Dans une société où l’apparence est au centre de l’attention, des âmes s’engagent et militent pour l’acceptation de la beauté de chaque corps. Une en particulier, Billie Eilish, a sorti un court-métrage sous le signe de la bienveillance, mais aussi de la souffrance. Une souffrance qui touche beaucoup d’êtres humains d’abord, dans un contexte où la critique n’a jamais été aussi facile, et plus particulièrement les femmes. Billie s’exprime sur le constant examen du monde sur nos corps, et en particulier sur le sien, qui est fort médiatisé depuis quelques temps déjà.
Si vous êtes une femme et que vous lisez ceci, vous savez. Vous savez ce que ça fait de vivre dans un corps et d’être consciente de chaque coin de chair, chaque imperfection. Vous savez le temps que ça prend sur votre vie de penser et repenser votre apparence, de ne pas toujours bien se sentir dans sa peau. Si vous êtes un homme et que vous lisez ceci, peut-être le réalisez-vous en partie, à cause des codes qui vous sont imposés par la société sur ce qu’est “un vrai homme”. Si vous avez décidé de ne pas vous réduire à une étiquette, vous savez aussi. Vous vivez aussi avec le regard des autres constamment, vous demandant de rentrer dans des mécanismes de vie qui ne vous correspondent pas. C’est pourquoi, tous et toutes, devraient être attentifs·ves au message de Billie Eilish dans le court-métrage qu’elle a publié en ce 27 mai 2020.
do you know me?
really know me?
you have opinions
about my opinion
about my music
about my clothes
about my body
some people hate what I wear
some people praise it
some people use it to shame others
some people use it to shame me
but I feel you watching
always
and nothing I do goes unseen
C’est lors de sa tournée que Billie montrait ces images d’elle se déshabillant dans une marée noire, un statement sur son corps qui est investigué à chaque apparition. L’artiste avait déjà expliqué dans plusieurs interviews que si elle s’habille avec des vêtements larges, c’est parce qu’elle ne veut pas donner l’opportunité d’avoir une opinion dessus ou de juger. Un sentiment que chaque femme connaît. Mettre des vêtements larges, c’est plus facile. Personne ne peut juger ce qu’il·elle ne voit pas. Parce que même si votre but n’est pas de juger, autant femme qu’homme, votre cerveau va scruter et se faire une opinion. Cela montre à quel point il est habitué à analyser ce qu’il voit, à croire connaître une personne avec, comme seul indice, son apparence. Faire des suppositions : “si elle montre sa peau, c’est qu’elle adore son corps”, “si elle met des vêtements oversized, c’est qu’elle est complexée”. Au-delà de l’apparence de Billie Eilish, c’est tout son être et ce qu’il produit qui est jugé, au vu de son statut très médiatisé.
so while I feel your stares
your disapproval
or your sigh of relief
if I lived by them
I’d never be able to move
would you like me to be smaller?
weaker?
softer?
taller?
would you like me to be quiet?
do my shoulders provoke you?
does my chest?
am I my stomach?
my hips?
the body I was born with
is it not what you wanted?
if I wear what is comfortable
I am not a woman
if I shed the layers
I’m a slut
C’est ce qu’elle explique ici : rien n’est jamais assez conforme. Tout en se déshabillant, en montrant pour la première fois son corps, elle fait un rappel sur l’absurdité de ces codes. Doit-on (elle) être plus petite, plus faible, plus douce, plus grande ? Plus masculine, plus féminine ? “Le corps avec lequel je suis née, ce n’est pas ce que vous vouliez ?” – peut-être une des phrases les plus marquantes de ce texte. C’est ce corps dans lequel nous habitons tous les jours, ce corps que nous n’avons pas choisi, qui est défini comme incorrect, comme non-accepté par autrui, qui ne passe pas la grille de validation façonnée par des humains qui ne sont plus de ce monde et rendue, par extension, complètement obsolète.
though you’ve never seen my body
you still judge it
and judge me for it
why?
we make assumptions about people
based on their size
we decide who they are
we decide what they’re worth
if I wear more
if I wear less
who decides what that makes me?
what that means?
Même si peu de gens voient vraiment notre corps, il va être jugé, et ensuite notre personne. En lisant ceci, il est presque absurde de penser qu’il soit possible de juger de la valeur d’une personne uniquement en fonction de son apparence. La norme du bien proportionné, la suprématie de ce qui a été moulé par la société, et le rejet du reste. La valeur des êtres humains se retrouve trop souvent dans les yeux de celui ou celle qui regarde. Qui décide de ce que ça fait de nous ? Si tout le monde a sa propre opinion, il est donc impossible de satisfaire chacune d’entre elles. Mais si on arrêtait d’essayer ?
is my value based only on your perception?
or is your opinion of me
not my responsibility
C’est avec ces trois dernières phrases que la vidéo se termine. Alors, ma valeur est-elle vraiment définie par ton opinion ? Toi qui me vois passer devant tes yeux ? Ou n’est-ce simplement pas ma responsabilité de vivre avec et en fonction de ta perception de moi ?
Mes articles sont plus longs qu’un solo de jazz.