Photos | Caroline Bertolini
Le 19 février, nous sommes allé·es à la release party du projet Doors du bruxellois Edouard van Praet. On y a swingué, crié, sautillé, plané, vu du Broadway, du gentleman british, du pure talent, aussi, et une pointe de bondage. Somme toute, les ingrédients d’une soirée et d’un EP réussis.
June Moan
Pour sa première partie, Edouard van Praet avait convié son ami Aurélien Auchain, alias June Moan. Également membre du quatuor bruxellois Mountain Bike, June Moan propose, samedi soir, une pop-folk élaborée, parcourue par des influences telles que Nick Drake ou Grizzly Bear. Musicien autosuffisant, Auchain n’a besoin que de sa guitare et quelques beats pour convaincre, introduire en beauté l’aventure qui va suivre.
Edouard van Praet
Edouard van Praet émerge d’une caravane un peu miteuse aux vitres rouges, les backstages de la scène du Lac. Son groupe et lui se rassemblent sur la plateforme étroite, devant une foule qui s’est épaissie d’un coup. Ils jouent, le chanteur traverse le premier morceau avec l’aisance d’un dandy – terme que l’on ne peut plus employer sans un petit haut-le-cœur mais qu’on pardonnera ici tant il est approprié – en blazer de velours côtelé marron. Il ouvre avec Is This Over?, titre d’ores et déjà le plus populaire de son EP, Doors, sorti il y a six mois. Edouard van Praet mime sa musique, il la vit, elle l’habite.
“This one’s for the ladies“, précise-t-il, de la malice dans le regard. The Silver Lining Lady, deuxième morceau de l’EP, raconte un homme emprisonné par sa conception de la relation idéale. L’écriture, ces histoires à conter en live, l’artiste s’y colle depuis ses débuts au sein du groupe Tissue, fondé avec son ami Joseph. Si le projet a pris fin, les acquis de ces premiers concerts, la théâtralité de la musique live perdurent dans la carrière solo de van Praet.
Les musiciens sont très bons, le batteur, Sam, également membre du groupe de la chanteuse Charles, se démarque. Sur scène, les morceaux de l’EP prennent de l’ampleur, bien moins lisses que sur l’enregistrement. Alors qu’on le redoutait un peu sage, Edouard van Praet déambule sur scène comme un enfant turbulent dans un manoir vide. Il chante Tab 12, Doors, single éponyme, clôture ses titres avec des solos presque psychédéliques qui soulignent son goût pour MGMT, rois du rock planant contemporain. De nouveaux titres s’invitent au set, Edouard van Praet chante en français sur des airs mécaniques qui résonnent dans la salle comble du Lac.
Depuis quelques mois, le musicien belgo-canadien fait ses dents sur les scènes de Bruxelles, notamment sous les lumières de la mythique Rotonde du Botanique. Sélectionné par l’ASBL Court-Circuit dans le cadre de son Music Program 2021, van Praet perfectionne sa nonchalance concentrée en live. Il ose aussi. Les spots tournent au bleu, le groupe joue un son de métal en boucle et le musicien se recroqueville au sol, blazer de velours côtelé marron balancé bien loin. C’est expérimental et – chose plus difficile encore – convaincant.
Edouard van Praet aime les paradoxes. La lumière revient plus chaude, les musiciens entament une rythmique jazz, déhanché impeccable en pantalon pattes d’eph et jazz hands en éventail inclus. “C’est une chanson à propos d’une big big star“. Madonna? Beyoncé? Francky Vincent? Non, juste une big big star que tout le monde connaît et que l’artiste raconte sur des airs de synthétiseurs théréminesques. Des paradoxes encore. Edouard van Praet enchaîne avec Pink factory, “c’est l’histoire d’un couple qui s’effondre et tente de recoller les morceaux avec des expériences sado-maso“. Ok, on en était encore à l’ambiance swing style bal de promo de Retour vers le Futur mais on te suit Edouard, même dans le royaume du latex et des chaînes. D’ailleurs, le baffle gauche lâche sur ce morceau. Le sado-maso, c’est pas pour les chochottes.
Le set se clôt sur le dernier morceau de l’album, Lovely Day. Témoignage de l’influence des Beatles et de Wings, le premier groupe solo de Paul McCartney, ce titre joue avec les codes de la musique 60s, s’en moque aussi. Gare à ne pas froisser le pape Paul, jeune homme ! Bien moins déprime que son homologue signé Lou Reed, Lovely Day se fait pétillant, optimiste à outrance, puis déluré. Edouard van Praet hurle sa joie qui apparaît plus sarcastique que jamais. L’artiste, le groupe, la foule entonnent les paroles dans une boucle infinie et délirante.
C’est la fin d’un lovely concert – lovely, habité, barge, borderline psycho. Edouard van Praet remercie le public, ses musiciens, le Lac et son papa, pour la bière. On apprend qu’elle est à 2 euros… c’est par où le bar ? Un lovely day peut toujours se transformer en lovely night.
Imagine Mercredi Adams qui écoute Abba très fort dans son bain.