Alicia. avec un point, un mic et la voix suave
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Auteur·ice : Adriano Tiniscopa
29/06/2021

Alicia. avec un point, un mic et la voix suave

La jeune chanteuse Alicia., récemment arrivée sur la scène R’n’B francophone, s’est posée 60 minutes pour La Vague parallèle. Confortablement installés au centre culturel hip-hop de Paris, La Place, on a tâché d’en savoir plus à son sujet. Biberonnée à la musique française, au R’n’B et au rap, elle a réussi à construire sa musique, celle qui lui plaît vraiment. Alicia., comme Alicia Keys, vient de Toulouse. Installée à Paris depuis peu, elle se fraye son petit bout de chemin avec détermination et vigueur. Une âme d’artiste repérée aux iNOUïS du Printemps de Bourges, qui est à présent sur sa nébuleuse. Mais toujours les pieds sur terre, son talent et son énergie ont bel et bien la tête sur les épaules.


La Vague parallèle : Bonjour ! Pour commencer, est-ce que tu pourrais te présenter ? D’où tu viens, où t’es née, ce que tu as fait, ce que tu fais ?

Alicia : Alors je suis née à Toulouse, j’ai vécu la moitié de ma vie là-bas, puis l’autre à Montauban. C’est à Montauban que j’ai commencé à faire de la musique. Ça fait trois ans et quelques que je fais de la musique et bientôt deux ans que je signe chez Universal, chez Neuve. Je fais du ukulélé, du piano, je chante et j’ai essayé les claquettes mais je n’ai pas réussi (rires).

LVP : Tu as un instrument de prédilection ?

Alicia : Le piano plutôt. Mais j’essaie de me la donner un peu plus au ukulélé en ce moment. C’est cool, c’est petit et c’est transportable !

LVP : Comment tu es rentrée dans la musique ? Un élément déclencheur ou bien tu as baigné dedans ? Je me pose la question parce que j’ai lu que tu t’appelais Alicia car ta mère était fan d’Alicia Keys.

Alicia : Oui, exactement. Oui j’ai baigné dedans dans le sens où mes parents écoutaient beaucoup de musique. Ma mère écoutait beaucoup Alicia Keys justement. Par exemple, ma sœur s’appelle Laureen parce que Lauryn Hill quoi. Elle ne s’est pas foulée quoi (rires). Mais ouais elle était très R’n’B. Elle est assez jeune donc c’était R’n’B années 2000. Ça m’a influencée, mais un peu plus tard parce que je n’avais pas encore kiffé ce monde. Du côté de mon père, ce n’était que du rap. J’ai pas de titre en tête, là. J’ai beaucoup grandi avec des grands-parents et eux c’était plutôt de la vieille musique française.

LVP : Tu entends quoi par « vieille musique française » ?

Alicia : Ben, Jacques Brel, Barbara et Piaf. J’adore Jean Ferrat. C’est ça qui m’a fait un peu kiffer la musique au début. C’était la manière dont ils s’exprimaient, le choix des mots, tout était bien calibré. C’est vraiment ça qui m’a fait kiffer en premier. Et puis ensuite je me suis tournée vers le rap, le R’n’B.

LVP : Tu te mets dans une case ou pas ? Parce que j’ai lu un peu de tout à ton sujet, « pop vocaliste », « R’n’B », « hip-hop »…

Alicia : Alors « R’n’B-pop » on dit, ou je ne sais quoi. Mais en vrai je fais la musique qui me plaît et puis si ça ressemble à du R’n’B eh ben, c’est R’n’B. Que veux-tu que je te dise ?

LVP : Tu n’y peux rien quoi.

Alicia : Ça vient sur moi, je n’ai rien demandé les gars (rires).

LVP : Depuis qu’il y a un peu la lumière sur toi, depuis les iNOUïS du Printemps de Bourges on va dire, c’est quoi ton état d’esprit ? Et elles ressemblent à quoi tes journées ?

Alicia : Ce qui a changé un peu ma vie ça a été ÉDÉMWA, et le feat avec Grand Corps Malade. Je ne suis pas encore une star donc je ne pourrais pas te dire. Mais pour moi je suis toujours la même personne. Là, il n’y a pas longtemps, à côté de chez moi il y a deux filles qui m’ont reconnue. Ça m’a fait plaisir. On a discuté ensemble cinq minutes, comme ça quoi. Elle suivent ce que je fais, elles connaissent un peu ma vie, elles se sentent concernées et donc on discute parce que c’est normal. Donc il n’y a pas grand-chose qui a changé, à part le fait que je dois être plus présente pour les autres que je ne l’ai été avant. J’ai été une personne normale qui a ses potes à elles et qui fait sa vie. Et maintenant, quand t’es suivie, eh ben, tu dois donner aux gens que tu ne connais pas forcément. C’est ça peut-être le plus compliqué.

 

LVP : À propos du titre Shoot, LVP en a parlé comme étant la « nouvelle scène féministe », je voulais savoir ce que tu en pensais ?

Alicia : Féministe ou féminine ?

LVP : Féministe !

Alicia : Le mot féministe m’énerve parfois. Parce que le féminisme, c’est quoi ? C’est être une femme ou être un homme qui est pour la normalité finalement. Se poser des questions sur ce qu’on doit dire, ce qu’on doit faire, la normalité c’est « on respecte tout le monde ». C’est peut-être ça être féministe pour moi. Une femme ne ferait pas d’enfant s’il n’y avait pas d’homme et un homme ne ferait pas d’enfant s’il n’y avait pas de femme. Ils se complètent, aimons-nous.

LVP : C’est sûr. Je te rejoins mais tu ne trouves pas qu’il y a un combat à mener parfois ? Il y a tellement d’inégalités encore.

Alicia : Exactement. Oui c’est sûr. Maintenant, la « nouvelle vague féministe », on peut dire ça comme ça mais bon…

LVP : Toi ça te convient ?

Alicia : Ça ne me convient pas tant que ça. Le truc c’est que je pense qu’on pourrait trouver mieux, parce que ce mot, il devient de plus en plus péjoratif vu la manière dont on l’utilise. Je pense que c’est juste des filles qui ont compris que s’entraider c’était le meilleur moyen pour avancer.

LVP : La sororité ?

Alicia : La sororité.

LVP : Le petit mot qui revient souvent aussi. Et du coup avec cette team, Joanna, Chilla, Sally, KANIS, Vicky R, vous avez des projets ?

Alicia : Ben je t’avoue que les gens ont bien kiffé. Surtout qu’il y a que des bonnes têtes. Vicky, bête de rappeuse. KANIS, c’est bon, elle est déjà rodée. Chilla c’est bon, on la connaît. Joanna, elle est sur un projet incroyable. Sally, elle a fait aussi des bons trucs. Et je crois que je ne vais pas dire ce qui arrive parce que je n’ai pas le droit (rires). Et puis voilà, on est trop fortes. Et je pense que si les gens en redemandent, on sera obligé. On sera pas forcé mais s’ils en demandent c’est encore mieux. Nous ça nous fait grave plaisir.

LVP : Tu ne fermes pas de porte en tout cas.

Alicia : Exactement.

 

LVP : Je voulais savoir comment tu t’y prenais pour tes textes. Tu écris tous tes textes par exemple ?

Alicia : Oui je les écris tous mais je me suis fait parfois aider. J’ai demandé à une personne, c’est Vîrus. Très grand rappeur ! Nous deux on a écrit certains sons qui sont incroyables. Il y en a qui ne sont pas sortis encore. Sinon, la plupart du temps c’est moi qui les écris. Et quand on écrit ensemble, c’est ensemble. Ce n’est pas genre il m’écrit un son et moi je chante. C’est mon reuf de ouf. Et mon « co-auteur » sur certains sons.

LVP : C’est quoi qui t’inspire du coup pour tes textes ? Tu t’isoles, tu vas dehors, pour toi ça se passe comment pour écrire ?

Alicia : J’aime bien un certain silence. Qu’on ne me parle pas trop parce que sinon ça va me perturber. En général j’écris mes sons assez rapidement comme ça c’est fait et après j’enregistre. Mais plus je suis dans ma bulle et plus ce sera facile.

LVP : Ta bulle c’est ton appart ?

Alicia : C’est vraiment une bulle pour le coup (rires). J’ai un rebord de fenêtre où je peux m’asseoir et là je me sens bien parce que j’ai le soleil, le ciel, je suis orientée plein sud donc autant te dire que ça y va. Mais ma bulle en fait c’est moi. À n’importe quel endroit où je suis, je serai dans ma bulle. J’arrive à me créer un environnement propice au travail toute seule.

LVP : T’es une bûcheuse quotidienne ?

Alicia : Non pas tous les jours. Je sais que, par exemple, quand je suis en séminaire et qu’on me dit « là pendant cinq jours c’est quatre sons par jour » eh ben à la fin du séminaire tu les auras les quatre sons. Si je sais que j’ai un objectif, je le fais. Si on me dit « tu dois nous rendre un truc dans deux semaines », je vais peut-être attendre le dernier jour pour le faire mais ce sera fait.

LVP : Je vois. Ton titre Reine au passage est ouf.

Alicia : Il est incroyable non ? C’est le premier placement de beatmaker de mon manager ! On m’a présenté la prod et je me suis dit « mais c’est une mort ». En fait il m’a fait écouter plein de sons, il n’y en a aucun qui allait. Et à la fin il me dit « j’en ai un, c’est pour toi ». Il me fait écouter et je me suis dit qu’elle était éclatée. Puis finalement elle était incroyable.

 

LVP : Tu n’as pas de beatmaker attitré ?

Alicia : Non mais je travaille avec à peu près la même team. J’ai fait des sons avec Ritchie Beats, StillNas, Bangerz, Thomas Broussard, Everydayz, c’est une petite bulle qu’on s’est créée ensemble. Il y a aussi November Ultra qui fait tout le temps mes arrangements vocaux.

LVP : Tu pioches ?

Alicia : Quand je sais que je veux faire par exemple un son un peu plus trap je vais appeler Ritchie, un truc un peu plus calme je vais appeler Still Nas.

LVP : Tu ne m’as pas dit ce qui t’inspirait du coup ! Au vu de tes textes, j’ai l’impression que t’es un peu sur les méandres de tes sentiments pour écrire ?

Alicia : C’est ma vie et ce qui se passe autour. En fait j’ai beaucoup parlé d’amour au début parce que c’est tout ce que j’avais le courage de faire. J’en avais parlé à mes copines, donc c’est bon je peux en parler à tout le monde. Maintenant ce que j’essaie de faire en ce moment, parce que je taf sur un projet, c’est de me livrer un peu plus. Mes moments de folie, mes problèmes psychologiques, on en a tous ! Ça je n’en parlais jamais, peut-être un peu dans ÉDÉMWA, mais dans toute la discographie ce n’est que du love ou de la tristesse. Mais ce qui arrive, ce sera plus à propos de mon intérieur plutôt que ce que je fais paraître aux autres.

LVP : C’est libérateur la musique pour toi ?

Alicia : Franchement, si je ne faisais pas de musique, je pense que je me serais tirée une balle. J’aurais trouvé un pistolet à billes et plein de balles jusqu’à ce que ça fasse un trou mon reuf (rires). Non mais sérieusement c’est grave libérateur. J’ai commencé à écrire des chansons quand j’étais en seconde. Ce n’est pas des années très simples. Tu te cherches. Tu ne sais pas ce que tu veux. Je voulais changer quatre fois de filière, je voulais faire de la mode, après je voulais faire un bac pro…

LVP : Et tu as fait quoi finalement ?

Alicia : J’ai fait un bac littéraire option musique et j’ai eu mon bac.

LVP : D’où la bonne plume ?

Alicia : Peut-être que ça vient de là ! C’est grave libérateur parce que je me sentais pas à l’aise. J’avais besoin de dire des choses. J’aime bien parler aux autres et j’aime bien rigoler avec tout le monde mais il y a plein de trucs que je garde pour moi. Avec la musique tu arrives à faire passer un milliard de messages que tu n’arriverais pas à dire en parlant.

LVP : Oui. Et puis je trouve que ce qui est assez fort chez un ou une artiste c’est que dix ans plus tard, l’artiste sera toujours aussi bon tout en parlant d’autre chose.

Alicia : Ça aussi ça me travaille car je me demande ce que j’aurai à raconter. Après quand j’aurai la carrière de Maître Gims, peut-être que j’aurai d’autres trucs à dire. Si je raconte des choses que je vois de loin mais que je n’ai pas trop vécues, je peux aussi mal le faire et ça peut être mal reçu. Mais je trouverai le moyen !

LVP : Ça y est, la musique c’est ton taf ?

Alicia : C’est mon taf quand je ne travaille pas pour payer mon loyer.

LVP : Job alimentaire ? Chez Domac ?

Alicia : (rires) Non ne t’inquiète pas j’ai trouvé un bon petit truc. La musique ça paie mes vacances on va dire. C’est de l’argent de poche avec lequel je me fais des plaisirs. À côté il faut quand même payer son loyer parce que pour l’instant l’intermittence c’est under the nose. C’est compliqué avec le Covid. Mais on attendra. Ça va le faire !

LVP : Un petit mot à propos de ton label Neuve ?

Alicia : Ben, ils n’ont que des bons artistes, regarde je suis dedans (rires). Je rigole ! Il n’y a que des meufs, elles font du bon travail. C’est un label qui fait aussi live. Il y a grave du plus avec ça. Le truc c’est qu’elles vont suivre mon projet de A à Z. Virginie c’est la directrice de label et aussi la tourneuse. Elle va valider mon projet et elle va me mettre sur des scènes avec des artistes avec lesquels elle sait que ça va marcher. Ça c’est un plus de fou ! Virginie elle capte un peu plus les choses que si elle était en recul. Oriana aussi est très présente, elles le sont toutes finalement.

LVP : Elles sont bien impliquées ! C’est un label de chez Universal c’est ça ?

Alicia : Exactement.

LVP : T’es arrivée quand ?

Alicia : Je suis arrivée le 8 juillet 2019.

LVP : L’EP SKO c’est avec eux ?

Alicia : Oui, le 17 juillet 2020.

LVP : Pourquoi SKO d’ailleurs ?

Alicia : Parce que Siokau c’est mon troisième prénom. C’est le nom de mon arrière-arrière-grand-mère.

LVP : Elle est cainfri ?

Alicia : Oui. Elle vient de Côte d’Ivoire. Et en fait je ne savais pas quoi mettre. Je voulais mettre un truc qui me ressemblait un minimum. Puis, ma DA (ndlr : directrice artistique) et ma mère ont discuté ensemble. Elles ont parlé de mon arrière-arrière-grand-mère. Et d’ailleurs j’ai appris il n’y a pas longtemps qu’elle ne s’appelle pas vraiment comme ça. Ça me fait tellement mal au cœur (rires). En fait elle s’appelait Sokau. Bref, au téléphone il en est ressorti que Siokau avait à peu près le même caractère que moi. C’était quelqu’un d’ambitieux, de déterminé, que des compliments…

Crédit : MarOne

LVP : Retour aux sources en quelque sorte ?

Alicia : Pour le coup je ne suis jamais allée en Côte d’Ivoire. Mais c’est un peu comme revenir à la base de soi-même. Dans SKO c’était des sons qui me tenaient plutôt à cœur. C’est mon intérieur. C’était un EP par rapport à moi et à qui je suis.

LVP : Tu t’es trouvée ?

Alicia : Je me suis trouvée peut-être. J’évolue, je me teste.

LVP : Je te pose cette question parce que je trouve que le rapport à l’identité en France est encore délicat. Déjà quand tu as la peau un peu mate on te demande d’où tu viens alors que t’as peut-être jamais mis les pieds au bled.

Alicia : De toute façon, il y a des choses pour lesquelles je ne peux rien faire. Je ne suis jamais allée en Côte d’Ivoire, j’irai un jour si je ne meurs pas avant (rires).

LVP : Tu me disais que tu avais le même caractère que ton arrière-arrière-grand-mère. C’est quoi le principal trait de ton caractère ?

Alicia : Moi-même je ne serais pas objective. David (ndlr : son manager), tu peux dire quelque chose ?

David : Ambitieuse.

Alicia : Oh là là, comme ça (rires).

LVP : Ok noté. Et celui que tu préfères chez les autres ?

Alicia : L’honnêteté !

LVP : Noté. Ça s’est passé comment pour le Printemps de Bourges au fait ?

Alicia : Alors c’est ma tourneuse qui m’en a parlé. Je me suis inscrite et j’ai été prise.

LVP : J’ai vu qu’il y avait 3000 candidatures pour cette année. Ils sélectionnent comment, tu sais ?

Alicia : Oui c’est énorme. Ils doivent tout écouter ! Je te parle sérieusement. Ma DA était jury l’année dernière et elle m’a expliqué qu’ils devaient vraiment tout écouter. Il y a du hard rock et tout, ils doivent écouter des heures de hard rock, par région. Ils ont écouté mon projet. Ils ont bien aimé. J’ai été prise aux présélections début 2020. Puis tu dois faire un show dans ta région. Il y avait un public, c’était cool.

LVP : Tu avais le trac ?

Alicia : Franchement la scène était incroyable. À chaque scène j’ai peur. Parce que tu ne sais pas qui il y a en face, tu ne sais pas forcément le nombre de personnes. Tu n’en sais rien, tu dois juste te donner. C’est une des scènes où je me suis sentie le plus à l’aise. Tout le monde a kiffé. Après ça j’ai été sélectionnée pour les Inouïs du Printemps de Bourges. À la base, on devait passer en première partie d’autres artistes. Finalement, Covid. On l’a eu dans l’os. Du coup on est passé le 18 septembre et le public c’était par petites tables de trois. Avec une grande scène, coupée en deux. Un show d’une demi-heure, un coup de la lumière dessus et les gens doivent regarder à droite. Un autre show d’une demi-heure et les gens doivent regarder à gauche. Places assises… On se serait cru au Grand cabaret du monde avec Patrick Sébastien sauf qu’il n’y avait pas de cabaret et il n’y avait pas de monde (rires).

LVP : Et le public avait le même âge ?

Alicia : On était à Bourges hein… Je pense qu’ils avaient entre zéro et ils sont morts (rires). Je dirais 50-55 ans pour la tranche d’âge. Mes grands-parents étaient venus.

LVP : Bon souvenir quand même ?

Alicia : Franchement oui. J’étais avec Oordaya. On a eu un bungalow ensemble, d’autres ont eu une auberge de jeunesse. Autant te dire qu’on était dans le luxe. Au début je ne savais pas trop comment prendre la nouvelle. En plus, quand elle est arrivée elle était au téléphone avec sa mère. Du coup elle commence à parler en anglais. Je me suis dit qu’on n’allait pas se parler du séjour. Mais au bout de dix minutes elle m’a parlé en français, on a sympathisé et on est parti manger ensemble. Ses danseuses sont arrivées, je me suis fait des copines. Puis son DJ, je me suis encore fait un copain. Il fait beatmaker aussi, on a fait deux ou trois prods ensemble donc incroyable. J’ai rencontré plein de médias aussi. C’était vraiment bien. Le plus stressant c’était le jour du show. Avant ton show et après ton show ils t’attrapent. C’était le plus dur je pense. Quand tu finis ou quand tu dois aller sur scène. Que t’es habillée, on voit limite tes tétons parce que t’as mis la robe la plus sexy du monde pour être belle pour dix personnes qui sont venues dans la salle. Et les médias t’alpaguent pour te demander si t’aimes bien l’eau fraîche (rires). C’était un peu stressant.

LVP : La célébrité ce n’est pas facile au début (rires). Ta vie est un peu plus chill maintenant ou t’es toujours autant sollicitée ?

Alicia : En vrai je suis contente parce que j’ai l’impression de faire ce que j’ai envie de faire. Je n’ai pas eu besoin des études, des grandes écoles, j’ai juste besoin d’être moi. Ça c’est ma fierté. D’être restée moi-même et d’avoir fait ce que je voulais même si j’ai galéré au début et que je galère toujours. Mais ça va. Je me sens bien. Je ne me sens pas contrainte d’aller travailler ou d’aller à l’école. Je sais que je le fais parce que j’ai envie de le faire. Demain si je veux quitter mon travail je quitte mon travail. Je me mets dans la merde, certes, mais je fais ce que j’ai envie de faire.

Crédit : MarOne

LVP : C’est au studio Neuve que tu enregistres ?

Alicia : Non ils n’ont pas de studio d’enregistrement.

LVP : Ça se passe comment du coup ?

Alicia : Je vais au studio de Saint-Germain d’Universal. J’ai une session à peu près tous les jeudis. Pour le moment j’essaie d’emmagasiner des sons.

LVP : Petit album ?

Alicia : Moi j’aimerais bien sortir un album. Demain même. Mais il faut que ce soit un bon album.

LVP : Un album piano-chant tu l’envisages par exemple ?

Alicia : Ouais mais quand je serai dans la fleur de l’âge. Je pense que là je suis un peu jeune. Je pense que soit mon public va me suivre. Soit plus je vais évoluer et plus d’autres personnes voudront me suivre. Pour le moment j’essaie de faire des choses plus dynamiques. D’accord je fais aussi des musiques calmes et douces, je vous l’accorde !

LVP : Ça dépend lesquelles !

Alicia : Reine elle bouge, Pull up aussi, Tout lâcher elle bouge. Après le reste c’est très downtempo. Mais j’essaie de faire des musiques qui me plaisent avant tout, d’en être fière. Parce que je dois quand même les défendre ces musiques.

LVP : Je voulais revenir sur le « Live arrangé » du centre culturel hip-hop La Place. Ça s’est passé comment ? T’avais un texte ? T’es arrivée t’as improvisé ? Une session d’écriture avant ?

Alicia : Non non. Pour le coup, OG c’est un son qu’on a fait avec Still Nas et Bangerz. Et Lilas c’est un son qu’on a fait avec Everydayz et Yaron Herman. La Place nous a dit « on a deux morceaux à faire, choisissez-en deux ». J’ai demandé à ma DA d’envoyer les sons qu’elle préfère avec mon accord. Il en est ressorti OG et Lilas. J’arrive et ils me disent qu’ils ont fait une session arrangée, qu’ils ont tout refait. Dinguerie ! Ils me disent d’attendre cinq minutes. Je vais dans la grande salle et puis ils me font écouter ce qu’ils ont fait. Et en fait ils ont totalement tout revisité. C’était incroyable, avec un saxophone, avec un bassiste, batteur, guitariste… Je suis revenue le lendemain, on a révisé de nouveau et on a fait le live. J’ai grave kiffé travailler avec eux. Genre tous. C’est des gens super cool. Tout au long de la session c’était bien. Mais quand ils m’ont envoyé la version définitive, avec les modifications de voix, c’était incroyable. C’était la première de ma vie que je kiffais m’entendre sur un live tu vois.

 

LVP : Satisfaite du résultat alors ?

Alicia : De fou. Et puis ils ont un talent de ouf. Alors qu’il n’y en a pas un qui pète plus haut que son cul alors qu’ils pourraient très bien. J’aimerais trop faire ça tout le temps.

LVP : Du coup tu avais déjà tes textes ?

Alicia : Oui. C’est deux sons qui existaient déjà. Mais c’est des exclus ! Mais on s’est dit que si les gens les demandent vraiment on va les sortir. D’ailleurs il y a un son caché sur YouTube. Que j’ai sorti dès que j’ai commencé la musique. Il faut le trouver !

LVP : Pour La Dépêche tu dis que tu as dû te débrouiller pour en arriver là. Un mot sur la débrouillardise ?

Alicia : Ben c’est moi. C’est mon éducation, je ne l’ai jamais choisie. Mais ça m’a apporté beaucoup de bonnes choses. Je sais que je suis assez jeune et il y a des choses que je sais faire toute seule, que quelqu’un de plus vieux ne saurait pas faire. Il y a des choses que j’ai comprises toute seule parce que la vie m’a montré et que quelqu’un de plus vieux que moi ne comprendrait pas. Dans la vie de tous les jours c’est grave utile. Là où je travaille j’ai l’impression d’avoir plus d’expérience que des personnes plus vieilles que moi. Alors que c’est juste que j’ai compris que si on se débrouillait nous-mêmes on pourrait être seulement déçu de nous-mêmes. Et pas des autres. Et ça fait mal d’être déçu des autres. Je préfère galérer à me démener toute seule plutôt que de devoir compter sur des gens et qu’à la fin ça ne fonctionne pas comme je veux.

LVP : C’est un peu l’esprit du hip-hop ça. La débrouillardise ça a été un élément important pour beaucoup de monde là-dedans Je pense à certains Américains, grosso modo du ghetto, qui en parlent beaucoup. Ils ont dû passer par les côtés obscurs de comment faire du fric à des petits jobs pour petit à petit réussir à sortir un album. Je trouve que ça se retrouve dans ta façon d’en parler.

Alicia : Je pense vraiment que « on n’est jamais mieux servi que par soi-même » c’est réel. C’est ce que j’essaie d’appliquer le plus souvent. S’il y a vraiment un truc que je ne peux pas faire, je vais essayer de le déléguer. S’il y a un truc qui me tient à cœur j’essaie de le faire moi-même. Et si c’est un truc qui peut être fait par beaucoup de personnes eh ben je ne le ferai pas parce que je sais que ça peut être fait par quelqu’un d’autre. Mais il y a des choses sur lesquelles je sais qu’il n’y a que moi qui peux le faire. Par exemple, si je ne vais pas bien, ce n’est pas parce qu’on va me dire « allez souris » que je vais sourire. Si moi je n’ai pas envie de sourire, je ne sourirai pas.

LVP : T’as su bien t’entourer du coup ?

Alicia : Oui je suis assez contente ! Après j’avoue j’ai pas top de friends, j’ai pas de groupe de musique.

LVP : Tu n’as pas de clique ?

Alicia : Non, j’ai des amis fiables mais je n’ai pas de clique pour l’instant.

LVP : Peut-être avec le label Neuve ?

Alicia : Ben c’est un label, c’est pas ma team. C’est des meufs, c’est leur taf. Ça j’aurais dû le trouver au début. Je vais pas m’incruster dans une team t’as capté. Mais je peux la créer plus tard. Je suis à Paris depuis janvier. Je n’ai vu personne. Covid oblige. Je sortais en septembre avec Sopico, avec Sally. C’est des gens que je rencontre sans être ma team on va dire. Et quand je dis que je n’ai pas de team ce n’est pas que je n’ai pas envie d’en avoir mais c’est juste que je n’en ai pas. Mais un jour peut-être qui sait ?

LVP : Je vois. À côté de la musique, t’as des occupations ?

Alicia : Ne rien faire et être sur Netflix (rires). Non je rigole. La plupart du temps je travaille le matin dans un truc de restauration, entre 9 h et 15 h. Et après je rentre chez wam, je chill quand je n’ai rien à faire. Sinon je sors une petite musique. Tous les jeudis je suis au studio. Sinon ça m’arrive d’écrire, mais juste des pensées qui passent comme ça. Après je vais voir mon keum. La vie normale de ouf.

LVP : Moi je ne connais pas les vies de star tu sais (rires).

Alicia : Mais tu sais qu’on chie et mange tous la même merde. On est pareil.

LVP : Et on va tous sur le trône.

Alicia : Il y en a qui ont un trône plus doré que d’autres. Maintenant, finalement ça arrive dans les égouts de Paris dans tous les cas (rires).

LVP : J’ai deux dernières questions. Est-ce que tu as des héroïnes ou des héros ? Ou des personnes qui t’inspirent énormément, qui ont marqué ta vie ? Ça peut être des gens de ton entourage aussi.

Alicia : Non. Enfin, peut-être mes grands-parents. Parce qu’ils sont trop mignons. Mes grands-parents c’est grâce à eux que je crois en l’amour. Je suis très fleur bleue aussi. C’est la formule magique eux. Un bon équilibre. C’est mes petits héros du quotidien. Avec ma sœur, ils ont passé trois quarts de leur temps à nous élever, à rester avec nous. Mon papy c’est lui qui m’a fait kiffer les musées, un peu la musique. Ma mamie c’est elle qui m’a fait kiffer la bouffe (rires). La pâtisserie, savoir comment faire des crêpes moi-même… Des trucs de daronnes et des trucs de mecs intéressants et intéressés.

LVP : La bonne bouffe et la culture, la base ! Ma dernière question c’est…

Alicia : C’est quoi la définition d’une clique ? (rires)

LVP : Ça peut être ça parce que justement, ma question c’est : est-ce que tu aimerais bien que je te pose une question qu’on ne t’a jamais posée ?

Alicia : Ouais !

LVP : C’est quoi alors ?

Alicia : Une question qu’on ne m’a jamais posée ? Ah ! On ne m’a jamais demandé si derrière mes musiques d’amour il y avait quelqu’un, si elles étaient toutes vraies et qui c’était.

LVP : Donc en gros, est-ce que derrière chaque titre il y a quelqu’un et si oui, c’est qui ?

Alicia : C’est ça.

LVP : Tu as la réponse ?

Alicia : Oui. Tu veux tous les blases ? (rires)

LVP : Peut-être un petit mot pour la fin ?

Alicia : Fumer tue, péter pue (rires).


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