Birthday Saison : en Do mineur, zonmai est Majeure
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Auteur·ice : Charly Galbin
08/07/2024

Birthday Saison : en Do mineur, zonmai est Majeure

| Photos : _corpo & Antoine Quittet

Quelques semaines avant son premier Dour Festival, zonmai vient enrichir sa discographie de Birthday Saison. Un nouvel EP à l’image sucrée de cake et à la musique salée de larmes, qui précise encore un peu mieux la singularité d’une artiste qu’on se plait à voir grandir.

« Na na na na na naaa na na na na na naaa ». Vous l’avez bien sûr reconnu, l’atroce mélodie de « joyeux anniversaire », celle qui coûtent des regards paniqués dans l’assemblée quand on apporte le gâteau : « on va quand même pas chanter ça ? » Si, si. Deux écoles. On la chante à demi-mots, gêné·e pour des raisons évidentes. Ou on se la fait entièrement sienne pour faire plaisir (du moins on le croit) à la personne fêtée, moyennant une interprétation définitivement trop enthousiaste. Notre ère a créé l’avion, le vaccin et l’infinite scroll et la seule alternative qu’on a trouvé à cette mélodie de l’enfer, c’est Patrick Sébastien ?

Bref, Birthday Saison, le quatrième projet de zonmai, s’ouvre avec cet air, option aiguë et encore plus insupportable car chanté par une de ces bougies étincelles. Celles-ci crépitent, c’est l’Intro, et autour du gâteau, les mots fusent et entrent en concurrence avec les rires convenus pour faire grimper le cringeomètre : « faut que tu fasses un vœu ». Celui de zonmai semble être de ne plus jamais fêter son anniversaire. Quant à nous, on s’autorise de célébrer l’année qui nous sépare de la première fois qu’on a rencontré zonmai à LVP.

Depuis : , , ici aussi. C’est, en un an, toutes les fois qu’on a parlé de l’artiste bruxelloise née dans le sud-ouest du voisin hexagonal. Car depuis son arrivée dans la Big City, c’est la panique sur les boulevards et dans les fosses, surtout – préparez-vous pour la bagarre. On soulignait déjà dans notre interview l’omniprésence de zonmai sur les scènes bruxelloises. Depuis, les scènes se sont agrandies, les pogos qu’elle lance frénétiquement aussi. Les Ardentes, la BXL GRÜNT PARTY, le Core Festival, Les iNOUïS du Printemps de Bourges. Autant de public renversé par ses flows singuliers, ses beats anarchiques et son énergie punk authentique. « Et Dour ? » demandent les sceptiques. Vendredi 19 juillet, celui qui vient, oui oui ! On y prédit même un public ravi de danser sur une setlist habile et débordante de tubes, piochant autant dans les deux sucreries que sont Oula et Cool Kiss, que dans ces deux derniers projets à la direction artistique joliment travaillée, SunCash feelings et Birthday Saison, donc.

Les bougies d’anniversaires gisent désormais sur la table basse, avec les canettes de Jupiler vides transformées en cendrier. C’est le matin. Les longues nappes vocales d’Everyday font l’effet d’être en dehors de son corps, au-dessus de lui, une mort douce qui verrait doucement notre âme prendre de la hauteur, un vide abyssal, celui d’après la fête. La voix de zonmai semble légère comme un nuage, s’étalant sur la dernière syllabe de chaque mot comme si elle était fatiguée. Des feuilles volent, celles de son journal intime strassé. On y distingue des lignes, des sentiments contradictoires, une poésie qui dessine un rapport complexe aux autres. En « true romantic girl », zonmai s’offrirait entièrement aux sentimentalités si elle n’était pas dans ce jeu musical où il faut empiler la maille jusqu’à la nausée. Les batteries n’arrivent jamais sur ce morceau planant tout sauf léger, lourd comme une boule au ventre. Un moment de lévitation rapidement alourdie par une mélancolie pesante.

« Pourquoi j’suis triste alors que tout avance ? » se demande zonmai sur le versatile Trash out. Véritable drame, ce morceau à la prod qui coule comme une larme fait des montagnes russes comme ses sentiments vis-à-vis de ses rêves. Tout en bas, zonmai attend impatiemment, comme Jul, que « ça pète ». Le beat techno bat discrètement comme un cœur avant que la voix de l’artiste ne monte tout en haut, dévoilant une fragilité désœuvrante et sublimée par l’auto-tune : « il connait pas le quart de moi. J’ai passé 20 ans à vivre hors de moi ». À l’instar de son adoré rappeur marseillais sur J’attends, la voix de zonmai est à fleur de peau, semble être à deux doigts de craquer, comme bancale. L’été est lourd chez zonmai, seule au monde, là encore comme le J, elle rêve de disque d’or, là comme Sexion d’Assaut, mais doute : « si je prie assez fort » se répète-t-elle sur cette basse aussi pesante que rédemptrice. La pluie de basses finales est suffocante, point final d’un morceau intense, comme un cri nécessaire qui fait comme l’effet de la fin et du début de quelque chose. Illusions perdues, la vie retrouvée ?

« BTZ BXL BYN »

La prod que JCM a concocté pour MBK nous veut du bien – légère, aérienne, douce – on respire. zonmai y chante un refrain addictif comme une dose de sucre. L’artiste basque nous emmène en balade sur son scooter, de nuit sous la pluie. Une image qui ne saurait mieux toucher à la mélancolie d’été, cette saison aux attentes si élevées qu’elle vient forcément avec son lot de regrets et de désirs insatisfaits. Un morceau à écouter après un shift de plonge à Biarritz, pendant le retour d’une soirée dans un parc bruxellois ou en septembre, dans sa chambre, se remémorant son amour d’été. Des basses graveleuses, comme des coups de casque, finissent le morceau dans un contraste entre brutalité et naïveté avec lequel zonmai adore par-dessus tout jouer. Un cantique magnifiant cette génération toujours avide et nostalgique, une chanson typique du style zonmai, entre chanson française, rap et nouvelle pop.

Le synthé de Sutus semble dérailler, son beat prend ses jambes à son cou. Entre les deux, une zonmai sanguine débite des émotions contradictoires. Une intensité, puis un relâchement délivrant sur le refrain, sincère : « est-ce que tu veux plus de moi ou non ? » Birthday Zouh raconte une fuite. Alors que ses amis sont réuni·es pour la fêter dans un excès écœurant de couleurs, de sucres et de rires, zonmai aimerait s’échapper d’elle-même, semblant aspirée par ce cafard latent propre aux anniversaires. C’est ce que nous montre le délicieux clip réalisé par Sssuperstar, dont on vous parlait ici. Clip qui d’ailleurs se décline en visualizer (pour ne pas dire clip vu le travail réalisé) pour les trois morceaux précédents, symboles d’une attention portée à l’image sur ce projet, toute faite d’accessoires colorés, de fringues uniques, de mouvement ralentis et d’effets en post-prod qui brouillent les sens.

Dans Birthday Zouh, zonmai prend la clef des champs, bien accompagnée par la batterie saillante et bordélique de Sutus, dont il faut saluer la qualité de cette prod complexe aux sonorités inhabituelles. C’est d’ailleurs seul·e avec cette prod que la fugitive zonmai nous laisse sur la fin de ce morceau, pour une résolution finale pleine de questions. À la fin du clip, on la retrouve à l’abri des bougies et cotillons, au côté de ses parents souriants sans qu’on distingue sur le visage de l’artiste un quelconque soulagement. Comme si elle ne pouvait échapper au poids de sa vie.

« Toujours en C# mineur », zonmai n’a jamais paru si encline à dévoiler ses fractures internes, plus mélancolique que jamais, le cœur au bord des lèvres. Souvent, ses confessions ne forment qu’un mot ou une phrase, évocations sommaires qui dessinent une poésie universelle dans un emballage musical et visuel hybride et moderne. C’est encore le cas sur Show me, le dernier titre de Birthday Saison, un piano triste/voix texturée qui semble pleuvoir sur la fenêtre, finalement un raz-de-marée androïde ravageur : « Mais là, j’crois que j’tombe pour de bon, pour de bon. J’ai essayé de t’en parler bébé. Mais tu ne m’entends pas ». S.O.S d’un·e terrien·ne en détresse ? En faisant du doux dans des flacons bruts et inversement, la jeune chanteuse ringardiserait presque Balavoine, Gall et Dufresne qu’on aurait adoré entendre sous auto-tune entre Jul et zonmai pour ce qui aurait été un Starmania 2.0 rêvé.

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