Elle partage la vie d’un piano depuis ses cinq ans. Après un voyage, ses parents lui rapportent un petit Casio qu’elle ne quittera plus. Alma Elste est la nouvelle recrue de Cracki Records, qui accueille un talent complètement unique par rapport à son portefeuille d’artistes actuel. La jeune femme, Frederika de son vrai prénom, livre une musique intimiste, très personnelle, à l’aide d’une voix travaillée et déployée lors d’une formation classique et lyrique pendant un an. Armée de son piano comme d’un arc à flèches, la Parisienne se présente avec son histoire : The Story of Alma, un premier EP de sept titres chez Cracki.
Cy était le premier single qui était sorti il y a quelques semaines déjà. Nos tympans et notre cœur remarquent déjà quelque chose d’intrigant dans le tempo tant de la musique que des paroles. Ce même tempo, après la deuxième écoute, laisse notre menton battre la mesure lentement au rythme des mots qui sonnent comme une berceuse (“Look at me, rolling the dice for you”).
Le deuxième titre The Story of Alma (du nom de l’EP qui se veut introductif) est d’une beauté enveloppante, qui vous étreint (“Mind is so vast, mind is so unpure”). Il fait place à une résonance, un écho qui rend le piano minimaliste et laisse la voix d’Alma prendre une place plus encerclante.
Dans Feelings, Alma arrive à créer quelque chose de fabuleux entre le contraste de sa voix, forte, et des instruments qui semblent créer une sous-couche confortable et onirique à la chanson. Dans ce morceau, on distingue la capacité de l’artiste à faire preuve d’une énonciation des mots contrôlée, émouvante. Comme s’il y avait chez Alma une patience innée à distiller ses mots et ses phrases au juste et bon moment pour nous cueillir, sans hâte aucune.
Si ce premier EP exhibe une pochette colorée, voire tropicale, ne vous y méprenez pas, c’est assurément un EP hivernal à écouter au creux d’un canapé renfoncé, au détour d’un feu de bois ou avec une tasse brûlante entre les mains en regardant le soleil se lever ou se coucher.
Le piano fait partie intégrante de la jeune femme, en témoigne True. On découvre un jeu de piano qui, dans une forme de délicatesse omniprésente, exprime une certaine assurance, avec des appuis sur certaines notes comme pour nous faire comprendre quelque chose avec détermination. Loin de son album Dreams Gone Quieter aux prégnances électro pop folk sorti en 2018 lorsqu’elle était sous un label anglais indé, l’autrice sait ce qu’elle veut nous raconter : elle est décidée.
Alma parle beaucoup de liberté (recherchée ou retrouvée), de vérité d’âme, de quête de sens. Des sujets qui se prêtent parfaitement aux errances de l’hiver. S’il s’agit d’un album essentiellement piano-voix, chanté par une femme à la voix émotionnelle, ça n’en fait pas pour autant un corps musical triste. The Story of Alma est plutôt une confession, un espoir. Il réside comme une lumière blanche au creux de ses morceaux. Une lumière dont elle arrive à varier l’intensité, sans doute grâce à sa formation vocale, entre notes tantôt aériennes (“when you let me down”) tantôt profondes (“god I hate it”).
Photos : Tanguy Ginter
Les chansons Calm et Le rouge du ciel ne sont pas bien longues. Elles tiennent davantage de l’essence d’un moment, d’une fable, d’une incantation ou d’une émotion communiquée au gré des notes de piano et de la voix de la chanteuse, tantôt poussée, tantôt retenue. Words, elle, dénote positivement, faisant preuve d’une intro plus en percussions. Étrangement, cette construction différente en termes d’instruments laisse place à une impression de légèreté plus présente, mais toujours rattrapée par les voix ambiantes de la jeune femme (“i’m okay, i’m okay, i’m okay”) qui nous ancrent de nouveau dans quelque chose de vrai et puissant.
Nous vous invitons donc vivement à faire connaissance avec Alma et son histoire durant les mois peu lumineux qui s’en viennent. Elle tâchera de garder, pour sûr, une petite flamme allumée au fond de vous. Une flamme douce, mais brûlante, pour mieux renaître le moment opportun. À la manière de la chanteuse. “Alma now”.
Se nourrit essentiellement de musiques électroniques, de pop et R&B indé et de houmous.
