Bear’s Den nous ouvre les portes de Blue Hours, un nouvel album empli d’espoir et de sincérité
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Auteur·ice : Hugo Payen
14/05/2022

Bear’s Den nous ouvre les portes de Blue Hours, un nouvel album empli d’espoir et de sincérité

| Photo : Bennie Curnow

Parmi les groupes de folk les plus en vogue de ces dernières années, les Britanniques de Bear’s Den occupent indéniablement une place importante du classement. Depuis plus de dix ans, le groupe nous raconte ses histoires aussi sincères qu’intimes, et ce, de manière toujours plus rafraîchissante.  À quelques heures de leur concert à l’Ancienne Belgique, c’est entre les murs de la salle bruxelloise que l’on a discuté avec Davie et Kev, venus nous présenter ce nouveau chef-d’œuvre qu’est Blue Hours.

Savoir se questionner sur sa santé mentale en tant qu’homme, ou femme, n’est pas quelque chose de facile à faire. À titre personnel, c’est très compliqué. Mais la musique, d’une manière ou d’une autre, nous permet de comprendre et d’accepter beaucoup de choses. C’est une autre sorte de thérapie. 

Se situant quelque part entre un hôtel, un hôpital psychiatrique, un bar où les portes ne ferment jamais, un paradis, un rêve, et enfin un cauchemar, ces nouvelles histoires dépeignent certaines de nos émotions les plus sombres, les plus complexes. Pourtant, ce sont parfois ces émotions qui nous sont les plus bénéfiques, celles qui nous laissent entrevoir une lueur d’espoir. Bienvenue dans l’univers Bear’s Den. Bienvenue au cœur de Blue Hours.

Un style inimitable

Nous sommes en 2013 lorsque Bear’s Den sort son premier EP, Agape. Un cinq titres impressionnant, sur lequel on peut y découvrir des titres comme Isaac, ou Agape, qui aujourd’hui, accumulent plus de quarante millions d’écoutes et occupent une place significative lors de leurs concerts. Une première sortie, qui dessinera les prémices de ce qui deviendra quelques années plus tard, l’un des groupe les plus prodigieux et acclamés du genre.

Depuis, plusieurs albums ont pris vie. Nous racontant à tour de rôle des histoires aussi différentes les unes des autres, que fascinantes. Entre Islands en 2014, Red Earth & Pouring Rain en 2016, So that you might hear me en 2019, ou son majestueux Fragments, le groupe brille par sa plume poétique surplombant ces sonorités et arrangements uniques en leur genre.

On tente de se renouveler sur chaque album, afin que les personnes qui nous écoutent puissent aussi ressentir ce qu’on ressent nous. Si tu arrives à écrire quelque chose d’honnête, et que la personne en face de toi est touchée, c’est la plus belle des choses.

La musique n’est pas la seule chose qui relie les membres du groupe, comme ça peut être le cas pour une majorité d’artistes à travers le monde. Bear’s Den représente plus qu’un groupe de musiciens passionnés. Il représente avant tout un groupe d’amis, qui naviguent à travers le monde entier afin d’y chanter leur peines, d’y chanter leurs joies et ce, au plus grand bonheur de milliers de personnes à travers le globe. Un style inimitable certes, qui ne cesse de prendre de nouvelles formes au fil du temps.

Soudain, le monde s’arrête

Nous ne vous apprenons rien en vous disant que durant les deux dernières années, silence et absence sont devenus les maîtres-mots de nos quotidiens. Si le groupe avait déjà l’idée de son prochain album lors de sa dernière tournée, beaucoup de choses ont changé en 730 jours. Davie, Kev et leurs compères ont – si on peut utiliser ce mot -, eu de la chance. En effet, leur tournée s’achevant quelques jours avant le premier confinement, le groupe n’a pas dû tout arrêté, afin de mettre sa vie artistique en pause. Ce besoin de temps et d’espace, le groupe l’avait planifié afin d’écrire et de composer ce qui serait son cinquième album.

 

Pourtant, cette pause n’arrive pas de la manière dont le groupe l’avait imaginée. Le monde entier est mis sous cloche, la peur et l’angoisse s’installent dans les foyers. La créativité de beaucoup d’artistes chute en flèche par manque d’inspiration, par impuissance face à la tournure des choses peut-être.

J’ai impression que chacun d’entre nous vient de vivre, ou vit, quelque chose de compliqué. Il y a cette notion d’expérience humaine que nous sommes tous en train de vivre chacun de notre côté. Personne ne savait à quoi allaient ressembler les mois et les années à venir. Heureusement, je me dis que ce que nous avons vécu, et que nous continuons à vivre, nous permet de prendre conscience de pas mal de choses, dont le fait de plus avoir peur de ce que la santé mentale implique.

Pour la première fois de sa carrière, une année entière passe sans que le groupe ne puisse se voir, échanger, et composer ensemble. Toutefois, Kev et Davie ont la chance de se voir, le temps d’une balade dans la campagne anglaise. Alors que la majorité des personnes doivent faire face à la solitude, les deux lead singers du groupe arrivent à aborder certaines de leurs peurs, de leurs émotions. Au final, aborder certains aspects de notre santé mentale semble être bénéfique, semble être même nécessaire. Davie, qui écrit la majorité des morceaux, ose raconter ses histoires, ose aborder ces émotions longtemps misent sous silence.

Le bleu, une couleur pas comme les autres

Alors que le titre de leur deuxième album, Red Earth & Pouring Rain, nous vient d’une ancienne légende indienne et que celui du troisième, So that you might hear me, est repris d’un passage issu d’un poème de Pablo Neruda, l’histoire derrière Blue Hours n’est également pas anodine. S’il est inspiré d’un hôtel marocain, Blue Hours n’en a pourtant hérité que le nom.

En effet, dans l’imaginaire de Davie et Kev, Blue Hours correspond plus à cet endroit mental où l’on se sent en sécurité, comme apaisé·e avec nous-même, avec nos pensées et émotions. Et ce, même si ces émotions, négatives comme positives, nous arrivent de manière frontale.

J’aime l’idée qu’en songwriting, tu sois un peu comme dans un hôtel dans lequel tu explores chaque couloir, chaque pièce, à la recherche de quelque chose qui déclenchera quelque chose en toi. Blue Hours est cet endroit enfoui dans l’esprit de tout un chacun·e où tu es libre de créer et de penser ce que tu désires.

Le bleu est une couleur très intrigante, qui est souvent associée à la nostalgie, à la tristesse. En effet, Davie nous explique que ce titre Blue Hours représente aussi tous ces moments difficiles, où les pensées plus sombres prennent le dessus. Finalement, le bleu correspond à un véritable état d’esprit, où nos pensées et nos doutes règnent en maîtres. Qu’il s’agisse de dépression, de rupture amoureuse, de la perte d’un être cher mais aussi de la notion de souvenir, Blue Hours nous réconforte quant à l’idée que quoi qu’il arrive, nous ne sommes jamais réellement seuls·es.

Qui plus est, Blue Hours nous rassure, et nous rappelle que la santé mentale n’est pas quelque chose de tabou. En véritable lueur d’espoir, les dix titres qui composent Blue Hours replacent tous ces sentiments, souvent ignorés, au premier rang. Pour Bear’s Den, la musique prend ainsi cet aspect thérapeutique face à toutes ces choses qui sont de loin, les plus compliquées à exprimer.

Pouvoir se montrer vulnérable devant quelqu’un fait partie des plus belles choses au monde. Tu en sors d’autant plus fort ! Avec la musique, pour je ne sais quelle raison, c’est la manière dont on se sent. On se met à nu devant toutes ces personnes. Quand t’arrives à ce que les personnes que tu as en face se connectent à toi et à ce que tu racontes, c’est à ce moment-là que c’est le plus beau.

Une nouvelle aventure musicale qui débute sur l’évocateur New Ways, venu nous rappeler après deux années mouvementées que les nouveaux départs sont possibles et que le monde de demain peut être mieux que celui d’hier. Un morceau d’ouverture des plus énergiques, qui sonne alors comme un cri de ralliement et qui laisse rapidement sa place à la suite.

 

Ce morceau au titre éponyme, Blue Hours poursuit notre lecture de l’album, ainsi que Frightened Whispers. Deux titres que l’on a pu découvrir quelques semaines auparavant en guise de singles. Par la suite, Gratitude nous arrive dans les oreilles. Les percussions et accords de guitare symboliques du groupe nous parviennent. Près de dix ans plus tard, nous réalisons que malgré son besoin de renouvellement constant de sonorités, Bear’s Den n’a rien perdu de sa superbe. Un univers qui se retrouve fondamentalement inchangé depuis son premier EP Without/Within.

Plus loin, ce sont de nouveaux trois des singles sortis au préalable qui nous parviennent. Mais quels morceaux ! Entre Spiders, All That You Are, abordant de manière très frontale le sentiment d’acceptation que l’on peut ressentir après être arrivé·e à la fin d’une relation, et Shadows, nos émotions sont mises à rude épreuve. « I try to wrap my arms around you / But someone has already found you / And they won’t let you go . The shadows know you better than I do”, chante alors Davie sur les arrangements brillants de Shadows, venu nous parler de manière très intime de ce que signifie la dépression.

Quand la personne a qui tu tiens le plus est en lutte avec ces idées noires, tout ce que tu peux faire c’est de tout faire pour lui montrer les choses positives de la vie, lui montrer qu’il y a toujours un peu d’espoir. La dépression n’est pas quelque chose que l’on peut éviter, ou quelque chose de facile à aborder. Je pense qu’avoir en tête ce besoin de positivité revient à la même chose que l’honnêteté. Il faut être sincère et montrer aux personnes que tu aimes la manière dont tu vois le monde. Et éventuellement, ils l’entendront.

Un morceau fort de sens qui, par ailleurs, met en avant les arrangements orchestraux réalisés par le légendaire Paul Frith, avec qui le groupe a réalisé son impressionnant Fragments. Kev nous explique alors que leur collaboration avec le compositeur à indubitablement changé leur manière de composer leur musique. Des arrangements venus apporter une émotivité et de nouvelles perspectives à ces dix nouvelles productions.

Alors qu’il ne nous reste que trois morceaux à découvrir, le goût de trop peu se fait déjà ressentir. Entre le plus électronique Selective Memories, la déclaration d’amour qu’est On Your Side, et l’ineffable All The Wrong Places, on peut dire que le groupe sait comment clôturer un album. En guise de conclusion cette fois-ci, All The Wrong Places nous donne une dernière montée d’émotions en tous genres, sur fond de percussions aériennes. Un dernier morceau se faisant le porte-étendard de toute cette sincérité dont l’album fait l’objet, qui vient ainsi fermer la porte de cet endroit autant magique que complexe.

La dernière chanson de l’album représente pour nous cette chance qu’on a d’expliquer la signification de l’album justement, d’expliquer ce que tu as tenté de faire pendant les 45 minutes qui ont précédé. C’est potentiellement le moment le plus intime de chaque album. On veut que ces dernières minutes signifient quelque chose, racontent la fin de l’aventure que l’on vient de proposer. On y dépose nos derniers bouts de vulnérabilité.

Comme à son habitude, Bear’s Den maîtrise autant le fond que la forme, et n’hésite pas à bousculer nos émotions les plus profondes. « En songwriting, notre but est de raconter des histoires. Et la manière dont ces histoires vont toucher les personnes qui les écoutent dépendra du point de vue avec lequel on va les raconter, et les vivre », nous raconte Davie, alors que notre interview touche à sa fin.

En fin de compte, Blue Hours nous rassemble autant qu’il nous ressemble. Il est authentique, ose dire les choses, et surtout, ose aborder certains concepts de nos vies que les générations passées et présentes ont tendance à enfouir depuis bien trop longtemps. Toutefois, n’oubliez jamais que quoiqu’il arrive, vous ne serez jamais réellement seul·e à l’hôtel Blue Hours.

Place your hands upon the wheel and drive
Forget about the armies that have tried to conquer your mind
Don’t let them pull you over
Don’t look back over your shoulder

 


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