Benjamin Clementine – At Least For Now
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Auteur·ice : Corentin Souquet-Besson
22/01/2015

Benjamin Clementine – At Least For Now

C’est tout chaud ou tout frais, comme tu préfères, mais « At Least For Now », premier long effort de l’esthète Benjamin Clementine, est sorti ce lundi 12 janvier. « Nemesis », dernier titre dévoilé, avait  d’ailleurs fait l’objet d’un article ici.

En quelques mots Benjamin Clementine c’est : piano, voix grave (monsieur est ténor), émotions, élégance et authenticité. Et en quelques titres qu’est-ce que ça donne ?

« Winston Churchill’s Boy » ouvre l’album et permet à l’auditeur d’entrer dans la sphère Clementinesque : ce piano, cette voix particulière, cet accent tout aussi singulier et cette ambiance tranquillisante emplie de sensations. Le violon vient s’incruster dans le cadre solennel. Un titre comme pour faire connaissance. L’artiste nous souhaite la bienvenue, à sa façon.

« Then I Heard A Bachelor’s Cry », le ton continue à être grave. Le violon se mêle toujours à la danse mélancolique se déroulant sous nos oreilles. Un crescendo pour mieux nous transporter (comme s’il y en avait besoin!). Au fil des minutes le morceau prend une tournure de comédie musicale. La pensée se tourne vers « Bohemian Rapsody » mais l’aspect délirant de l’instant prend fin sur une salve d’aigus majestueusement bienvenue. Clementine fait l’oiseau, on l’imagine essayant d’éviter les branches. En montant d’abord, puis en descendant ensuite pour peut-être remonter ou redescendre, peu importe. Chose sûre, l’espèce d’oiseau à laquelle appartient l’individu n’est pas encore déterminée … ou alors trop peu commune …

« London » et le tempo s’accélère. Ici c’est la boîte à rythme qui donne le ton. L’artiste montre un côté plus lumineux, comme si après avoir dépeins une partie de son mal intérieur il souhaitait présenter l’espoir. Rien n’est perdu, Londres appelle. Ici c’est bien évidemment aux Clash que l’on pense ! La rythmique est plus dynamique et entraînante sans pour autant perdre l’intensité profonde de l’intonation. Notamment au niveau du refrain où certaines de ses notes sont sur la corde, mais une corde nous montrant le côté faillible et humain de l’interprète.

S’en suit « Adios », deuxième titre des quatre déjà présents sur l’un de ses deux premiers EP. Ici, le chanteur s’affirme. La voix est plus tonique, beaucoup plus affirmée et affirmative. « The decision is mine, cause the vision is mine ! » proclame-t-il, et comment dire … On n’a pas trop envie de contester en fait. Clementine dit au revoir au petit garçon encore en lui. Pour montrer la situation, le titre se compose en deux parties. La deuxième exhibe un homme moins affirmatif. L’oiseau remonte, les aigus presque religieux repointent le bout de leur nez. Pas pour longtemps ! On comprend vite que le garçon vindicatif des premières minutes est de retour et se réaffirme, se revendique. On a l’impression d’assister à un combat entre deux entités composant le même être. L’un prenant le dessus sur l’autre.

« St-Clementine-Tea-And-Croissants » ou le morceau le plus étrange de l’album. Déjà au niveau du titre, St-Clementine pour l’artiste ? St-Clementine pour son vrai prénom ou pour l’aspect religieux ? Tea en référence aux racines Anglaise de l’artiste ? Croissants pour son escale française ? Beaucoup de questions pour un titre tout aussi interrogatif. Un titre acappella porté par des percussions corporelles. Où un dialogue entre une voix grave, religieuse et le chanteur prend place. Une petite minute et puis s’en va. Une transition ?

La suite avec « Nemesis » mais là t’es censé déjà être au courant du morceau ou, si tu ne l’es pas, je t’invite à checker l’article consacré au titre. Le nouveau (au sens “qui n’est pas présent sur les EP”) titre le plus apprécié pour ma part.

« The People And I ». Sur celle-ci, je mettrai l’accent sur les fins de mots particulièrement singulières, émouvantes et habitées de l’homme. Il y en a une certaine quantité dans l’album mais surtout sur ce morceau. Un espèce de vibrato fait résonner l’antre de Clementine et l’on découvre alors la pureté du cristal. Je vous invite à faire attention à ce petit détail qui,  pour moi, est un acteur important dans plusieurs de ses titres. Il est l’expression de l’histoire du bonhomme, on sent alors qu’il y a bien des choses derrière.

S’enchaîne « Condolence », LE titre s’il fallait n’en retenir qu’un. Présent sur le deuxième EP, rien n’est changé. On aurait préféré le découvrir de nouveau ou plutôt ne jamais l’avoir connu avant. Toujours est-il que, si un jour tu entres dans une léthargie maniaco-dépresso-suicidaire, n’écoute pas ce titre, oh non. Ou alors tu peux tenter le coup, mais je t’aurai prévenu ! Un titre en 3D, il te prend et t’emmène presque où tu le souhaites (enfin faut pas demander Ibiza non plus).  L’oiseau ici joue avec les éléments. Une bataille acharnée qui nous entraîne dans un tourbillon sensasio-beaucoup-trop-émotionnel. T’as compris ? Maintenant t’es au courant.

Vient le quatrième titre made-in EP « Cornerstone », ici Clementine pousse un peu plus sur sa voix. Elle se fait sentir plus tirée, plus forcée. Le cristal dévoile une nouvelle facette. Un duo piano-voix accentué de touches de violons pour une chanson presque joyeuse. « Cornerstone » est peut-être, avec « Then I Heard A Bachelor’s Cry », un des titres les plus enjoué du disque. Ici on parle d’espoir, la musique éclairante et lumineuse du début d’album refait un peu son apparition. Comme si le chemin parcouru depuis les premiers titres étaient cathartiques et laissaient entrevoir quelque chose tout au bout. Un des morceaux à écouter, à coup sûr, s’il n’en fallait que quelques-uns.

« Quiver A Little » ou comment le terme religieux associé à Benjamin Clementine prend ici tout son sens. Pas de violons, une voix qui résonne comme s’il se trouvait dans une église et pour accompagner le tout, des sons de cloches. On se plait à imaginer l’artiste en orateur religieux des temps modernes. L’orgue en serait remplacé par le piano et la messe aura certainement une tournure alors moins commune.

Onzième et dernier titre « Gone » qu’on pourrait traduire par parti. Simple coïncidence ou véritable volonté de l’artiste ? A vous de juger. L’opus se termine sur une dernière danse piano-voix. L’oiseau finit son vol, il vise où atterrir et … (suspens) réussit ! Mêlant parties acappella et accompagnées, l’interprète montre encore une fois la complétude de sa personne. On s’attardera sur la dernière phrase chantée, on le sent comme épuisé. Comme si l’effort fournit pour cet opus l’avait éreinté.

En quelques phrases, « At Least For Now » de Benjamin Clementine est un premier album très complet où l’artiste montre ce qu’il sait faire d’une belle manière. L’auteur, compositeur et interprète présente un disque alliant envolées lyriques, instrumentales et puissance vocale. Sans oublier, l’intensité de l’interprétation. Les émotions passent sans filtre, elles nous transpercent de part en part. Certains diraient qu’il faut être maso pour en redemander … dans ce cas, considérez moi comme maso. Un LP qui s’écoute donc en intégralité pour pouvoir en tirer le maximum. « At Least For Now » est sans aucun doute, l’un des premiers albums forts du début d’année.

Avant de partir, voici ci-dessous une performance live signée Benjamin Clementine pour la blogothèque. Il présente « Condoleance » et « St-Clementine-Tea-And-Croissants ».

« At Least For Now » – Benjamin Clementine – 12.01.15

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