Depuis qu’elle a dévoilé au monde son premier single Metapwhore, Bobbi Lu nous intrigue. Chaque sortie nous a fasciné·es : alors que nous tentions de déchiffrer le sens de ses textes, ses mélodies nous enivraient. Il aura fallu quelques années pour qu’un album complet puisse émerger. La plus belge des artistes britanniques Lucy Ryan nous dévoile enfin Arrow Four, une collection de dix titres étalant ses visions, ses peines et ses élucubrations, sur des compositions ingénieuses qui ne manquent pas de nous séduire.
Les coups de foudre font partie de ces phénomènes que les scientifiques peinent encore à expliquer. Parfois, une connexion se crée entre vous et une œuvre. Un son, une mélodie, un mot qui vous colle à la peau. Dans le cas de Bobbi Lu, c’est une flèche qui nous a transpercé le cœur, ou plutôt quatre. Arrow, Four, c’est le passé, le futur, le progrès, le déclin et au centre, le cœur qui se perd dans tout ça. Mais c’était aussi l’occasion pour l’artiste de donner du sens à ce petit doodle, gribouillé avec assiduité sur tous ses livres d’écoles.
Il est déjà loin, le temps ou Bobbi Lu nous interprétait une reprise de Winged Victory for the Sullen sur son petit clavier MIDI. La sélection de titres qui se retrouvent sur Arrow, Four a été composée sur une période de temps fort étendue, durant laquelle l’artiste a eu l’occasion d’explorer diverses combines créatives. Chaque chanson a sa propre histoire et représente une période différente de sa vie. Entre rêves et chimères, Arrow, Four est une vision du monde mise en musique.
Pour Bobbi Lu, la musique est une des rares choses qui lui permet de se couper du reste du monde. C’est également ce qui se passe pour nous lorsque débute l’intriguant Surgical Love, les notes de piano surplombées de voix angéliques nous aspirent dans une sorte d’univers parallèle. Le rythme est languissant, mais les effets, les voix nous évoquent une sorte d’angoisse. L’union entre ce piano simple et les samples, comme sortis d’un spot radio nous rappelle la jonction entre nature et technologie, l’artificiel et l’authentique.
On ressent quelque chose d’aérien, d’irréel, une sensation que l’on quitte ensuite pour enchainer sur Metapwhore, qui est aussi le premier single de l’artiste, sorti début 2023. À l’époque, celui-ci nous avait permis de nous introduire dans son univers mystérieux. Faisant désormais partie d’un projet plus grand, le titre ne résonne que plus fort dans cet ensemble dystopique. Future Shock s’ajoute ensuite pour amener une certaine tension. On reconnait quelques éléments de Metaphwhore qui résonnent en arrière plan et tissent une certaine continuité entre les titres. Future Shock nous fait l’effet d’une détonation. Inspiré par le livre Le choc du futur d’Alvin Toffler, Future shock est un regard, une vue d’ensemble sur la société, ses travers et les différentes directions de l’univers.
Après la tempête, on découvre un calme temporaire avec Not Ours, une chanson au piano. Les arrangements électroniques moins présents laissent la voix comme dénudée, ce qui lui permet de prendre plus d’ampleur dans l’espace sonore. On retrouve encore une fois une sensation très aérienne, portée par la voix douce de la chanteuse. La tension quant à elle ne s’est pas évaporée, car la mélodie de piano en conserve juste assez pour nous tenir en haleine.
C’est ensuite la guitare qui vient nous cueillir avec la chanson Vacuum. Le titre propose un regard plus intime sur une relation. Lorsqu’on est proche d’une personne, on oublie parfois de la regarder telle qu’elle est réellement. On est comme pris·es dans une aspiration qui nous aveugle. Vacuum est comme une piqûre de rappel sur les effets d’un amour qui nous rend vulnérables. La mélodie s’allège cependant vers la fin de la chanson, peut-être pour prendre une tournure plus positive, ou dans ce cas-ci, nous rappeler qu’il suffit parfois d’ouvrir la fenêtre pour respirer à nouveau.
And this feels like a vacuum
Not a sound comes through
But still I crawl back to you
And that’s insanity doing the same thing
Expecting something new
La suite de notre écoute prend une tournure un peu différente avec le surprenant Learn to Lie qui, malgré des arrangements un peu plus pop, semble refléter une certaine amertume. Comme une colère qui se loge au fond de votre ventre et qui attend de pouvoir sortir enfin. Colère qui s’apaise ensuite avec All Yours et son texte réconfortant, qui pourrait s’apparenter à une sorte de déclaration d’amour, ou en tout cas, la preuve d’une dévotion totale à quelqu’un·e.
On laisse ensuite place à Pretty Planet et son côté plus rock, qui témoigne de la large palette de genres que notre Bobbi Lu est capable de manier. Mais on revient à de l’électro avec Tall Now, qui semble encore une fois évoquer une relation, peut-être conflictuelle, toxique ou fusionnelle, qui prend toute son ampleur dans les basses qui rythment le drop.
L’écoute se termine sur Other Couples et son piano qui résonne comme un signal. Avec ce dernier titre, la tension qui nous prenait aux tripes tout le long du disque s’évapore petit à petit. Une sorte de nuage gris plane tout de même encore sur cette fin d’album, à l’image d’une fin de film qui ne nous donne pas toutes les réponses. Tout au long de l’écoute, une sorte de jeu se joue entre un dévoilement d’émotions très fortes, une certaine vulnérabilité, et en même temps, un mystère qui continue de planer autour des sens cachés.
Dans cet album, chaque titre appelle au suivant et il est difficile de relâcher notre écoute une fois lancé·es. Les chansons s’interpellent et se répondent entre-elles, créant ainsi une belle continuité qui fait de cet album une œuvre qui, aussi mystérieuse qu’elle soit, fait sens. À l’image du Vacuum, l’univers de Bobbi Lu est de ceux qui nous happent. Au milieu de l’angoisse Arrow, Four est à la fois réconfortant et sensible. Il apaise l’âme autant qu’il la provoque. Au milieu des quatre flèches, c’est l’équilibre qui est atteint.
Ma playlist est aussi bipolaire que moi. J’aime le metal, le sang et les boyaux, tant que ça reste vegan.