Arnaud Rebotini : “Je ne cherche pas à suivre les modes”
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Auteur·ice : Adrien Amiot
30/10/2019

Arnaud Rebotini : “Je ne cherche pas à suivre les modes”

Cette année, il a multiplié les projets. Le célèbre producteur Nancéien, récompensé par un César en 2018 pour la musique du film 120 battements par minute, continue encore et encore de nous surprendre. Nouvel album électrisant, nouvelle BO et réédition de son album culte Organique : 2019 a été une année propice pour la “montagne sensible”, surnom affectueux que Bashung aimait lui donner. Nous avons eu la chance de pouvoir nous entretenir avec lui pour évoquer son processus de création, sa foisonnante carrière et ses projets pour l’avenir. Quelque part entre techno organique, musique classique et rock’n’roll : entrons dans le monde passionnant du maître Arnaud Rebotini.

 

La Vague Parallèle : Bonjour Arnaud ! La dernière que je t’ai vu sur scène, c’était à Avignon cet été, en clôture du festival de théâtre et en ouverture du festival Résonance. Quel effet ça produit de jouer un set de musiques électroniques au Palais des Papes ?

Arnaud Rebotini : L’endroit est vraiment sublime. J’avais déjà joué dans une église par le passé… Mais à Avignon, il y avait ce côté institutionnel, c’était réellement une date intéressante. Le public était mixte : il y avait des gens du théâtre, plus âgés que dans mes concerts habituels. Ils ont bien réagi. Il n’y a eu aucun problème de point de vue-là, c’est toujours bien d’élargir son public !

LVP : Tu évoques l’aspect institutionnel, on peut s’interroger sur l’acceptation des musiques house et techno par les organisateurs et par le grand public, en 2019…

AR : Ça fait déjà un moment que c’est rentré les mœurs. On trouve toujours des gens réac, ça c’est sûr. Mais c’est largement mieux accepté. La preuve, c’est que 120 battements par minute m’a apporté un César. Et il y a eu cette fameuse expo « Électro » à la Philharmonie récemment…

LVP : Tu n’as pas peur que cette ouverture vers le grand public puisse nuire à la créativité des producteurs et des DJs ? 

AR : Des morceaux putassiers qui se prétendent techno, ça a toujours existé. De la même manière, le rock a toujours été récupéré par l’industrie du mainstream et pourtant il fait toujours émerger de bons artistes. Il y a toujours eu une partie underground et une partie mainstream, dans chaque courant de contre-culture.

LVP : Tu as réalisé 4 bandes-originales : Eastern Boys, 120 battements par minute, Le vent tourne et Curiosa, film de Lou Jeunet sorti cette année. Cet exercice semble parfaitement s’inscrire dans ton processus de création. As-tu des projets de films à venir ?

AR : Le travail des BO m’intéresse. Si un réalisateur ou un projet artistique me touche, je suis tout à fait prêt à renouveler l’expérience. D’ailleurs, ce n’est pas uniquement valable pour le cinéma. Il y a peu de temps, j’ai réalisé la musique d’un spectacle de danse contemporaine qui tourne actuellement. Je suis sur scène avec les danseurs ; le projet s’appelle Fix Me, comme le titre de mon dernier album (paru en avril 2019, NDLR).

 

LVP : Dans ces compositions destinées à l’image, on remarque une prééminence de l’écriture symphonique. Comment procèdes-tu ?

AR : Je gère ça tout seul ! Ce n’est pas vraiment une nouveauté d’ailleurs, mon premier album Organique, sous l’alias Zend Avesta, était déjà très écrit et contenait une grosse partie acoustique. J’ai appris sur le tas, comme ça.

LVP : Tu tournes avec de nombreux projets, qu’ils soient tout-électronique, avec orchestre ou, comme tu l’évoquais à l’instant, avec des danseurs. Comment fais-tu pour jongler entre tes différentes formules de live et pour créer des choses aussi différentes en studio ?

AR : En ce qui concerne le live, ce sont des répertoires différents. Pour le tout-électronique, je suis entouré de machines et la musique est fondamentalement orientée club. J’y joue mes maxis techno et mes albums. Quand je suis entouré par un groupe, c’est pour interpréter les titres de 120 bpm et quelques-uns de mes anciens projets. L’approche pour la création est également différente. Pour mes disques à moi, je décide de tout ce que je fais : quel style, quelle vitesse, etc… En revanche, pour les films je réponds aux demandes du réalisateur, pour que la musique ait du sens et transmette de l’émotion à l’image. On peut faire de superbes disques avec des BO ! Mais le sens qui est donné à la musique ne vient pas directement du compositeur, c’est un point de départ important. Pour les disques à mon nom, ce point de départ est différent à chaque projet. Tout peut partir d’un texte, quelque chose que j’ai vu et qui m’a plu… Ou d’une suite d’accords, d’un rythme ; il n’y a pas de règle. D’ailleurs, je ne saurais pas te dire à partir de quoi ont émergé mes projets… J’ai tendance à oublier mon processus de création, dès que les morceaux sont passés par différentes phases.

 

LVP : Comment construis-tu tes sets électroniques ? Quelle est la place du spontané, de l’improvisation ?

AR : Je pars de structures pré-établies, un tracklisting. Autour de ça, il y a toujours une part d’improvisation. Je m’inspire de ce que je ressens sur scène, ce qui est toujours lié à la réaction du public. Maintenant, je remarque que les gens sont prêts à écouter de la techno dès 22h, ils sont toujours contents. D’ailleurs, plus je vieillis plus j’aime jouer tôt ! (rires)

LVP : Tes pochettes d’album sont très soignées. Essayes-tu de conserver une cohérence dans ton identité visuelle tout au long de ta carrière ou cherches-tu à démarquer chaque sortie ? Dans un second temps, comment retranscris-tu cet aspect visuel sur scène ?

AR : Je fonctionne par période, donc cela se ressent dans les visuels. J’aime que mes disques soient de beaux objets ; cela passe en premier lieu par des pochettes réussies. Pour les concerts, c’est différent. Puisque je bouge pas mal, je considère qu’avec un bon light show, sans artifice, ça suffit. Je n’ai pas envie d’ajouter d’autres éléments visuels, comme des vidéos par exemple… J’aime en fait l’esthétique de « concert », avec une énergie brute.

LVP : On ressent bien cette volonté de casser les codes des show électroniques high tech, pour revenir à une forme plus immédiate. Ce n’est pas pour rien que les deux premiers albums de Black Strobe étaient très orienté rock… 

AR : Il y aura quelque chose dans ce sens-là dans mon prochain album solo, oui… Je ne cherche pas à suivre les modes. C’est plus une histoire d’avoir mon style à moi, mon propre son, sans me soucier de si c’est ce que les gens attendent.

LVP : Tu es un grand collectionneur de vinyle. Quelle place cela prend dans ta vie ?

AR : C’est un loisir ! J’achète des disques sur Discogs, je vais chiner dans des magasins à Paris… Pour tout dire, je collectionne assez peu de musiques électroniques ; plutôt des disques classiques, soul ou blues. Ma dernière grande trouvaille, c’est un ami qui me l’a fait découvrir. J’ai acheté un disque de Jim Ford, un chanteur country-folk qui a écrit pour les Temptations. J’aime beaucoup ce style minimiste-soul.

 

LVP : Pour terminer, est-il vrai que le morceau “120 battements par minutes” n’est pas à 120bpm ?

Arnaud Rebotini : Oui, c’est vrai ! Il est à 123 exactement ! (rires)

LVP : La question est réglée ! Merci à toi et à bientôt !

Arnaud Rebotini en concert :

  • 31 octobre 2019, Le MeM, Rennes
  • 8 novembre 2019, LE LIEU UNIQUE, Nantes
  • 14 novembre 2019, festival Les Z’Eclectiques, Chemillé-Melay
  • 30 novembre 2019, Nouveau Casino, Paris
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