Blue Gene : la country comme acte de résistance (et d’allégresse)
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Auteur·ice : Hugo Payen
03/03/2025

Blue Gene : la country comme acte de résistance (et d’allégresse)

| Photos : Hugo Payen

À l’heure où l’angoisse d’un avenir toujours plus sombre et isolationniste prend le dessus sur certaines de nos valeurs que nous pensions inébranlables, on en oublierait presque l’essentiel : profiter des personnes qui nous entourent, chanter à tue-tête ou encore danser un Two-step effréné, s’entre-aider face à l’adversité mais surtout… résister. Ça tombe bien, c’est ce dont on a longuement discuté avec Blue Gene, votre nouveau cowboy préféré, à l’occasion de la sortie de son premier album, Revival Of The West

Bruxelles, en plein mois de janvier. Loin des plaines arides d’un Ouest américain aussi asséché que désespéré, ici, le froid et la pluie sont de sorties. Pas de chance pour notre nouveau cowboy préféré, Blue Gene, avec qui nous avons rendez-vous au bar de ce bowling bruxellois. Des murs en bois dégoulinant d’histoires, un ensemble de quilles s’entrechoquant au bruit des verres et quelques vestiges d’une époque résolument moins préoccupée par l’état délabré d’un monde qui brûle : voilà qui résumerait presque ce premier album Revival Of The West, dont nous sommes venus parler avec son auteur aujourd’hui.

Un premier album country qui a tout d’un bon western spaghetti à la Sergio Leone : les santiags, les blues jeans, les éperons et les stentsons. Sauf que dans celui-ci, les vieilles histoires de braqueur·euses de banques et autres narrations bien clichées se sont transformées en véritable épopée actuelle. Comme nous finalement, Blue Gene en a marre des taxes, du consumérisme exacerbé et des algorithmes limitant nos moindres gestes mais surtout… surtout, du manque d’amour. Sous toutes ses formes.

Loin de cette figure imposante du cowboy ou de la cowgirl solitaire errant à la recherche de quiconque pourrait assouvir son appétence pour la violence dans ces plaines vastes où la terre et le ciel se mêlent à l’horizon, Blue Gene ne cherche que peu de chose : dans un premier temps, mettre le feu au théatre Minard pour sa release party tonitruante (voilà chose faite) mais avant-tout : faire entendre sa voix, ses revendications pacifiques et son besoin de solidarité. Rencontre.

LVP : À l’heure où l’on discute, ton premier album, Revival of The West vient de sortir. Comment ça va ? 

Blue Gene : Écoute, ça va super bien ! Et en même temps, c’est assez bizarre. Déjà parce que c’est un album de country. Je veux dire, je ne m’attendais pas à recevoir autant de retours après la sortie des premiers singles. Je ne pensais pas que la country avait une aussi grande ouverture ici (rires). Mais c’est une bonne nouvelle pour le genre finalement ! Ces derniers temps, en dehors de la culture country américaine, on constate que c’est un genre qui se ‘popifie’ énormément. Je trouve que l’essence même de la country manque un peu dans toutes ces nouvelles productions plus pop…Après ça veut pas dire pour autant que “faire de la country” signifie avoir Willie Nelson sur un album (rires). Mais je suis assez content de l’univers qu’on a réussi à créer et de toutes les choses qui en découlent aujourd’hui. J’espère pouvoir faire découvrir ce monde-là aussi à travers l’album, découvrir des artistes comme Townes Van Zandt, Johnny Cash, qui avaient des choses importantes à dire à l’époque. C’était du storytelling puissant qui racontait des choses puissantes. C’est la raison pour laquelle je suis tombé amoureux de ce genre.

LVP : Johnny Cash disait qu’il faisait de « la musique pour les pauvres et les laissé·es-pour-compte ». C’est aussi ça la country si je comprends bien ? L’idée d’un album country était évident pour toi dès le départ ? Il a commencé quand cet amour pour la country ? 

Blue Gene : Pas vraiment figure-toi. C’est un peu arrivé sans que je m’y attende. J’ai longtemps fait partie d’un groupe de noise, ce qui est complètement différent (rires). Je dirais que tout a pris forme il y a 3 ou 4 ans quand j’ai commencé à écrire mes propres morceaux. Le premier morceau à voir le jour était What’s Up (With This World) et aujourd’hui, regarde où il m’amène ! Ma première rencontre avec la country je pense que ça remonte à l’époque où je lisais les Lucky Luke. Quelques années plus tard, c’est l’album 12 Golden Country Greats (1996) du groupe Ween qui m’a fait rentrer dedans à 100%. Depuis ce moment-là, la country occupe cette grande place dans ma vie.

LVP : À l’heure où on parle, ton premier single sous Blue Gene souffle sa première bougie. Débarquer sur la scène belge avec un premier titre bien country, c’était une expérience stressante ?

Blue Gene : Je sais pas trop en réalité. J’écris d’abord pour moi, ce qui vient autour c’est du bonus ! Si ça passe en radio ou qu’on en parle dans la presse, c’est vraiment chouette mais j’en fais pas ma raison d’être. Ça sonne super cliché (rires) mais c’est vrai. Les concerts par contre, c’est autre chose. Je n’imaginais tellement pas jouer sur la scène du Minard ou du Wilde Westen à Courtrai aussi rapidement. C’était beaucoup plus important pour moi.

LVP : L’album commence avec ce morceau don’t on vient de parler… What’s Up (With This World) où tu écris : “What’s up with this world. People get angry all the time. Angry at each other as if they lost their mind… Why can’t we let this place we try to live in be a place where others fit in”. L’année vient à peine de commencer que ce morceau n’aurait pas pu mieux tomber. Ce morceau, il parle de la manière dont on gère toutes ces choses qui arrivent dans le monde quotidiennement et dépeint la manière dont fonctionne notre société. Est-ce qu’on peut dire que c’est de ça dont il question sur cet album ? Que ce morceau What’s Up (With This World) en est le cœur finalement ?

Blue Gene : Je pense oui. Cet album traite de beaucoup de choses. Il y a aussi des histoires d’amour ! Mais clairement, cet album parle de l’état de santé de notre société. C’est quelque chose que j’essaye de mettre constamment dans la musique que j’écris. C’est important de mettre des mots et de dire les choses qui ne vont pas. Les artistes ont toujours voulu faire passer des messages à travers la musique, mais je trouve qu’on écrit aussi de plus en plus sur des sujets plus « individuels ». Après, je suis persuadé que ce sont les réseaux sociaux, les smartphones, … etc. qui nous ont plongé dans une société plus individuelle. Avec l’arrivée de tous ces outils individuels, on observe la chute d’une solidarité qu’on avait beaucoup plus avant.

LVP : Tu imaginais que le monde ressemblerait à ce point-là à ce dont tu parles sur cet album au moment où tu l’as écrit ?

Blue Gene : Pour le coup, le timing est assez fou… Alors, je n’imaginais pas que les choses évoluent à ce point mais un peu quand même. L’impression que le monde se dirige vers une période des plus inconfortable n’est pas nouvelle. Et on est toustes d’accord pour le dire. Mais ça l’est d’autant plus aujourd’hui. Quand on voit ce que Donald Trump, ou toustes ces milliardaires, sont en train de faire… Tu comprends qu’ils ne ressentent rien envers les autres, envers les personnes qui ont plus de difficultés dans la vie. Et ce déclin de solidarité, c’est terrible. Mais je pense qu’iels continueront à s’enfoncer dans cette tendance vers l’individualisme parce qu’au plus les gens arrêtent de se soucier des autres, au plus iels ont le champ libre pour faire ce qu’iels veulent. On le voit bien au Proche-Orient, puis on commence à le voir partout. Et on continuera à le voir dans les prochaines années. On vit une période vraiment particulière. Je suis pas des plus optimistes sur la question mais j’essaye de toujours garder un peu d’espoir à transmettre à travers ma musique. Surtout parce que ça me manque en fait. Je trouve ça primordiale que certains messages d’espoir passent à travers la musique. Chomsky a écrit sur le sujet quelque chose que je trouve très fort… Il dit que si les gens partent du principe qu’il n’y a plus d’espoir, c’est qu’il n’y en aura jamais. Et ça m’a marqué. J’écris beaucoup de choses plus fun aussi (rires), mais c’est important pour moi de garder aussi cette petite lueur d’espoir.

LVP : Derrière ces quelques phrases plus humoristiques (ou cyniques) avec lesquelles tu dépeins cette société dont on vient de parler, tu la décris également comme le miroir de nos propres démons… Cette société qui nous apprendrait d’ailleurs à vivre avec et à les appréhender finalement. C’était important pour toi de mettre des mots sur ces démons ? On a l’impression qu’au plus on en parle, au plus on y prête de l’attention.

Blue Gene : Je dirais que le sujet derrière un morceau vient par après, je n’y réfléchis pas tellement quand j’écris. Souvent, ça commence par une phrase qui me vient naturellement. Puis le reste s’écrit dans la foulée. Pour What’s Up (With This World) par exemple, ça a été le cas. J’avais ces mots qui n’arrêtait pas de me revenir, puis cette mélodie… je devais en faire quelque chose. En fait, toutes ces thématiques sont des questions qui m’occupent l’esprit tous les jours. Des démons sur lesquels j’ai besoin de mettre des mots. Pour mieux les comprendre peut-être, dans une idée plus thérapeutique. Et ça m’aide à comprendre le monde qui m’entoure mais aussi, me comprendre moi-même. Si ça peut parler à d’autres personnes, c’est encore mieux. On en revient à cette question d’entraide, de solidarité. Je trouve qu’on a tout à y gagner à ne plus avoir peur de parler entre-nous de ce qu’on ressent, de ne plus avoir peur de vouloir transmettre un peu plus de positivité autour de nous. De mettre ces démons de côté finalement.

LVP : Tu parlais d’individualité. Un des démons dont tu parles sur cet album, on en a toustes déjà entendu parler : c’est le Metaverse. L’idée derrière le morceau du même nom, c’est qu’un jour on finisse pas toustes se réveiller dans un système comme le « promet » le Metaverse de Zuckerberg. Une fois encore… ce morceau ne pouvait mieux tomber. Dans ce Metaverse, l’individualité est poussée à son paroxysme. Sur cet album, Revival of The West, il est surtout question de vivre ensemble, d’unité. Dans le choix des mots mais aussi dans la manière dont vous l’avez enregistré et créé. Chaque morceau de l’album nous rappelle qu’on est pas toustes seul·es. Ça fait du bien parfois de pouvoir prendre tous ces démons, de les mettre de côté et de profiter un peu aussi.

Blue Gene : Je pense que l’unité qui se dégage de cet album vient surtout des personnes qui m’ont aidé à lui donner vie et continue à le faire vivre sur scène. Toustes les artistes qui m’accompagnent sont de base des très bon·nes ami·es à moi. On a traversé pas mal de choses ensemble. Puis cet album, on l’a enregistré de manière très DIY avec Michiel Renson. Il a un studio chez lui à Gand : on y a placé quelques micros, on a ramené nos instruments et on y a enregistré l’entièreté de l’album. On était libre de faire ce qu’on voulait et de proposer les sonorités qu’on voulait. C’était notre manière aussi de jouer avec cette unité dont tu parles.

LVP : Vous étiez une petite dizaine en studio. Quand on l’écoute, on a vraiment l’impression qu’il a été enregistré en une prise cet album. Il y a un son très organique qui s’en dégage. Comment ça s’est passé pour donner vie à toutes ces histoires ?

Blue Gene : On s’est bien préparé·e avant d’aller au studio. En fait, on jouait ces morceaux depuis pas mal de temps déjà. C’est toute la partie de pré-production, pour avoir une idée de ce qu’on devait faire dès qu’on arrivait au studio. Après comme tu dis, il y avait un peu d’improvisation. Quand tu joues à autant en studio, des « accidents » arrivent et finalement, on adore ça ! C’est aussi un des points positifs à faire de la musique entre ami·es. Il faut aussi garder en tête que cette expérience était nouvelle pour nous. Quand on a eu fini d’enregistrer l’album, la post-production a pris pas mal de temps. Déjà parce que je savais exactement ce que je voulais en terme de sonorités et d’arrangements (rires)… du coup on a brassé le maximum de possibilités.

 

LVP : Sur cet album il y a une autre belle surprise : un morceau sur lequel tu chantes en espagnol. Ça aussi c’est venu en studio avec les petits « accidents » dont tu parlais ou ça faisait longtemps que ça te trottait en tête ?  

Blue Gene : Ça fait partie des choses qui sont arrivées en cours de route ! J’ai commencé à écrire en espagnol à l’époque où j’écoutais beaucoup d’artistes comme Ry Cooder, Buena Vista Social Club,… etc. J’adore la musique cubaine ! Pour l’anecdote… l’idée de ce morceau m’est venu alors que j’allais au petit coin (rires). Un moment tellement important dans un endroit tellement ridicule (rires).

LVP : Un morceau aux contours bien cinématographiques d’ailleurs. Une atmosphère très visuelle qui se retrouve pas mal sur cet album. Du début à la fin, tu nous invites en plein désert américain. Ce genre d’atmosphère, c’était inévitable pour Revival Of The West non ?

Blue Gene : Clairement ! J’ai toujours cet aspect cinématographique en tête, tant dans l’écriture que dans le volet visuel. On peut le voir dans les clips qu’on a réalisé par exemple. Les deux premiers avec Alexander Deprez et le dernier aux côtés de Femke Appeltans. Chaque clip à sa propre atmosphère, son propre univers qui colle parfaitement au morceau. En tous cas, c’est ce qu’on a essayé de faire. Je trouve ça important de se laisser immerger par ce que tu écoutes, d’oublier où tu es et surtout qui tu es. C’est la raison pour laquelle j’adore faire ce que je fais parce que dans un univers parallèle, je suis un cowboy (rires). J’ai mon 9-17 tous les jours pour payer mes impôts mais en fin de journée, pouvoir chanter ces morceaux et me laisser aller dans l’univers qu’on a créé, c’est incroyable. Je veux dire, cette esthétique, ces stetsons, ces santiags, ces décors et ces blues jeans sont vraiment important pour nous.

LVP : On peut dire que cet album est un pur album de country traditionnel. On y retrouve les banjos, dobros, violons, les mélodies à trois cordes et la rythmique soutenue du genre. Si tu devais nommer trois artistes, ou albums qui t’ont influencé lors de la création de Revival Of The West, ce seraient lesquel·les ?

Blue Gene : Ouh, pas facile. Je dirais déjà, The Late Great Townes Van Zandt de Townes Van Zandt (1972) ! C’est vraiment l’album qui, après 12 Golden Country Greats de Ween, a forgé mon amour pour la country. J’écoutais énormément Townes Van Zandt. Au plus tu l’écoutes, au plus tu peux sentir le poids de la vie dans sa voix et dans le choix de ses mots. C’était une figure assez tragique du genre en réalité. Il a écrit certains des plus beaux morceaux qui existent, je ne comprends pas comment il n’est pas plus connu que ça d’ailleurs. Quand on te parle de country, tout le monde pense à Johnny Cash ou Willie Nelson mais il y a tellement d’autres artistes qui méritent aussi leur place sur le podium dont Townes Van Zandt ! Sinon, récemment, je me suis mis à écouter beaucoup de Waylon Jennings. Que ce soit sa voix, son côté plus instrumental ou tout ce qui englobe son univers, c’est vraiment incroyable. Et comme troisième artiste… je dois me plonger dans mes playlists attends ! J’aurais tendance à te reparler de cet album de Ween, 12 Golden Country Greats mais surtout parce qu’en réalité, c’est pas un groupe de country. Dans ces années-là, ils ont reçu une grosse visibilité avec leur album précédent, Chocolate and Cheese (1994). Juste après, ils ont voulu se challenger et ont migré vers un univers sonore complètement différent. Ils ont invité des musicien·nes country professionnel·les qui ont joué avec Bob Dylan ou Elvis Presley. Et même s’ils n’ont jamais réellement été un groupe de country, tu peux sentir leur amour pour le genre sur cet album. Mais j’en ai déjà trop parlé (rires)… Je dirais peut-être Roger Miller, il m’a aussi beaucoup inspiré.

LVP : Sur cet album, Revival Of The West, tu parles aussi du consumérisme général et du pouvoir qu’ont les réseaux sociaux sur nous. Est-ce que c’est facile aujourd’hui de se lancer dans un projet musical, d’être un·e artiste émergent·e, sans devoir se poser trop de questions relatives à ces réseaux sociaux ?  

Blue Gene : C’est quasiment impossible. Parce qu’aujourd’hui, tout le monde peut se lancer dans un projet musical via à ses réseaux sociaux. Il y a un peu deux écoles sur la question… Tu vas avoir des artistes qui gèrent très bien leurs réseaux sociaux et qui arrivent à les exploiter à merveille. Et tu vois le résultat. Puis tu as d’autres artistes qui veulent juste pouvoir se concentrer sur leur musique mais qui prennent le risque de ne jamais faire de grosse percée, d’être diffusé continuellement en radio, etc. Ça n’arrive pas à chaque fois évidemment. Mais c’est un risque. Aujourd’hui, tu as beau proposer de la très bonne musique – je connais plein d’artistes dans ce cas-là – tu dois aussi rentrer dans le jeu des réseaux… Et c’est honteux. Ensuite, on va pas se mentir : des plateformes comme Spotify font énormément de mal à l’industrie et surtout aux artistes. C’est un modèle économique où les artistes se font exploiter. Enfin, pas quand tu es dans le top 10, car tu as des milliards d’écoutes. Mais derrière ce top 10, tu as plein d’autres artistes qui galèrent tous les jours à se faire payer à leur juste valeur.

LVP : On voit aujourd’hui qu’il n’y a pas tant d’autres options de plateformes plus « viables » pour les artistes. On a longtemps parlé de Bandcamp comme d’une belle alternative pour soutenir les artistes mais au final, on voit que même Bandcamp a ses limites et ses travers. Dans le meilleur scénario, on devrait quitter Facebook, quitter Instagram, quitter Spotify. Des plateformes qui nous accompagne, pour la majeure partie d’entre nous, tous les jours. On en revient à ce fameux top 10 des artistes les plus écouté·es sur Spotify… Comment on fait pour survivre sur ces plateformes en tant qu’artiste émergent·e ? Avec Revival of The West, tu abordes vraiment cette idée de retour à l’honnêteté, l’idée de faire les choses pour nous avant de vouloir les faire pour les autres. Dans une industrie musicale comme celle qu’on a en Belgique, c’est « facile » de faire un premier album tout en ne se laissant pas absorber par les autres justement ? Que ce soit les plateformes ou les acteur·ices de cette industrie.

Blue Gene : En fait, quand je me suis lancé dans cette aventure, j’ai essayé de faire abstraction de ces questions-là. Pour moi, le but était vraiment de faire de la country, de profiter avec tous ces musicien·nes et de jouer. C’est ce que je préfère par-dessous tout… jouer avec les autres, l’interaction générale que procure la musique tant avec le public que le groupe. Et c’est pour ça que je fais de la musique. Au début, j’en ai discuté avec Thibault (On The Level), que je connais depuis quelques années. Il m’a parlé de tous ces à-côtés un peu moins fun. Et il m’a dit « je m’en occupe ». Évidemment, on gère ça à deux, mais le fait d’être accompagné comme ça, sur ces choses qui finalement, ne sont pas les parties les plus intrinsèques à la musique, ça me rassure aussi. Parce qu’au plus tu rentres dans cette industrie, au plus tu découvres ses problèmes. Ou en tous cas, tu les ressens. J’essaye de parler de cette industrie et de ce qu’il s’y passe, notamment en Belgique, mais je reste persuadé qu’on arrivera à trouver les solutions et une voie de sortie.

LVP : De plus en plus d’artistes fonctionnent à l’abonnement, comme James Blake par exemple, qui a chamboulé la gestion de communauté dans l’industrie musicale en créant Vault. Mais même avec ce genre d’initiative, on voit qu’il y a encore pas mal de choses à changer… ou à faire changer.

Blue Gene : Ah mais c’est sûr. Une seule simple solution, il n’y en a pas malheureusement. Mais franchement – je me répète (rires) – on en revient toujours à cette question d’individualisme. Tu as ce top des artistes les plus écouté·es pour qui, la réalité n’est pas la même que la majorités des artistes aujourd’hui. Et je pense que c’est aussi de leur responsabilité de sensibiliser sur la question, parce qu’iels savent. Iels ont été ces artistes émergent·es à un moment de leur carrière. Je ne dis pas que tous les artistes les plus écouté·es dans le monde sont les mêmes, mais beaucoup vivent dans leur tour d’ivoire. Ce n’est pas qu’aux « plus petit·es artistes » de dire quand ça ne va pas. On a besoin de tout le monde pour faire bouger les choses. Tu vois, on a vu des artistes comme Joni Mitchell ou Neil Young, Crosby, Stills et Nash se retirer de Spotify pour protester contre les idées que promeut Joe Rogan dans ses podcasts. Et oui, aujourd’hui, leurs catalogues sont de retour sur la plateformes, mais il faut reconnaître le geste aussi. T’imagines si à un moment donné, tous les artistes les plus écouté·es faisaient ce genre de protestation ? Sauf qu’on est dans une ère où l’individualité règne en maître. Et c’est cette question-là qu’on devrait essayer de régler avant tout.

LVP : Tu parlais du support que t’apportes Thibault, qui gère le label On The Level, sur lequel tu es. Cette industrie, elle est en majeure partie gérée par des (très) gros patron·nes qui sont plus tourné·es vers la rentabilité que la découverte des artistes de demain. Avec On The Level, c’est un peu l’inverse. En quoi elles sont essentielles, ces plus petites structures indépendantes, pour les artistes aujourd’hui ?

Blue Gene : Elles sont même primordiales… Les personnes derrière ces plus petites structures comprennent dans quoi tu t’es embarqué et ce que tu fais derrière le rideau, en dehors de leur simple apport financier. Iels t’aident à amener de la meilleure manière ta musique aux gens. Avec On The Level, ce qui est chouette c’est qu’on essaye au maximum de se dissocier de la grande vague de productions très commerciales qui arrivent de plus en plus en Belgique.

LVP : Vous faites un pas de côté sur pas mal de choses c’est ça ?

Blue Gene : En fait, il sait ce qu’il veut et il s’y connaît. À partir du moment où il accroche à ta musique et qu’il comprend ce que tu veux faire passer comme message… il ne te lâchera pas et t’emmèneras jusqu’où il peut. Et c’est ça le plus important aussi en tant qu’artiste : se sentir soutenu. Puis on y va. On ne sait pas trop où on va, mais on y va. D’une certaine manière, c’est sa manière de résister à cette industrie dont on vient de parler. On peut d’ailleurs parler d’un fonctionnement plus underground,  plus alternatif parce que tout est fait maison. La compétition est énorme… pourtant, il s’accroche et c’est pour ça que les artistes d’On The Level restent aussi. Parce qu’iels croient en ce processus. On parlait aussi d’espoir plus tôt. Je dirais qu’on est sur la même idée ici : des personnes passionnées comme Thibault, il y en a plein et c’est leur manière aussi de garder espoir et de se battre dans cette industrie qu’iels aiment tant. Et cet acte de résistance, on essaye de la transmettre en musique. Les choses peuvent encore changer et on doit s’accrocher à cette idée.

LVP : Il y a une dernière question à laquelle on aimerait que tu répondes… On a pu lire que Blue Gene hésite entre deux voies différentes… Mais finalement, Blue Gene c’est plus un « robin des bois des temps modernes en santiags à la recherche de ses idéaux perdus » ou un « simple chanteur de country essayant de mettre en musiques les difficultés de la vie » ?

Blue Gene : Un mélange des deux ! J’aime autant prendre du plaisir en faisant ma musique que d’y glisser des messages importants. Comme dans la vie de tous les jours, garder un peu d’équilibre entre les deux c’est important.


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