Il y a des albums qui nous tombent dessus sans qu’on comprenne vraiment pourquoi. Parfois ils ne correspondent en rien à ce qu’on aime, écoute ou supporte. Parfois même, si on les avait écoutés six mois auparavant, on est quasiment sûr qu’on les aurait rejetés avec une violence et une véhémence qu’on ne connait que rarement. Mais pourtant, il y a des moments où les planètes s’alignent, où les astres brillent dans la nuit et nous offrent la chance de découvrir un album qu’on aurait regardé de loin, comme un chien qui en renifle un autre avant de se barrer.
Cet instant unique, on l’a vécu. Et heureusement, en fait. Il faut dire que récemment, on était un peu usé, le cœur un peu cabossé, on avait même songé à arrêter d’écrire c’est pour dire. Au final, on avait besoin de réconfort et de tendresse et on trouvé tout ça dans Bisous, le premier album du producteur Myth Syzer.
On le sait, dans l’imaginaire populaire, le rap français se résume à un concours de bites permanent : grosse caisse, grosse chaine et gros cul. Les stéréotypes rendent malheureusement la vie dure et si l’égotrip fait forcément partie de la panoplie de tout bon rappeur, le style musical, devenu en terme de popularité la pop du XXIème siècle, est bien plus subtil et varié que ce qu’on voudrait lui faire dire. A ce titre, Bisous de Myth Syzer fera sans doute office de mètre étalon dans les années à venir.
Ceux qui connaissaient le bonhomme à travers ses productions pour Damso ou Jok’air en auront pour leur compte en terme de surprises. Le producteur français a décidé de se mettre en danger, de se mettre à nu et d’offrir un album iconoclaste, inclassable, utilisant aussi bien la crudité du rap que des nappes électroniques et des vibes R&B.
Le mélange peut sembler explosif, il est pourtant parfaitement dosé et offre une réussite parfaite. Dès Coeur Brisé, la messe est dite. On se retrouve piégé de notre plein gré dans un monde si mielleux et sucré qu’il pourrait tuer un diabétique en plein vol. Et pourtant, on s’y enfonce encore et encore, car l’album respire autant le talent que la sincérité, jamais la facilité. Car ce que vise Myth Syzer, c’est l’universalité. Faire un album sur son époque, sur les gens qui l’entourent, sur sa vie tout simplement. Un album où chaque personne de sa génération se retrouvera. Un album qui relie les gens, peu importe leurs goûts, leurs influences ou leur quotidien.
Dans cette entreprise romanesque, l’un des grands talents qui nous frappe, c’est que malgré sa liste de featurings assez pléthorique et impressionnante, l’album reste cohérent, les artistes s’étant adaptés au producteur et non pas l’inverse, comme c’est parfois le cas.
Comment alors ne pas tomber sous le charme de cette collection de chansons jamais monocordes et toutes fascinantes d’une manière ou d’une autre. Bien sûr, on a nos préférées. Il y a l’exceptionnelle Le Code, et par extension, toutes les chansons qu’il partage avec ses potes du collectif Bon Gamin, qui est à la base du changement de style de Myth Syzer (le succès de la chanson l’ayant conforté dans l’idée que les gens attendaient ce genre de son). Il y a aussi Sans Toi avec Hamza, qui nous fait danser avec une facilité assez déconcertante, la très chill Météo avec Oklou, La Piscine avec Doc Gyneco qui agit comme un passage de relai symbolique et bien sûr, Tocard avec l’inévitable Roméo Elvis.
Véritable bonbon musical, Bisous de Myth Syzer est un album cohérent et varié, cru et tendre, drôle et réel. Un album générationnel et unique qui sera à coup sûr très copié mais probablement jamais égalé. C’est au final un album qui fait du bien, et c’est déjà beaucoup.
Photo : Alice Moitié
Futur maître du monde en formation.
En attendant, chevalier servant de la pop francophone.
