Avec son premier album, Judith Kiddo fait souffler un vent de queerpop sur la scène belge
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Auteur·ice : Diego Mitrugno
28/03/2023

Avec son premier album, Judith Kiddo fait souffler un vent de queerpop sur la scène belge

| Photo : Pablo-Antoine Neufmars

Il y a un mois, Judith Kiddo présentait son tout premier album Ready to Heal lors d’une release party à l’AB Club. La chanteuse et comédienne belge nous avait déjà tapé dans l’oeil avec son EP Petit Chien sorti en 2020, introduisant son univers singulier absurde et décomplexé. On se souvient du titre éponyme de l’EP qui rendait un hommage à son teckel Pollux et du titre Pour Quelques Dollars, caricature des chansons qui parlent d’argent. Avec ce premier LP, Judith Kiddo continue son exploration introspective sur fond d’humour, sans jamais tourner en dérision le sérieux de son propos.

Allons droit au but : on a saigné l’album. Brillant par son intelligence, Ready to Heal se distingue de la production musicale actuelle par son audace, sa modernité et sa fraîcheur. Jamais répétitif, toujours aventureux, l’album est une plaine de jeu synthpop dans laquelle Judith Kiddo s’amuse avant toute chose. Que ce soit en anglais ou en français, sur un ton léger ou dénonciateur, à l’aide de sons organiques ou d’électro-pop fantaisiste, la chanteuse bruxelloise choisit de ne pas choisir, tout en affirmant son identité. Elle exploite son éventail de références musicales, se glissant dans l’héritage d’artistes-OVNI telles que Kate Bush, Mylène Farmer, Caroline Polachek ou Björk pour qui l’exploration n’est pas une méthode mais une fin en soi.

| Photos : Diego Mitrugno

Le premier titre, Ready to Heal, introduit l’album avec une conclusion qui résume l’état d’esprit de Judith Kiddo : elle est prête à faire table rase d’un passé tourmenté pour se concentrer sur la guérison. Après la pluie, vient l’Emotional Queerdo. La chanson s’ouvre sur quelques notes joyeuses de synthé qui rappellent les mélodies funk de Stevie Wonder, avant de se mélanger à des sonorités rétrofuturistes. Le ton est donné : guuurl just wanna have fun ! Et c’est ce qu’elle fait, même sur des sujets sociétaux concrets comme le sentiment d’anxiété généralisé dans Settle Down ou le suprémacisme blanc dans White Monsters. Judith Kiddo manie à la perfection le tragicomique pop : exprimer un message grave et sérieux par une forme légère et éblouissante.

Elle applique cette logique satirique et ironique à ses propres désillusions et réalités. Comme sur Hagen, hommage à son frère où l’artiste belge déploie tout son talent vocal sur la poignante mélodie du refrain : je t’adore. Ou sur les morceaux Only Loves Me When I Cry et Mal Barre Judith Kiddo déploie tout son talent de parolière hors pair, tant en anglais qu’en français, pour parler de relation hétéronormée foireuse et de coming out (c’est le genre de chanson où l’on se dit que d’autres artistes devraient faire appel à Judith). Mais toujours sur une pop enjouée agrémentée de sonorités empiriques issues du duo Kiddo/Lucien Fraipont (Robbing Millions). Il y a d’ailleurs quelque chose de très France Gallesque (de la période Débranche et Babacar) dans Mal Barre ; une mélodie entêtante, des percussions entrainantes et des mots rythmés comme pouvait le faire Berger.

| Photo : Diego Mitrugno

Parce que même s’il comporte une nostalgie intrinsèque, l’album est avant tout une célébration émancipatrice. Il suffit d’écouter The Strong Ones Let it Out et La Joie, l’Espoir (et même l’Interludix façon Air). Finalement ce n’est pas tant le fait d’aborder l’homosexualité qui fait de la musique de Judith Kiddo de la queerpop, mais plutôt son mode d’expression solaire et unificateur ; en d’autres termes sa capacité à sublimer ses traumas. I dit it, so can you ! On retrouve cette même énergie sur scène. Comme en témoigne sa prestation à l’AB Club pour sa release party, Judith Kiddo rayonne en show girl charismatique et authentique. Et cela a convaincu les programmateurs de Dour puisqu’elle sera à l’affiche du festival belge cet été ! On ne spoile pas plus, mais vous n’avez clairement pas envie de rater la reprise live de Beautiful Stranger de Madonna… En attendant, on se satisfait avec la vidéo de son passage dans les Jam Sessions. Bravo, Kiddo !