Photo | Laura Collard
Au placard les tongs et les chapeaux de soleil en paille, le moment est venu de chausser ses baskets usées pour arpenter à nouveau les couloirs en construction de notre lieu de culte préféré, le Botanique. Cette fois, un inhabituel quintet peuple la scène de la Rotonde armé d’écrans de télévision posés maladroitement sur des petits canapés en cuir noirs et de grands yeux qui pourraient dire “rejoins-nous dans notre super communauté pas du tout sectaire où on ne mange que du thon” mais ont ce petit truc en plus qui leur fait plutôt dire “ce soir, on s’éclate”. Les membres de Superorganism sont venu·es s’éclater – littéralement, explosions musicales incoming.
En première partie de ce qui allait être une soirée plus pop-pixel-colorée qu’une rétrospective Pac-Man, on découvre Dylan Cartlidge, rappeur et musicien venu du Nord-Est de l’Angleterre. Un auto-proclamé Groove Doctor dont les titres issus de son premier album, Hope Above Adversity, s’écoutent comme du Earth Wind and Fire ; très fort quand ça va bien, encore plus fort quand ça ne va pas. L’artiste aux airs de gentil géant n’est pourtant pas à prendre à la légère. Cartlidge a collaboré avec Gorillaz et fait partie des artistes à suivre selon NME et Clash. Il accompagne Superorganism sur toutes les dates de leur tournée européenne, interprète avec elleux le stellaire It’s Raining issu du dernier album du groupe (#staytuned on en parle après).
Déboule alors sur scène celle pour qui l’on s’est tous·tes déplacé·es. Un mètre 40 de pure dérision laconique se traîne sur scène, une Pécheresse à la main. Orono Noguchi, leadeuse charismatique de Superorganism, est aussi cool qu’on puisse l’être. Un peu une rencontre improbable entre Elliot Page dans Juno et le bébé à moustache de la Famille Addams. Elle est accompagnée de Tucan, Harry, B et Soul (oui, oui, on croirait le cast du dernier Pixar), le reste du groupe jadis composé de huit membres. Tous·tes entament Put Down Your Phone, un des nombreux tubes de leur second album, World Wide Pop.
SPRORGNSM, titre tiré de leur premier opus éponyme sorti en 2018, vient ensuite, sur fond d’images de la Terre qui tournent en boucle sur un écran géant alors que B et Soul nous servent leurs meilleurs pas de danse jazzy. Le tout a des airs de rêve sous 39 de fièvre et la salle en redemande. Ce n’est que la seconde date sur cette tournée européenne et les membres de Superorganism sont en grande forme. Orono lit les paroles sur son téléphone, la Maes coule à flots alors que l’on entame Night Time, un autre classique du premier album, ode à la vie la nuit et à la spontanéité, attitude rare que le groupe élève au rang d’art. Pour celleux qui crieraient à la mise en scène, on rappellera que les musicien·nes partagent depuis 2017 une grande maison dans l’extrémité est de Londres et y écrivent de la musique 24h/24. Ce qu’on qualifiera de démonstration somptueusement chaotique sur la scène de la Rotonde, elleux doivent appeler ça un samedi soir lambda.
Superorganism interprète ensuite crushed.zip, tube discret de World Wide Pop, et entonne en chœur “candy cane, lollipop-pop-pop” avec une voix gonflée à l’hélium. Le groupe nous rappelle étrangement le bébé soleil des Télétubbies et non, on ne souhaite pas expliciter. Orono admet alors ne pas être une grande fan de l’Europe mais avoir toujours apprécié la Belgique “pour sa bonne bière et, surtout, la bière à l’ananas“. On se gardera bien de lui expliquer que personne ne boit ça ici. “Au fond, j’aime la pizza, la bière à l’ananas, la marijuana et la bonne musique“. Amen. Vient ensuite un génial medley de Black Hole Baby et Into The Sun. Un coucher de soleil se dessine sur l’écran en arrière-plan pendant que des explosions retentissent autour de B et Soul sapé·es comme un couple de danseur·euses de patinage artistique aux JO. Au risque de passer pour des gens optimistes voire des adeptes de la convivialité, on admettra qu’il est difficile de ne pas être content·es en regardant la joyeuse bande de Superorganism.
Après Oh Come On, enchaînement de pistolets laser qui font pop, la cardio song où tout le monde (tout.le.monde.) a sauté à en perdre un poumon et Everything Falls Apart et ses explosions d’acide psychédélique, arrive Everybody Wants To Be Famous. Le morceau bien-aimé, extrait du premier album, électrise encore un peu plus l’assistance. Entre On & On et Solar System, la foule, encouragée (contrainte) par Noguchi, entonne un joyeux anniversaire plein d’entrain à un dénommé Walter un peu gêné au milieu de la fosse. Le groupe enchaîne avec Teenager, titre sur lequel B agite des pompons de cheerleader et assure le refrain de sa voix Susan Sarandon-esque.
En guise de rappel, Superorganism invite Dylan Cartlidge à se joindre à elleux pour interpréter It’s Raining, génial featuring issu de World Wide Pop. Orono est toute petite, Cartlidge est très grand, ça se serre dans les bras, ça balance une Liefmans de droite à gauche, c’est la fête, décidément, on est content·es. Pour clôturer, ce sont les notes de Something For Your M.I.N.D. qui retentissent. Premier morceau de ce qui deviendra Superorganism après une rencontre au Japon et de nombreuses discussions Skype, le truc est un véritable hymne. Le groupe fait monter la foule sur scène pour scander avec lui ses paroles improbables écrites par une Orono Noguchi alors âgée de 17 ans. La Liefmans descend d’une traite, Soul assure les chœurs en japonais et B croque dans une pomme à ce moment que l’on connait bien entre le couplet et le refrain. L’instrumentale saccadée du morceau s’éteint lentement dans la Rotonde alors que le groupe salue et s’en va. Les bières jonchent le sol et les petits écrans rendent l’âme. On aurait presque envie de débarrasser, comme au lendemain d’une house party mémorable dans l’Est londonien.
Imagine Mercredi Adams qui écoute Abba très fort dans son bain.