Avec son nouvel album, Las Aves invente la musique de demain
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Auteur·ice : Paul Mougeot
29/08/2019

Avec son nouvel album, Las Aves invente la musique de demain

Les oiseaux ont opéré leur mue. Un peu plus de trois ans après le sortie de leur premier album, Die in Shanghai, les lascars de Las Aves se sont débarrassés de leurs derniers atours rock pour mieux inventer la musique de demain. On vous explique.

On avait fini par croire que la boussole artistique de la nouvelle scène française s’était enrayée, désespérément figée à l’époque des années 80. Épris de sa liberté, de ses couleurs vives, de ses douces nappes de synthé et de sa confortable candeur, ces artistes qu’on adore ont souvent trouvé refuge dans cette décennie à l’aura bienveillante, finissant par épuiser du même coup un filon qui commençait de toute façon à s’essouffler.

Situés à l’avant-garde de cette génération dorée, les Toulousains de Las Aves sont déjà dans le futur, c’est-à-dire… une ou deux décennies plus tard, tout au plus. Pour le trio, le nouvel eldorado musical serait plutôt à chercher du côté de cette musique qui sévissait il y a quelques années à la radio et sur MTV, à cheval sur deux millénaires, et qu’on avait détesté adorer, ou adoré détester. Trois ans après la sortie de l’excellent Die In Shanghai, qui enterrait leurs ambitions punk pour mieux leur ouvrir un avenir radieux avec les sonorités futuristes qui sont désormais leur marque de fabrique, les Las Aves sont de retour avec I’ll Never Give Up On Love Until I Can Put A Name On It. Un disque qui propulse définitivement le trio sur les cimes de la scène pop française.

Exit les paillettes et les textures sucrées, le nouvel album du trio puise dans l’esthétique de la fin des années 90 et du début des années 2000 pour offrir une musique hybride et percutante, qui prend le contrepied des standards actuels et trace les contours d’une pop neuve et brillante. Refusant la retenue ou la pudeur, rejetant la tiédeur et les faux-semblants, Las Aves livre une musique totale, qui frappe à coups de punchlines autant qu’elle s’incarne dans ses clips et dans les prestations endiablées que le groupe livre sur scène. Sous couvert d’une pop ludique, faussement naïve et subversive, Géraldine, Jules et Vincent s’adonnent ici à des expérimentations musicales de haut vol, qui mêlent productions exubérantes, envolées vocodées et refrains irrésistibles pour mieux dépeindre les affres de l’amour à l’ère du numérique.

Pour les guider dans cette quête pop futuriste, les Toulousains se sont entourés de Lucien Krampf, gourou techno à l’oeuvre sur le dernier EP d’Oklou notamment. La rencontre entre ces deux univers, pop aux accents rock pour l’un, éminemment électronique pour l’autre, ne pouvait que produire des étincelles. À l’arrivée, I’ll Never Give Up On Love Until I Can Put A Name On It est un disque profondément marqué par la notion de conflit, tiraillé entre tendresse et brutalité, entre beats acérés et vocalises sensuelles, entre pop de stade et songwriting ciselé. Aussi intime et introspectif qu’universel, ce recueil d’émotions nouvelles vécues à l’heure d’Internet par une génération toute entière vibre de couleurs et de sentiments différents, à mesure que s’égrainent les titres qui le composent. De la sarcastique You Need A Dog, adoubée par Miley Cyrus en personne sur Instagram à la sensuelle Tomorrow, de la chaotique à l’indispensable Worth It, le groupe installe le canevas d’une musique nouvelle, propre à réconcilier machines et humains à un rythme effréné. Enfin, en guise de final d’un disque qui a fini par baisser sa garde et se dévoiler dans son plus simple appareil, Thank You est une déclaration d’amour vibrante à la musique et à ses vertus thérapeutiques.

Le nouvel album de Las Aves est une réussite insolente, portée par la voix tendre et aérienne de Géraldine et par les expérimentations de Jules et Vincent, sans doute nourries par les pérégrinations artistiques qu’ils ont menées à travers leurs projets solos respectifs, Jazzboy et Demon V. À son écoute, on en vient à se dire que les trois oiseaux de Las Aves ont peut-être moins puisé dans l’héritage de leurs jeunes années qu’ils n’ont inventé la musique de demain. Ou peut-être d’après-demain, on ne saurait pas bien le dire. Ce qu’on sait pour sûr, c’est que l’entité pop la plus excitante du moment est de retour. Pour le meilleur, sans aucun doute.

Las Aves sera en concert le 24 octobre à la Gaîté Lyrique.