+/- : Boys Noize entre deux eaux sur son nouvel album
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Auteur·ice : Guillaume Scheunders
29/09/2021

+/- : Boys Noize entre deux eaux sur son nouvel album

Noir ou blanc ? Nord ou Sud ? Plus ou moins ? Autant de questions en orbite autour de ce cinquième album du producteur allemand Boys Noize. Un disque montagnes russes qui oscille entre bon nombre d’émotions et de styles différents, mais qui n’en reste pas moins percutant, taillé tant pour les dancefloors que pour ton trajet en bus du lundi matin. 

Si dans votre vie, vous arrivez à jongler entre plusieurs passions, occupations ou de multiples projets, vous vous entendrez probablement bien avec Alexander Ridha, aka Boys Noize. Lui, c’est au sein de la musique en elle-même qu’il saute d’une passion à une autre. Parfois techno, parfois house, parfois sombre, parfois lumineux, parfois seul, parfois accompagné, l’Allemand ne se cantonne jamais à ne proposer qu’un seul son de cloche. Certains pourront y voir une dispersion, d’autres une manière de toucher un plus grand public… Ou un public plus jeune et moins attaché aux codes. Après tout, un DJ producteur doit-il se cantonner à jouer un style prépondérant toute sa carrière pour ne pas décevoir une fan-base, ou à contrario, oser emprunter des sentiers plus escarpés à la recherche d’expérimentation dans ses projets personnels ?

 

Ce nouvel album est loin d’une réinvention pour Ridha. Sur Mayday, en 2016, il alternait des morceaux à faire fondre des subwoofers comme Overthrow avec des pistes plus calmes, comme avec POLIÇA sur Starchild ou Hudson Mohawke sur Birthday. C’est un peu l’ADN de l’Hambourgeois, qui assume pleinement cette multipolarité dans ce nouvel album, enchaînant des tracks très sombres taillés pour les clubs comme le grinçant Sperm, l’entraînant Xpress Yourself ou le dopé IU, puis ralentissant le tempo sur Love & ValidationGirl Crush ou le plus abordable Ride Or Die.

Des featurings efficaces

Difficile d’imaginer un album de Boys Noize sans son meilleur acolyte Chilly Gonzales, avec qui il fait des merveilles (sous le pseudonyme Octave Minds surtout). On retrouve le Canadien sur le single le plus grand public de l’album, l’excellent Ride Or Die. Morceau sur lequel on entend l’extrêmement talentueuse Kelsey Lu, la violoncelliste et chanteuse qui prête également sa voix au morceau Love & Validation. Il y a aussi de l’étonnant dans ces featurings, surtout lorsqu’on voit le nom de Jake Shears, chanteur des Scissor Sisters, sur le titre très influencé New Wave All I Want.

 

On note aussi la présence du déjanté Tommy Cash, le rappeur Corbin (qui prête sa voix à ce que l’on peut apparenter à des sortes de lamentations plus que des paroles sur IU), le français Ghost Culture sur le morceau qui prête son nom à l’album, Polarity, ainsi que les deux rappeuses ABRA et Rico Nasty. Ce qui offre un melting pot d’influences, de tonalités, de genres et de tessitures, ancrant encore un peu plus cet album dans une diversité sonore remarquable.

Terminé depuis 2018, +/- peut être abordé comme un album définissant la musique de Boys Noize. Percutant, retentissant mais aussi subtil et extrêmement travaillé, il nous emmène à travers ses influences, à commencer par les patrons de 2manydjs, qu’il cite parmi les artistes qui l’ont vraiment marqué au début de sa carrière. L’idée de dépasser la rigidité de la techno ou de la house pour créer de nouvelles choses lui plaît et il en fera son cheval de bataille durant toute sa carrière. Même si on ne peut pas le considérer comme un véritable précurseur, il a cette force d’avoir pu confronter son public à sa musique dès ses débuts, quitte à ne pas être apprécié. De quoi se fonder une identité propre, ce qui a marché lorsque l’on voit son parcours aujourd’hui.

 

Aux premiers abords, il est certain que la musique de Boys Noize n’est pas faite pour tout un chacun, avec évidemment quelques exceptions. Ses morceaux pouvant très souvent paraître trop “hard” car trop sombres, bruts ou incisifs. Une critique que l’on peut surtout appliquer à ses EP, lui qui a pour habitude d’expérimenter davantage sur ses albums, ce qui laisse place à des morceaux souvent plus accessibles. Alexander Ridha a cette faculté de dédoubler sa personnalité selon les projets, de jouer avec la musique et de créer suivant ses envies.

Ce qui l’a d’ailleurs conduit à produire pour d’autres personnes. Même si ce n’est pas là où il trouve son vrai épanouissement, on y trouve l’étendue de sa palette créative et de ses capacités de production. D’un DHL de Frank Ocean en 2019 à un Rain On Me de Lady Gaga (oui oui, c’est de lui), Boys Noize est capable de tout. Et il le prouve encore avec cet excellent +/-, parfaitement cintré et collant organiquement à l’identité du producteur.


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