Brace ! Brace ! : “La guitare pop est finalement assez peu représentée”
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Auteur·ice : Chloé Lahir
11/02/2019

Brace ! Brace ! : “La guitare pop est finalement assez peu représentée”

Il faisait partie de notre top 2018, le premier album des Brace! Brace! est toujours bien en place sur nos platines d’amateurs de musique indé qu’on est à La Vague Parallèle ! On a donc voulu rencontrer les parisiens afin de discuter un peu de cet album incroyable qu’on avait eu l’occasion de découvrir à leur release party au Pop Up en décembre dernier ainsi qu’aux Bains en janvier.

La Vague Parallèle : Hello les gars, vous êtes tous originaires de Lyon, j’ai lu que votre volonté de jouer de la musique pop plus arrangée vous a conduit à cette formation à quatre. A l’heure où les projets pop sont majoritairement des projets solo ou duo, pourquoi ce choix ?

Thibault : En fait le groupe était à la base un duo composé d’une boite à rythme avec une intention plutôt spontanée, quelque chose d’un peu régressif avec un son un peu brut. Quand on a voulu commencer à faire des morceaux plus pop on s’est rendu compte qu’un basse/ batterie permettait d’avoir un groove différent, de peter un peu le format, d’être plus instrumental et moins limités !

LVP : Et du coup est-ce que vous contribuez tous aux compositions de la même manière ?

Thibault : Ça dépend. Sur cet album c’est surtout Cryril et moi qui avons composé, après on contribue vraiment tous les quatre aux arrangements ! En fait il y a toujours une base de morceau qu’on va tordre, et ça pour le coup c’est vraiment l’apport de tout le monde.

Simon : C’est le fonctionnement d’une répète en groupe quoi !

Thibault : Chacun y amène ses propres influences. Simon vient plutôt du hip-hop, ça permet d’amener des choses diverses.

Simon : Pas que !

Thibault : Bah t’es un peu beat maker quand même. Donc je pense que ça a apporté forcément un truc qui n’aurait jamais été là sans lui. Mais le fonctionnement de groupe c’est un enrichissement puisque quand t’as quatre cerveaux qui travaillent autour d’un morceau, forcément ça permet d’aller dans des directions dans lesquelles seul, tu ne serais jamais allé !

LVP : Est-ce que c’est plutôt le son qui amène les paroles ou les paroles qui amènent le son dans vos compos ?

Simon : La musique d’abord quand même.

Thibault : Franchement on a pas vraiment de process. Des fois on arrive avec un morceau dont les paroles sont déjà écrites et les arrangements viennent après. Station Walls pour le coup c’est un morceau qu’on a écrit à quatre où les paroles sont venues après effectivement. C’est d’ailleurs un morceau qui parle de transports urbains et il y a clairement cette idée de mouvements, avec différentes atmosphères etc. Dans ce cas pour le coup je pense que les paroles ont été aspirées par la musique.

Cyril : Après on a tous les deux des méthodes d’écriture différentes aussi. Thib aime bien cadrer un truc de manière assez objective. Moi quand je compose à la guitare j’ai plutôt des mots qui me viennent en fait et ensuite je construis un truc à partir de ces mots. Du coup on a chacun une manière de faire différente. Mais en effet globalement c’est la musique qui génère tout.

LVP : Vous étiez déjà tous les quatre lors de la sortie de Worries ?

Thibault : Simon est arrivé dans le groupe à la batterie pour le 2nd EP.

Simon : J’ai viré les deux autres mecs ! (rires)

Thibault : En fait on était 3 sur le 2nd EP et les gars sont arrivés pour sa sortie. L’EP était déjà enregistré, Cyril a fait quelques guitares en plus mais globalement le groupe est devenu vraiment un groupe à quatre sur le live du 2nd EP.

LVP : On ressent une certaine authenticité dans votre style, plutôt pop psyché / rétro et indie rock à la fois. Comment vous définissez votre style ? Plutôt Rock ou plutôt Pop ?

Simon : Lorsque je suis arrivé c’était plus un groupe rock garage, style qu’on ressent sur le premier EP. Et puis en discutant de nos goûts respectifs et au fil des répètes, on s’est orientés vers des arrangements de plus en plus pop. On essaie de garder quand même cette énergie originelle.

Thibault : Ouais je dirais un groupe pop avec une appétence pour le bruit.

Cyril : Mais on a toujours la volonté d’écrire des chansons qui se tiennent tu vois, avoir des morceaux qui sonnent pas krautrock. On aime bien les dissonances, on aime bien les bruits, essayer d’explorer des sonorités un peu alambiquées etc. Mais globalement ce qui nous intéresse quand même c’est de faire des morceaux pop. Le premier disque était un peu plus brutiste et ça l’est de moins en moins.

LVP : Justement en ce moment la scène émergente pop adopte plutôt une esthétique 80s alors que chez vous on reconnaît des sonorités provenant plutôt du psychédélisme des années 60 / 70s, est-ce un effort conscient de votre part ?

Thibault : C’est un mélange de références oui. On nous a aussi dit qu’on sonnait très 90s, je pense que ça dépend.

Simon : Et Thibault déteste les années 80 !

Thibault : (rires) Oui je déteste les années 80 ! Dans l’écriture il y a un truc un peu 60s effectivement, dans la construction des morceaux mais en tout cas on essaie dans la production que ça ne sonne pas musicalement trop rétro, groupe revival etc.

Antoine : Evidement, pour tous les musiciens rock, ce sont des influences qu’on a tous en tête et forcément quand tu fais des morceaux, même si c’est volontaire ou pas, tu as forcément une petite touche un peu psyché provenant de ces périodes !

Thibault : Et puis c’est une décennie où ils ont inventé tellement de choses et il y en a des tellement contemporaines dans ce qu’ils faisaient donc forcément tu prends n’importe quel musicien de notre époque, il y aura toujours un petit truc où tu te dis “ouais je peux retrouver ça dans les années 60/70” je pense.

Cyril : Pour répondre à tes questions je pense pas qu’on se revendique d’une époque particulière surtout.

LVP : Dans ce que j’ai pu lire sur vous ou au travers des chroniques que les gens ont pu faire de votre album à chaque fois, on vous compare à des artistes spécifiques. Personnellement je trouve quand même qu’il y a une authencité dans ce que vous faites. Il y a vraiment une présence particulière des guitares avec des jeux d’arpèges ou des riffs qui sont mis en avant, qui définit bien votre identité !

Thibault : C’est cool que tu le remarques parce qu’on est plutôt à une époque des synthés dans la pop et c’est vrai que la guitare pop est finalement assez peu représentée. Nous on est très très guitare (rires) !

Cyril : Et surtout on a toujours été attirés par des groupes qui approchaient la guitare d’une manière un peu novatrice comme Sonic Youth par exemple ou comme Blur, qui s’essayaient vraiment à de nouvelles manières d’appréhender l’instrument en fait ! Nous on fait ça un peu avec nos petits bras tu vois, on n’a pas non plus la volonté de tout révolutionner.

Simon : Moi pas trop ! (rires)

Thibault : Non mais en effet c’est un instrument que tu peux jouer de façon très conventionnelle c’est vrai alors qu’en fait il offre des possibilités assez cool.

LVP : Et justement les lignes de guitares amènent-elles les accords ou ce sont les accords qui conduisent à la composition des riffs ?

Thibault : Il n’y a pas de méthode particulière. Après c’est clair que quand on a tendance à jouer un truc trop évident on se regarde en se disant qu’on va pas jouer le truc comme ça, que c’est un peu nul.

Simon : Oui, ça sert à rien parfois d’être trop compliqué.

Thibault : On trouve le juste milieu à quatre, c’est aussi ça la dynamique du groupe. Quand on va trop loin on revient un peu en arrière, on trouve des compromis.

LVP : Votre musique, tout comme vos visuels sont plutôt colorés. D’où vous vient cet attrait pour pop art ? 

Antoine : Il y a eu la rencontre avec Maxime Mouysset que connaissait Thibault qu’on a sollicité pour l’EP Controlled Weirness. Il avait fait cette pochette et on trouvait que son graphisme collait bien à notre musique donc on lui a à nouveau proposé de travailler avec nous sur l’album. On l’a laissé hyper libre sur la direction à prendre et comme il est assez sensible à notre musique, il a produit ce visuel qui colle carrément bien ! Il a fait des pochettes qui fonctionnent vraiment bien avec notre esthétique je trouve.

Thibault : Ouais je sais pas d’où ça vient, le côté un peu pop, saturé plein de couleurs etc. Il y a un truc libre et léger puisqu’on fait pas une musique très sombre finalement, il y a des morceaux qui sont plus nuancés que d’autres mais je pense aussi que ça vient de là. On ira peut être vers autre chose sur le prochain disque, je ne sais pas !

Antoine : Ouais c’est marrant c’est évident ce que tu dis mais c’est vrai qu’on a même pas vraiment d’explication. On ne s’est pas dit un jour qu’il fallait que ça soit coloré, ça s’est fait un peu naturellement. Comme quoi c’est peut-être une identité qu’on a un peu en nous !

Thibault : Oui, même sur les photos. On avait pas envie de faire la gueule ou quoi ! On voulait un truc spontané, qui part un peu dans tous les sens, un peu décadré !

Cyril : Pour revenir sur ce que dis Thib, je pense surtout qu’on n’avait pas envie de tomber dans le cliché indé du groupe qui fait la gueule sur une photo. On voulait un truc pop un peu léger, parce qu’en fait notre musique est assez premier degré.

LVP : Si vous deviez donner une couleur à votre musique ça serait laquelle ?

Simon : Noir ! (rires) Non à quatre c’est compliqué de se mettre d’accord ! On a qu’à faire les power rangers !

Thibault : Pas le bleu car c’est la couleur la plus consensuelle que tout le monde aime. Je dirais le vert parce que tout le monde déteste cette couleur, personne ne l’utilise ! En plus c’est la couleur de Saint Etienne !

Simon : C’est la couleur de Saint Etienne c’est vrai ! (rires) Puisqu’à la base Thibault vient de Saint Etienne même s’il fait croire qu’il vient de Lyon, ce qui est assez honteux pour lui et pour nous. En fait personne n’est de Lyon, moi je suis Bourguignon !

LVP : Si vous deviez faire découvrir Brace ! Brace !, quelle chanson de votre album vous feriez écouter en particulier ?

Simon : Station Walls, c’est la première ça semble logique.

Thibault : Ouais je dirais Station Walls, c’est un peu le postulat pour le reste du disque, il y a vraiment toutes les atmosphères du groupe dans ce morceau je pense.

LVP : On sent une dimension live dans vos morceaux, est-ce que vous les aviez testés sur scène avant enregistrement pour adaptation studio ?

Antoine : En fait l’album a quasiment vécu un an sur scène avant qu’on l’enregistre. Donc du coup oui on les jouait toutes en live avant de les avoir enregistrées dans un disque. A la limite il a fallu les adapter pour l’album quoi !

Thibault : C’était plutôt ça oui en fait puisqu’on a eu le temps de s’en lasser et du coup de les remettre en question.

Antoine : C’est exactement ça, on représentait sur scène un album qui n’était pas encore sortit !

Cyril : C’est vrai qu’aux concerts qu’on a fait on jouait uniquement des chansons que personne ne connaissait ! (rires) Que des chansons qu’on n’avait pas encore enregistrées.

Antoine : D’ailleurs il y avait 5 personnes à ces concerts en fait ! (rires)

Cyril : C’était une exclusivité pour eux en tout cas !

LVP : J’ai lu la nécessité d’une certaine autarcie pour l’enregistrement de votre album. Est-ce le même procédé pour la création ?

Thibault : C’est vrai que pour cet album on a fait une grosse session de répètes qui a duré quelques mois pendant lesquels on se voyait plusieurs fois par semaine et on faisait des grosses sessions de 4-5 h ! C’était plutôt productif et effectivement je pense que ça a beaucoup joué sur le son de l’album, le fait d’être ensemble en groupe, de faire de l’arrangement à 4 sur des longues périodes. On adorerait partir pendant 6 mois à l’étranger pour pouvoir faire un album, je sais pas quelque part genre au Canada et revenir et l’enregistrer ! Ca serait génial mais pas pour le moment en tout cas, c’est pas possible. Mais dans l’idée ça nous plairait bien !

LVP : J’aimerais revenir sur votre release party au Pop Up du Label à laquelle on avait assisté en décembre dernier et qui était sold out ! Comment vous l’avez vécu ?

Antoine : Franchement c’était improbable comme journée, moi ça me fait rire cette histoire mais c’est vrai qu’on n’avait pas énormément vendu de préventes. Le matin même on était à une cinquantaine de préventes sur une jauge de 200 ! Donc tu vois on était quand même très loin du compte et au final au fil des heures notre tourneur nous disait que c’était en train de cartonner ! Et en gros on est passé d’une salle qui était partie pour être plutôt vide à être sold out en 5h quoi ! A la fin il y avait même des gens qui faisaient la queue et qui se faisaient même refouler donc on s’est dit que c’était mission accomplie ! Mais c’est vrai que c’était un peu l’ascenseur émotionnel.

Simon : Ouais Gaël nous avait envoyé des messages pour nous dire d’inviter nos potes car il pensait qu’il n’y aurait personne et au final certains de nos potes n’ont même pas pu rentrer du coup. (rires)

Thibault : Mais ça nous a fait plaisir car c’est là qu’on a pris conscience qu’au final le disque avait quand même un peu tourné ! Ça fait toujours plaisir d’avoir des bons retours et de savoir que ça se transforme aussi en audience sur les concerts etc.

Cyril : Et puis mine de rien c’était la première fois où on jouait en tête d’affiche à Paris et c’est cool d’avoir pu le faire complet ! Donc ouais globalement on l’a très bien vécu.

Antoine : C’est vrai que pour revenir à ce qu’on disait tout à l’heure, c’était la première fois qu’on jouait l’album et que cette fois les gens le connaissait ! Finalement, même si on avait fait une vingtaine de dates avant, c’était un album que personne ne connaissait donc là il y avait le côté un peu satisfaisant de voir les gens le connaître à chaque chanson jouée. Donc ouais c’était assez cool !

Thibault : Prochaine date l’Olympia ! (rires)

LVP : Quels sont vos futurs projets suite à ce premier album justement ? Des dates à annoncer déjà ?

Thibault : Love Letter Festival avec un très bon groupe Français qu’on a pas le droit de révéler encore puisqu’il n’a pas encore annoncé la date de son côté. Mais on a une quinzaine de dates à venir pour le moment.

LVP : En France principalement ?

Thibault : En France ouais !

Antoine : Pour l’instant on reste dans l’hexagone, après si on peut jouer ailleurs on aimerait bien !

LVP : Un artiste en particulier dont vous voudriez faire la première partie ?

Cyril : C’est très difficile puisqu’il n’y a aucun artiste qui nous réunit tous les quatre en fait !

Thibault : On va dire Deerhunter !

Antoine : Ouais moi j’avais vu qu’il y avait Jerry Paper qui passait au Pop Up et quand il n’y avait pas encore de première partie d’annoncée, je me disais que ça aurait pu être bien mais au final c’est Aldous RH qui l’a fait, très stylé d’ailleurs.

Simon : Si Ariel Pink !

Cyril : Moi il y a un groupe que j’adore, que je trouve trop bien depuis qu’Antoine me l’a fait écouter c’est Ulrika Spacek. C’est trop cool ! J’ai commencé à écouter l’année dernière et depuis je trouve ça trop stylé.

Antoine : C’est vrai que c’est tout à fait cool, je suis d’accord. C’est assez fascinant comme groupe, il y a plein de bonnes idées dans ce qu’ils font !

Cyril : On les avait vu avec Thibault au Trabendo j’avais adoré quoi, c’était trop bien !

Thibault : Pour résumer on peut dire Ulrika Spacek, Deerhunter et Ariel Pink !

Simon : Et Sadistik Exekution ! Ils ont un album qui s’appelle Fuck 1 et le deuxième album c’est Fuck 2. Voilà, je vous les conseille. (rires)

LVP : Et pour finir, une découverte récente à partager qui vous a carrément donné la Banane ?

Antoine : C’est dur mais j’ai envie de répondre à cette question car je pense que ça pourrait aider les gens à être plus heureux ! (rires)

Simon : Allez, moi en 2018 j’ai découvert The Cleaners From Venus, qui est un excellent groupe des années 80 ! C’est de la pop australienne, un mec qui s’appellait Martin Newell qui faisait ça tout seul avec des cassettes ! Ca ressemble vachement au premier disque d’Ariel Pink et ca a été une grande découverte puisque je croyais que j’allais jamais vraiment retrouver quelque chose de pop qui me ferait kiffer et voilà j’ai découvert ça cette année !

Thibault : Moi je dirais le 2ème album de J Fernandez que personne n’écoute. C’est un gars très très fort, très très doué ! Il n’a pas la reconnaissance qu’il devrait avoir !

Cyril : Je cherche dans mon Spotify ce que j’ai ! (rires) J’aimerai bien proposer de la musique parce qu’il y a plein de trucs que j’écoute que personne n’écoute et qui sont tellement cool, je réfléchis !

Antoine : Pendant ces vacances j’ai regardé Maman, j’ai raté l’avion 1 ! (rires)

Simon : Moi je suis plus Maman, je m’occupe des méchants ! (rires)

Cyril : Moi j’écoute que de la musique qui rend triste en fait.

Thibault : C’est vrai que moi aussi j’écoute que de la musique qui rend triste. C’est chiant la musique qui rend heureux !

Je passe les détails de cette longue période de discussion durant laquelle on a beaucoup divagué : Cyril a recherché sur spotify une référence autre qu’un groupe triste, même si on s’est d’ailleurs tous mis d’accord (enfin sauf Simon) sur le fait que la musique triste était la meilleure musique qu’il puisse exister ! Simon nous a d’ailleurs avoué avoir découvert Boom Boom Boom Boom de Vengaboys cette année, ce qui a refait ses soirées. On a pas compris comment il a pu passer à côté de cette merveille pendant toutes ces années ! On a également parlé du dernier Mario Smash Bross ou encore de GTA. Bref !

Cyril : J’ai trouvé une chanson de Hall and Oates qui s’appelle I Can’t go for that, que tu peux écouter n’importe quand, ça marche toujours !

Antoine : Si cette année il y a un album qui m’avait fait marrer, c’est le dernier album des Lemon Twigs ! En fait c’est un peu une comédie musicale, les paroles sont complètement perchées ! C’est un album qui m’a fait sourire et c’est rare d’écouter de la musique qui donne la banane, c’est pas d’une originalité extrême mais je le conseille ! C’est sur un singe qui va à l’école !

LVP : Super merci beaucoup les gars, j’ai tout dans la boîte !