Bakari : “Je ne veux pas qu’on m’enferme dans une case”
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Auteur·ice : Paul-Louis Godier
17/09/2020

Bakari : “Je ne veux pas qu’on m’enferme dans une case”

Il nous avait déjà présenté sa “Trap City” sur Skyrock à l’occasion du Planète Rap de Larry. Après avoir sorti son dernier single N’Da Blocka, c’est désormais à notre tour de vous introduire à l’univers du rappeur venant de Liège. Entretien avec Bakari, rappeur et chanteur, qui n’a pas fini de nous impressionner. 

© Photos : Paul-Louis Godier

La Vague Parallèle : Liège 4000, ville de piège, là d’où tu viens. Tu parles de tes origines assez souvent, notamment du moment quand tu es arrivé en Belgique. Tu peux nous en dire plus sur ta jeunesse et sur ton parcours jusqu’à maintenant ?

Bakari : Je suis né en 1996 au Congo, mais je ne suis pas congolais. Parce que je sais que beaucoup de médias le pensent. Je suis rwandais du côté de ma mère et burundais du côté de mon père. J’ai plus connu le Rwanda, donc de manière générale on peut dire que je suis Rwandais né au Congo. Je suis arrivé en Belgique quand j’avais sept ans et depuis, j’habite à Liège et je n’ai pas bougé de là-bas.

LVP : Ton passé et la rue sont des thèmes que tu abordes énormément. Même si ce sont des thèmes assez « classiques », tu arrives à nous les raconter à ta manière et on plonge rapidement dans ton récit. Je pense notamment au son À l’époque que je trouve hyper bien écrit. Pourquoi aborder ce genre de thème directement dans ton premier EP ?

B : Ça s’est fait un peu au hasard ! Je ne suis pas quelqu’un qui calcule quand je fais des morceaux. J’écris toujours en fonction de ce que la prod me procure comme sensation. Là, pour À l’époque, ça faisait penser à mon passé, à une espèce de storytelling, donc je me suis dit que j’allais raconter d’où je viens, mon parcours etc. C’est vraiment la prod qui me guide sur les thèmes à aborder, mais ce n’était pas forcément voulu d’aborder ce thème, en particulier sur le premier projet. C’était spontané et naturel ! On a trouvé le morceau bon et puis, on l’a mis sur l’EP.

LVP : Parce que À l’époque, c’est un morceau assez personnel. C’est le deuxième son de ton EP Kaléidoscope et directement on a l’impression d’avoir déjà entendu parler de toi. En tout cas on a l’impression de te connaitre déjà davantage. Parfois, on peut écouter un artiste sur deux albums et on ne va toujours pas le connaître.

B : Oui exact ! Ça par contre c’est vraiment une volonté de ma part de rester un maximum transparent avec les gens qui m’écoutent. C’est important de dire la vérité et de décrire d’où je viens. J’ai du mal, personnellement, à dissocier l’art de la personne. Ça veut dire que, quand tu rappes, on doit comprendre qui tu es par ta musique. Donc oui, c’est volontaire. C’est important pour moi que les gens comprennent qui je suis, dès le début.

LVP : Tu allies rap et chant de manière très efficace. Même si tu as des sons 100% rap, tu chantes à de nombreuses reprises. Est-ce que c’est quelque chose qui t’attire de base et sur laquelle tu bosses en ce moment ?

B : Disons que c’est naturel, mais depuis un ou deux ans, on a décidé de vraiment exploiter le côté chant. Je me dis que ça vaut le coup de lier le rap et le chant. Je sais faire les deux, donc si ça peut être complémentaire, autant le faire. On essaye de limiter l’auto tune, comme sur Barrio, où c’est très organique. En tout cas, je ne me pose pas de questions, ça sort naturellement. Si la prod m’inspire plus le chant, je vais chanter. Et on essaye d’être judicieux sur les choix de prods. Je tiens à ce qu’il y ait beaucoup de musicalité dans ce que je fais et qu’on ne m’enferme pas dans une case.

LVP : Dans Barrio, tu dis « J’ai le blues de cette époque ». De manière générale, tu racontes beaucoup les moments que tu passais, plus jeune, dans ta cité avec tes potes. J’ai l’impression que tu abordes souvent ces moments avec un brin de nostalgie, même si au final, tu es heureux d’en être arrivé là. Pourquoi ?

B : C’est la nostalgie des moments que tu passes avec les personnes que t’apprécies. Je suis quelqu’un de très fermé. J’ai mes gens et je n’essaye pas trop de me mélanger. J’essaye d’avancer avec les mêmes personnes avec lesquelles je suis depuis le début. Si je te parle de moi sans te parler d’eux, ça serait bizarre. C’est eux qui m’ont fait en partie, et ça fait partie de moi.

LVP : Le temps est un sujet important chez toi. Tu parles beaucoup du temps qui passe, de ce que tu as pu faire dans le passé et ce qui t’a construit. Et puis tu parles aussi de l’avenir sans trop t’en soucier. Tu préfères penser qu’au présent ?

B : Il faut garder la tête sur les épaules. Ça peut aller très vite ! Un jour t’es tout en haut et puis, le lendemain, t’es au plus mal. Le fait de parler de ce genre de thèmes, c’est aussi pour montrer aux gens qui m’écoutent comment j’en suis arrivé là et qu’ils comprennent la manière dont je réfléchis.

LVP : Tu bosses beaucoup avec des gars de Liège, notamment sur la production. Tu essayes de rester local dans tes collaborations. C’est quelque chose d’important pour toi ?

B : Je suis un gros raciste à ce niveau-là (rires). Si je peux tout faire à Liège, ça m’arrange. C’est des gens de chez nous, c’est notre mentalité ! On se comprend mieux et c’est plus facile à tous les niveaux. Et puis, c’est des personnes avec qui, musicalement et humainement parlant, ça a collé direct.

LVP : Justement, pour mettre en avant la scène liégeoise, tu as sorti une petite série sur Instagram « Bienvenue dans le piège », où tu nous présentes les artistes de ton quartier et les pépites qui se lancent dans le rap. Tu peux nous en dire plus ? 

B : Le but, c’est de mettre en avant les talents de ma ville. Je voulais aussi plonger les gens dans mon quotidien et leur montrer comment je vis en dehors de la musique et comment cette manière de vivre influence ma musique. Pour l’instant, il y en a trois de disponibles, mais on va essayer d’en balancer un petit dernier !

LVP : J’ai eu pas mal d’artistes en tête quand j’ai écouté ton projet. Du genre Damso, Veerus ou Kobo. Qu’est-ce que tu as écouté dans ta jeunesse et quels sont les artistes qui t’ont marqué ?

B : Pas Veerus, vu que je ne connais pas (rires). Mais sinon, j’ai écouté de tout. Beaucoup de rap français ! J’ai découvert le rap US un peu plus tard, mais je me suis mis à fond dedans. J’ai beaucoup écouté de variété française aussi, via mes parents forcément. J’ai énormément écouté de musique afro et de la musique congolaise. Je viens d’Afrique centrale, donc c’est inévitable. Tu dois écouter ça ! Même si tu ne veux pas, tu vas écouter.

LVP : Tu as fait un énorme morceau en collaboration avec Isha. Comment s’est faite la connexion et comment avez-vous travaillé sur cette track ?

B : La connexion s’est faite via mon vieux Frank Luckaz. Il connaissait déjà Isha et puis, je lui avais direct dit que j’appréciais cet artiste. Donc, la connexion s’est faite hyper rapidement et hyper facilement. On s’est vu en studio et on a fait le son. Rapide, efficace.

LVP : Vu que tu as écouté énormément de rap français, j’aimerais savoir quels sont, pour toi, les albums classiques du rap français ?

B : Je ne vais pas être original, je vais dire Temps mort de Booba. Temps mort, c’est temps mort (rires). Le code de l’horreur de Rohff, obligé ! Franchement, j’écoutais de tout. Les Sages Poètes De La Rue, Mafia K’1 Fry, Salif etc.

LVP : Tu as sorti récemment le single et le clip de N’Da Blocka, ton premier EP est une réussite selon moi ! Qu’est-ce que tu nous prépares pour la suite ?

B : Vous allez voir, vous allez voir… Pas d’infos ! On poucave pas (rires).


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