MANDARINE, c’est un quatuor toulousain de musiciens aguerris qui n’en sont pas à leur premier coup d’essai. Après un premier album éponyme en 2020 et un EP, COUP DE CHAUD, deux ans plus tard, Martin aka Martin Prince, Julien aka Docteur Chill ou Victor Janvier, Simon aka Ximun et Arnaud nous ont offert un véritable trésor cette année. Un album de sept titres tous plus beaux les uns que les autres, dans lesquels on se fond comme dans une journée à écouter la pluie tomber sur la fenêtre, et qui porte dans son nom toute l’humilité et la douceur du projet : tranquille, calme. Ici, la poésie s’entremêle aux cuivres, dans un rap planant et des prods minutieuses, le tout enveloppé d’une aura bleu profond délicate. Il n’en fallait pas plus pour que l’on se presse de filer les voir au Weekend des Curiosités en juin dernier. On en a profité pour les rencontrer juste quelques heures avant de s’oublier dans les lumières bleutées de leur set, encore imprimées sur nos rétines quelques mois après.
La Vague Parallèle : Salut, on se retrouve juste avant votre concert au Weekend des Curiosités. Comment vous vous sentez ?
Julien : On se sent très bien au Bikini, on a été super bien accueillis. On a fait plusieurs interviews, c’est la première fois qu’on fait ça et pour l’instant ça se passe bien. On est très contents.
LVP : Vous avez créé le projet ici, à Toulouse. Ça représente quoi pour vous de jouer cette année au Weekend des Curiosités ?
Arnaud : C’est super cool, car c’est un festival qui nous inspire depuis longtemps. On voit de super talents émergents qui jouent ici, donc ça fait plaisir de voir que les gens nous considèrent comme “talents émergents”. On est trop contents de partager la scène avec des gens talentueux comme ça.
LVP : Vous faites de la musique ensemble depuis quand ?
Martin : On fait de la musique ensemble depuis 2018, on a sorti notre premier morceau en juin 2018 et pour notre premier concert en septembre 2018 au Connexion, on était encore en formation à trois avec Arnaud et Julien. Et Simon nous a rejoints quelques concerts plus tard.
Arnaud : Il nous manquait le X factor ! (rires)
LVP : Vous avez une formation plutôt atypique en tant que groupe : vous vous présentez à quatre sur scène avec des voix, des prods, du clavier, de la guitare et de la basse, ainsi que du sax et de la trompette. Ça donne le sentiment, quand bien même votre musique sonne très actuelle à l’ère du numérique, que l’analogique et les instruments gardent une place de choix pour vous.
Simon : C’est vrai qu’on a un rapport avec la musique organique qui est très présent et qu’on veut vraiment développer, même si on essaie de mettre du digital derrière. Julien et moi, on a une formation de musicologie jazz. On a un parcours plus classique, dans des établissements comme des conservatoires et des écoles de musique. C’est pour ça qu’on retrouve cet aspect de la musique organique chez nous.
LVP : Donc vous deux vous amenez tout ce qui est un peu plus jazz, mais on sent aussi des influences rap à côté et même quelque chose de l’ordre de la poésie. Qui apporte quoi au projet en termes d’influences musicales ?
Martin : On est tous bercés par des influences similaires. Par exemple Julien, aka Docteur Chill, qui est le directeur artistique du groupe, a des influences très diverses et variées qui vont du rap vers le rock, le jazz, des choses plus modernes, ou même du classique. Lui, qui est le ciment du projet, il a déjà une base très large et éclectique. Moi, j’ai aussi un intérêt pour la musique assez large, j’aime ça. Arnaud, il a un passé de bluesman, de rockeur et de funk. Même plutôt un présent ! (rires) Simon est un gros fan de rap et de jazz. On a finalement tous un intérêt très élargi, et c’est sur ça qu’on se rejoint dans le projet.
Arnaud : On essaie tous d’amener notre petite patte à ce projet qui est plus global, d’amener notre sensibilité qui est parfois dictée par ce qu’on a pu faire avant et les styles musicaux qui nous ont bercés. Tout ça pour servir un projet commun qui n’a pas forcément de style à part entière, mais qui regroupe un peu toutes ces influences pour essayer d’en faire quelque chose à nous.
LVP : Votre album tranquille, calme a maintenant quelques semaines. Comment s’est passée la sortie pour vous ?
Julien : Ça ne s’est jamais aussi bien passé. On a eu plus de retours et de streams que jamais dans les premières semaines. C’est aussi la première fois qu’on fait une campagne médias et ça marche. Enfin ça ne pouvait que marcher vu qu’on partait quasiment de zéro ! (rires)
LVP : Vos textes alternent entre douceur et tranchant. Je pense au texte d’interlude avant l’averse qui met en parallèle la pluie et la foudre qui font respectivement pousser et brûler les fleurs. Il y a une volonté de votre part de garder un équilibre et ne jamais tomber trop dans l’un ou l’autre des contraires ?
Julien : C’est ça ! On essaie de trouver des équilibres entre plein de choses, c’est quelque chose qui revient énormément dans le projet, vu qu’on est dans cette démarche de connecter des choses ensemble. Ça se fait toujours dans une sorte d’équilibre. Dans l’artistique, j’aime bien la notion d’équilibre dans l’extrême. D’avoir quelque chose qui va être extrêmement rap, combiné avec quelque chose d’extrêmement jazz, et le fait que les deux soient extrêmes va créer quelque chose d’équilibré. Là où un truc très rap et juste un peu jazz nous intéresse moins. Ça fait plaisir de relever ces paroles, parce qu’elles symbolisent exactement ça.
Martin : En tant que rappeur du projet, je pense aussi à la culture rap aujourd’hui, et tout ce qu’elle implique : parfois des textes très hardcore, très crus, vont désormais vers des choses plus personnelles et sensibles. Il y a moins d’exigence qu’il pouvait y en avoir avant. Ça permet de garder cette culture rap qui est ce qu’elle est, avec un point de vue plus actuel de celui de gens plus tranquilles, avec un regard plus posé. C’est plus une question de regard sur les choses.
LVP : Musicalement, tranquille, calme porte bien son nom et présente des épisodes très planants posés par la trompette et le sax, tout autant que par la précision des prods et arrangements. Vos deux premiers disques MANDARINE (2020) et COUP DE CHAUD (2022) prenaient une direction musicale beaucoup plus jazz et funky. Est-ce que vous avancez projet par projet aux couleurs différentes, ou bien MANDARINE a changé de cap avec ce nouveau disque ?
Julien : C’est un peu des deux. Sur le premier EP, on a essayé de présenter une palette de tout ce que pouvait être MANDARINE. Ce qui fait que ce projet est un peu chargé, maladroit, disparate. Il est un peu plus difficile à écouter, moins abouti. Le deuxième, COUP DE CHAUD, c’est la première fois où on a décidé de prendre un style, de se canaliser et d’aller au bout. On a fait quatre morceaux qui tournaient autour des mêmes influences. Mais du coup on s’est aussi privés d’autres choses. tranquille, calme, c’était aussi la même démarche. Dès le début, quand on y a réfléchi, on a su que les morceaux allaient être dans une esthétique très homogène. Mais je pense que c’est plus abouti que COUP DE CHAUD parce qu’on a réussi à y mettre plus de choses. C’est beaucoup plus varié. Mais ça ne veut pas dire que le style de MANDARINE sera toujours ça à partir de maintenant. Il y aura d’autres choses.
Arnaud : J’ai aussi l’impression qu’il y a eu ce moment, après le premier EP, où l’on avait plein de prods pas terminées. On avait beaucoup de débuts sans fins, on voyait plein de directions dans ces morceaux en cours de création. Même avant COUP DE CHAUD, on avait déjà décidé de sortir plusieurs EP pour un peu plus canaliser un style sans reproduire les mêmes erreurs qu’avec le premier, à faire de tout dans tous les sens.
LVP : D’ailleurs, le virage se voit aussi par la bascule de vos titres auparavant en majuscules à de la minuscule seulement ici. L’intensité est réfléchie jusque dans la typo ?
Martin : Bien vu, c’est totalement volontaire ! Les titres en majuscules, ça décrivait quelque chose de plus exalté, de plus “coup de chaud ? PAF !”. C’était plus prenant, plus tape-à-l’œil. Là pour tranquille, calme, ça n’aurait pas été cohérent de reproduire ça.
Julien : Même, au contraire, c’était intéressant de choisir la minuscule pour tout dans celui-là, parce que justement, c’est un EP humble. On n’était pas dans le tape-à-l’œil, pas dans “regardez ce qu’on fait, on est trop forts !”. Non, c’est un EP philosophique, il est très humble.
LVP : Même dans le titre toutirabien, qui est écrit sans espaces, il y a un côté un peu smooth de se dire que tout va glisser vers du mieux.
Julien : Oui, on a su assez vite que celui-ci allait être le dernier morceau d’ailleurs, quand on a eu cette idée de longue partie instrumentale à la fin, et quand la thématique du texte a émergé.
Arnaud : On savait qu’on voulait une fin un peu épique, mais apaisante en même temps, avec des chœurs de partout.
LVP : Au-delà d’un groupe, vous vous présentez comme une équipe avec votre manageur, Zacharie, votre graphiste-illustratrice au pseudonyme de Doucekawa, ainsi qu’Hugo, qui est scénographe, photographe et tour manager pour vous. C’est important pour vous de mettre en lumière ces personnes qui font partie du projet tout en restant derrière le rideau ?
Julien : C’est hyper important pour nous, oui. Une des grosses forces de notre projet, c’est qu’on est autonomes déjà dans la production, mais aussi dans les manières de la promouvoir, ou de l’illustrer. Donc on se vit comme une équipe, plus que comme un groupe de quatre. Ce que peuvent apporter les visuels dans le projet par exemple, ça nous paraît aussi important que la musique. Et le job de Zacharie, qui gère tout ce qui tourne autour de la production, est largement aussi important que le nôtre. En plus, on reste une équipe de potes. C’est important pour nous d’être entre potes et en autonomie. Énorme big up à Kawa et Zach !
LVP : Justement, les visuels de vos pochettes et de vos clips sont réalisés par Doucekawa. Ça compte pour vous d’avoir une identité visuelle singulière et cohérente ?
Martin : De ouf ! Dès le début, quand on a créé le projet avec Julien, on savait qu’on voulait faire du son, mais on savait aussi qu’on voulait y apporter cette dimension esthétique et visuelle impactante. On avait déjà des délires ensemble dessus, on voulait innover dans ça autant que dans la musique. Aujourd’hui l’image est très importante pour les projets musicaux. On a commencé par des visuels et des clips faits maison, puis Kawa a rejoint l’équipe et nous a fait des pochettes du feu de dieu ! Elle a su cerner l’esthétique qu’on voulait insuffler dans le projet. Elle fait ça trop bien, c’est juste super logique qu’elle rejoigne la team.
LVP : Pour finir, quel est votre coup de cœur dans la programmation du festival ?
Julien : Je parle surtout pour moi, mais peut-être aussi pour Martin et Simon, on adore H JeuneCrack ! Il est d’Albi. Il m’inspire beaucoup.
Arnaud : Je kiffe bien Prattseul ! Et big up à Baccus Social Club dont j’aime beaucoup le projet et l’initiative.
Simon : On a cité H JeuneCrack, mais il y a aussi winterzukko. J’ai hâte de voir comment ça va être sur scène. C’est un peu toute la nouvelle génération qui sort. Et Train Fantôme aussi, j’ai hâte de voir ! Du “rap-punk”, je n’en ai jamais vu, ça m’intrigue.
En perpétuelle recherche d’épaules solides sur lesquelles me hisser pour apercevoir la scène, je passe mes concerts à faire les chœurs depuis la foule.