| Photo : Henry James
Il y a un an maintenant, Aquilo nous revenait d’un intense hiatus musical avec leur somptueux Sober, EP aussi mélancolique que réconfortant, annonçant alors le retour du duo anglais ayant fait sensation à travers le pays. Un retour remarqué qui introduisait la nouvelle ère Aquilo, et promettait un troisième album des plus éclatants. Un an plus tard, c’est chose faite. Aquilo signe avec brio son troisième album, A Safe Place To Be, et revient sans vergogne chambouler nos émotions en tous genres. Accompagné de Ben Fletcher et de Tom Highman, on en profite pour vous livrer quelques détails de ce nouveau joyau qu’est A Safe Place To Be.
Avec plus de 250 millions d’écoutes sur les plateformes de streaming et quatre concerts au légendaire festival Glastonbury, c’est indiscutable : le phénomène Aquilo a bousculé l’Angleterre, et ce, de la plus jolie des manières. Cependant, la notoriété, quand elle arrive sans prévenir – qui plus est avec fulgurance -, n’est jamais quelque chose de facile à gérer. La pression constante qui l’accompagne peut alors nous faire oublier l’essentiel, au profit de règles extérieures. Et ça, les deux singer-songwriters anglais l’ont compris à leur dépens.
Au fil de leurs sorties et une chose en entraînant une autre, le duo s’est rapidement vu rattrapé par cette popularité aussi soudaine que légitime. Ce troisième album est dès lors synonyme de résurrection pour Ben Fletcher et Tom Highman, ces deux amis de longue date qui ont réussi à mettre sur pied cet univers particulier dans lequel Aquilo navigue depuis sept ans maintenant.
Une passion partagée
Si la majeure partie des groupes que l’on connaît aujourd’hui se composent d’amis d’enfance ou autres, pour Aquilo l’histoire est différente. Ce n’est que très tard que les deux amis se rencontrent. L’aventure commence alors par hasard lorsque Tom Highman, travaillant alors en usine, tombe sur un titre posté sur internet par Ben Fletcher, quelques jours plus tôt. Les deux jeunes Anglais s’essayent alors à la collaboration, via quelques ballades nous rappelant Simon & Garfunkel et Fink. La magie opère instantanément entre les deux. Aquilo venait de voir le jour.
Quand tu crées un album, tu penses toujours à quoi il va ressembler dans son entièreté, comme un tout. On veut créer cette idée de voyage avec nos albums, c’est pourquoi la place de chaque titre a son importance. Quand on écrit, on se laisse emmener dans ce voyage justement et ce n’est que plus tard qu’on construit l’atmosphère de chaque morceau. Tout se fait très naturellement entre nous. – Tom
Avec un premier EP éponyme prometteur sorti en 2014, le groupe nous dévoilait cette sensibilité et cette esthétique musicale aux beats souples venant bercer nos oreilles émerveillées, qui resteront parties principales de cet ADN dont tout le monde raffole.
Après un exode vers Londres, poussé par un succès naissant, c’est en 2017 que le duo nous présente son premier album, Silhouettes. On y redécouvre avec émerveillement le talent d’écriture et les voix de nos jeunes Anglais. Aquilo nous ouvre ainsi son cœur grâce à une électro apaisante, soulignant la mélancolie puissante des textes. Avec un autre succès en poche, c’est en solo que le duo décide de produire son album suivant, ii, sorti l’année d’après. Avec son style des plus cinématographiques, le groupe compte pas loin de 28 apparitions télévisuelles. C’est alors un véritable torrent de notoriété que connaît le duo avec la sortie de Silhouettes.
Je me souviens de la première fois où j’ai entendu un de nos titres à la télé, c’était You There, pour la bande-annonce d’un film avec Kristen Stewart ! Je ne comprenais pas trop ce qu’il m’arrivait sur le coup. Pour être honnête, c’est une chose à laquelle on ne s’habitue jamais, c’est très étrange. – Tom
Une notoriété qui, comme nous en parlions plus tôt, peut parfois compliquer les choses. En effet, leur label d’origine étant de plus en plus demandeur et essayant de pousser le duo vers quelque chose de toujours plus gros, un profond dégoût s’installe dans la tête de Ben et de Tom. La passion des débuts n’étant plus, le duo songe même à arrêter, avec déjà l’idée d’un autre projet plus petit en tête.
Ce qu’on pourrait instinctivement comparer à une fuite ne fait, après réflexion, que mettre en lumière ces nombreuses restrictions et abus de labels, n’ayant que le signe de l’argent dans la rétine. Miraculeusement, les proches de nos deux jeunes singer-songwriters sont unanimes : leurs nouveaux titres ne font pas partie d’un nouveau projet, mais résonnent bel et bien comme le « nouveau Aquilo ». De nouvelles productions, aussi lumineuses que délicates, venues poser indiscutablement les fondations de ce merveilleux troisième album qu’est A Safe Place To Be.
La résurrection
Pendant près de deux ans, le duo prend du recul et se retire quelque temps. Ce hiatus est alors synonyme de torture, nous explique Ben Fletcher. Cependant, ce recul est nécessaire pour Ben et Tom. Écrire est un processus conséquent, qui nécessite plus qu’une belle plume, nous racontent-ils.
Écrire des choses aussi profondes peut parfois devenir épuisant, ça nous prend toutes nos émotions et notre énergie. Parfois, on a tendance à vouloir écrire à propos de quelque chose de spécial, mais, au final il arrive qu’on n’ait rien à raconter. On s’inspire pas mal de nos expériences personnelles, mais aussi de celles des personnes qui nous entourent. Après, je vous rassure, on dirait, mais n’on n’est pas tout le temps tristes (rires). – Tom
Rapidement, le duo rebondit et signe dans une nouvelle maison de disques plus respectueuse de la vision de ses artistes. Après la sortie de Sober, le duo sait vers où il veut aller et est prêt à attaquer la suite. La situation sanitaire s’aggravant de jour en jour, Ben et Tom se retrouvent vite coupés du monde et coupés l’un de l’autre. La production de leur troisième album étant prévue, c’est sans réfléchir que le duo décide de garder le cap initial. Confinement ou pas, un troisième album allait bel et bien voir le jour.
On s’est retrouvé coincé dans un appart à Londres pendant la pandémie, avec nos instruments et nos idées comme seule compagnie. C’était comme un retour aux sources pour nous, on s’est plus concentré sur le songwriting comme on pouvait le faire avant. – Ben
Un retour aux sources qui se ressent dès les premières minutes de l’album. Les dernières années ayant été bouleversées par bon nombre d’obstacles en tous genres, c’est vers un retour au bercail que duo se dirige naturellement. Quand on leur demande de décrire A Safe Place To Be en un mot, c’est sans réfléchir un seul instant que le mot « home » sort de la bouche de Ben et de Tom.
Une inspiration qui nous rapproche encore plus de nos deux singer-songwriters. Ils se dévoilent et nous racontent de nouvelles histoires, leurs histoires. Partie de ce concept de «chez soi », c’est sans le réaliser directement que leur écriture se dirige vers cette idée et connecte de la plus jolie des manières chaque titre de l’album.
A Safe Place To Be est essentiellement une série d’événements personnels, mais au sein d’une ville qui nous fait nous sentir chez nous. La plupart des titres de l’album ont une connexion particulière avec un endroit de Silverdale qui résonne différemment pour nous. – Ben
Un retour à la maison
Cette nouvelle aventure commence alors avec Out in LA, un titre des plus pêchus qui nous raconte le point de départ de ce besoin intense qu’ils eussent de retrouver leurs racines. N’ayant pas réellement l’impression d’être en accord avec eux-mêmes pendant cette période de leur vie aux États-Unis, Aquilo ne rêve que d’une chose : retrouver leur Silverdale natal.
Une entrée en matière qui nous fait remuer la tête sans difficulté, avant un retour au calme au piano sur fond de beat ondulant. Un enchaînement représentatif de l’album. A Safe Place To Be est aussi complet qu’unique, et c’est bien en cela que réside sa plus grande force. On peut par exemple danser sur You Make Me Mad, être hypnotisé par le déchirant Stupid Not To Try avant de se retrouver, la minute d’après, emmené dans un autre monde avec Costume Change, cette ballade acoustique qui nous parle de ces grands sourires pouvant parfois cacher une tristesse encore plus grande.
On se sent musicalement plus libre qu’avant. J’aime cette idée qu’on évolue sans cesse, que ça soit sur le plan musical, mais aussi sur le plan personnel. J’espère que ces nouveaux morceaux ne sonnent pas trop comme ce qu’on avait l’habitude de faire avant, mais on ne veut pas oublier toutes ces choses qui font de nous Aquilo et que les gens aiment. – Ben
Une liberté musicale qui nous invite au plus profond des émotions de nos deux jeunes Anglais. Avec Hanging On, le duo nous chante ce qui s’apparente à ce genre de message libérateur que l’on aimerait envoyer à une personne en particulier. Cette personne qui, après avoir tout essayé, ne cesse de nous manquer. Sans que l’on puisse le réaliser, A Safe Place To Be touche doucement à sa fin. Pour la dernière fois de l’album, Aquilo nous fait danser sur ces sonorités estivales nous plongeant dans un roadtrip sur fond de couché de soleil avec Our Days Are Numbered et Silver Spoon.
Un roadtrip qui prend fin avec I Wanna See You Smile, un dernier morceau bouleversant qui nous rappelle toute la sensibilité du duo. Comme un retour à ce qu’Aquilo fait de mieux depuis sept ans, Ben et Tom nous reviennent avec ce simple piano-voix embelli d’arrangements électroniques aussi purs que ce qu’ils nous ont proposé sur leur premier EP éponyme.
C’est un titre qui parle d’acceptation. C’est littéralement accepter qu’une ancienne relation soit terminée, sans garder aucune animosité envers la personne. On accepte par là qu’on puisse ne plus ressentir les mêmes sentiments qu’au début, que ces deux êtres puissent avancer pour le mieux. Au final, sans toute cette possible animosité, on est heureux de voir la personne qu’on a aimée, sourire de nouveau, et au final être heureuse. Et ce, même si ce n’est pas avec nous. – Tom
Pendant près de quarante minutes, Aquilo nous replonge dans son univers unique aux sonorités hétéroclites qui, prises comme un tout, résonnent en un ensemble des plus prestigieux. Entre des arrangements des plus travaillés et une écriture délicatement personnelle, Aquilo n’a manifestement pas perdu de sa superbe.
N’étant plus prisonnier de pressions quelconques, Aquilo ne veut plus se restreindre ou s’effacer au profit des demandes de l’industrie musicale. Et si le duo anglais nous avait tant manqué durant ces dernières années, rassurez-vous, ils ne sont pas près de nous abandonner de sitôt. Avant de les retrouver sur ces jolies scènes européennes, quelque chose nous dit qu’A Safe Place To Be n’est que le début de cette nouvelle ère Aquilo.
Que signifie 2022 pour Aquilo… ? Je dirais toujours plus de musique ! On ne prendra plus un an pour sortir de nouvelles choses. Pour tout vous dire, on parle déjà de ce qui viendra après, et on a déjà pas mal d’autres chansons de prêtes ! – Ben
Toujours au premier rang d’un concert par amour mais surtout parce que je suis le plus petit. Je fais de la mélancolie mon principal outil.