécessaire pour entrer dans l’univers d’Alexandra Savior. Un album à l’allégorie de la magie noire. Mirage, Bones, Vanishing Point et Mystery Girl seraient de bons exemples de cette atmosphère. Un champ lexical qui n’est pas choisi au hasard, si vous voulez notre avis. Se joint à cela une possible sororité maléfique composée de Frankie, Audeline et Alexandra elle-même. Nous pouvons y voir aussi des similitudes avec le film d’animation portant le même nom. Celui-ci raconte une légende médiévale autour de sorcières et d’autres péripéties rocambolesques. Au-delà de cette théorie farfelue, Belladonna of Sadness est un gage de l’univers mélancolique de Savior. Des mélodies profondes appelant parfois à la détresse et aux déboires amoureux. Une voix fine faisant écho aux autres instruments, laissant à son passage un état dysphorique que l’on voudrait suivre. C’est ici d’ailleurs que la collaboration avec Alex Turner prend de l’ampleur. En effet, c’est le brun ténébreux préféré des Arctic Monkeys qui avait produit l’album et fait des apparitions musicales à la basse, la guitare, au clavier et au synthétiseur. Ce mauvais sort continua de nous envoûter, jusqu’à l’arrivée de The Archer.

Yves Montand dirait ceci : 

On était tous amoureux d’elle. On se sentait pousser des ailes.

C’est un peu ce que l’on ressent la première fois qu’on écoute Alexandra Savior. C’est un coup de foudre dû à une incantation. Sa sensibilité se mélangeant à la nôtre pour ne faire qu’une. L’entrée dans l’album se fait dans une douceur absolue, comme en témoigne le titre du premier morceau : Soft Currents. Cela pourrait nous troubler, nous faire croire à un album enjolivé, mais dès le second morceau, Alexandra donne de l’élan pour le faire démarrer. Dans Saving Grace, la guitare omniprésente appuie les paroles risibles de la jeune femme. Lors de sa sortie le 13 septembre 2019, le single était accompagné d’un clip qui reflétait bien l’absurdité de l’amour rapide comme à Las Vegas. Elle se moque évidemment bien de l’amour passionnel et éternel que promet la religiosité.

 

Nous ne sommes pas sans savoir que les chansons d’amour, et plus particulièrement les dramatiques, sont le sujet de prédilection de la chanteuse. Amour miséreux et amour toxique, c’est ce qui rythme les pistes 3 et 4 de l’album. L’artiste explique elle-même que ces titres ont été écrits sur la base de relations difficiles ou sur des références à des manipulations psychologiques. Le synthé et la ligne de basse appuient bien cette atmosphère nocive et malsaine du morceau Howl. Arrive alors la chanson Send Her Back, qui vient déséquilibrer un tantinet l’album avec ses trompettes. Il casse la routine tranquille qui se tramait depuis le début et n’introduit pas forcément bien l’aspect paisible de Can’t Help Myself. Celle-ci pourrait nous faire penser à l’univers de Lana Del Rey, et plus particulièrement à un son comme Sad Girl. Il en va de même pour la track The Phantom, qui ne s’insère pas bien dans l’ensemble de l’album. Surement à cause des backs présents en fond qui gênent la voix douce et fluette d’Alexandra Savior, rendant le tout saccadé.
 
Bad Disease ainsi que But You sont des appels langoureux à ce qui semblerait être une relation très addictive. Elles décrivent parfaitement un amour qui ronge comme une maladie, et qui se confirme avec ces paroles dans le deuxième titre : “Cause nobody else can heal it but you”. The Archer confirme d’ailleurs ce désir d’évoquer des relations nocives. Alexandra Savior confie elle-même que cette dernière chanson avait été écrite à la base pour un de ses copains et que ce n’est qu’en la réécoutant qu’elle s’est rendu compte de ce dont elle était prisonnière. Une bien triste fermeture mais qui suivra irréprochablement le thème général de l’album. Même si son œuvre est bercée de désolation et de tristesse, il n’en est pas moins qu’Alexandra Savior a le pouvoir de nous plonger dans son univers. Sa peine nous accompagne tout au long de l’album pour ne plus nous sentir seul·e. Ses textes et ses mélodies sont un abri pour aseptiser nos peines douloureuses qui ont parfois du mal à être pansées.Nous ne serions pas étonné·es que sa voix harmonique fasse élever la nôtre et que cette symbiose touche notre cœur tel un archer. Ce fameux coup de foudre ne nous permet pas de revenir en arrière.