C.H.A. : Cute Human Alert, on a discuté avec Declan McKenna
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Auteur·ice : Philomène Raxhon
03/10/2022

C.H.A. : Cute Human Alert, on a discuté avec Declan McKenna

Photo | Marcus Prouse Jr.

Une journée d’août caniculaire, on s’est assis·es avec le type à mullet le plus sympa qu’on ait jamais rencontré pour une interview sur des fauteuils en cuir qui collent aux cuisses et une petite séance photo à l’appareil jetable pour immortaliser ledit mullet. Avant son tout premier set au Pukkelpop, Declan McKenna nous a parlé de son rapport à l’art de la chanson contestataire – on se rappelle de Brazil, morceau engagé contre la coupe du monde de 2014 au Brésil qui lui avait valu le premier prix du concours de jeunes talents du prestigieux festival de Glastonbury – mais aussi de ses inspirations et de son évolution musicale depuis ses débuts à seulement 17 ans. 

La Vague Parallèle : On t’a déjà vu jouer, c’était au Trix en mai dernier.

Declan McKenna : Je m’en souviens, c’était super ! On était tous·tes épuisé·es à ce stade de la tournée, on ne faisait que jouer et le set était vraiment long. Je me rappelle avoir pensé “on commence à ressentir la fatigue”, mais c’était un bon concert.

La Vague Parallèle : Tu as aussi joué à Bruxelles, au Botanique, en 2017. Comment est-ce que ta musique a évolué entre ton premier album, What Do You Think About the Car, et le second, Zeroes?

Declan McKenna : Je crois qu’avec ce second projet, j’ai vraiment eu le temps de réfléchir à la confection de l’album, ce qui n’était pas le cas pour le premier. Il y avait quelque chose d’assez pur et naturel avec What Do You Think About the Car? ; je faisais de la musique, je l’enregistrais et ça allait directement sur l’album. Pour le deuxième, j’avais plus de temps. Pour mon prochain album, j’ai l’impression que j’ai un peu d’expérience avec ces deux façons de travailler, je prends le meilleurs des deux : l’approche fluide, la créativité instantanée, mais aussi une démarche plus réfléchie. Il y a de la beauté dans les deux et, maintenant que j’ai 23 ans, je commence à m’habituer et à trouver ce qui marche pour moi.

D’un point de vue acoustique, c’est sûr qu’il y a eu beaucoup de changements. Je ne me suis pas encore fixé sur un son en particulier. Je veux juste essayer un truc différent avec chaque projet, puisque je suis un artiste solo et que ma musique m’appartient complètement. Si je montais un groupe, là il faudrait peut-être se décider sur un style musical particulier, mais je n’en suis pas encore là.

La Vague Parallèle : Cet album a des airs plus British rock que le premier. Est-ce que tes inspirations étaient différentes? Tu écoutais autre chose? 

Declan McKenna : Je crois que, sur le premier album, les influences étaient plus éclectiques et venaient d’un peu partout. Cette fois, j’étais très inspiré par le classic rock et je voulais juste essayer de rendre l’album très animé. Quelque chose d’à la fois un peu garage par moments, puissant et dynamique, mais toujours avec ce son rock – Bowie, T-rex, ce genre d’artistes, même un peu Kate Bush. Le pur style 70s était vraiment au cœur de l’énergie que j’ai essayé de transmettre. Un peu de Bob Dylan, aussi, quand il a viré électrique et avait un son très vivant. Tous ces gens m’ont énormément inspiré dans la création de cet album.

 

La Vague Parallèle : Tes paroles sont connues pour leur côté engagé. Comment ton approche politique de la musique a-t-elle évolué ? Est-ce que tu crois que la musique devrait toujours être porteuse d’un message ? 

Declan McKenna : Non, pas toujours. Même la musique que j’écoute, la moitié du temps, je ne sais pas de quoi elle parle. Je ne veux pas donner l’impression qu’il faille toujours être attentif au message. Je ne fais pas toujours attention à ce que les artistes ont à dire non plus. J’aime juste choisir mon moment quand je veux dire quelque chose d’important et vraiment faire en sorte de l’exprimer de la meilleure façon possible. Et parfois, si je veux écrire un morceau léger, je le fais et c’est cool aussi.

Ma musique se retrouve un petit peu au milieu : elle sonne toujours un peu comme une fête mais j’ai aussi parfois eu envie d’aborder des sujets qui me tenaient à cœur. Je ne crois pas l’avoir fait de manière trop directe – sauf peut-être pour quelques morceaux en particulier. Je me suis retrouvé à parler de choses qui, selon moi, méritaient d’être évoquées mais je ne veux pas me restreindre à ça. Ça arrive souvent un peu malgré moi. (rires)

La Vague parallèle : Tu as l’impression d’avoir gagné en maturité ? Comparé à ton premier morceau engagé, Brazil, que tu as écris quand tu n’avais que 17 ans. 

Declan McKenna : Oui… je crois que je suis aussi conscient de la façon dont mes propos peuvent être détournés aujourd’hui. À mes débuts, j’ai ressenti beaucoup de pression parce que j’avais l’impression que les gens attendaient ça de ma part. Je voulais aborder les choses de manière subtile, parce que, au fond, ce n’est que de la musique. Je n’essaie pas d’être le porte-drapeau d’un quelconque mouvement, je ne me sens juste pas à l’aise dans ce rôle. Quand j’avais 16-17 ans, c’était très intense, la façon dont les gens me mettaient dans une case. Il y a des moments où l’on tombe sur un sujet qui nous passionne et on souhaite le mettre en avant – et c’est ça qui est si formidable avec le fait d’être un artiste – mais, maintenant, je sais comment ça peut être interprété et le sensationnalisme qui vient avec. J’en suis bien conscient.

Pour Brazil, je voulais mettre en lumière une situation qui me paraissait importante et, tout d’un coup, je me suis retrouvé à répondre à des questions de journalistes qui me prenaient pour un politicien et j’ai juste pensé “je n’ai pas toutes les réponses, vraiment vraiment pas”. (rires)

Je communique sûrement mieux mes pensées maintenant, puisque j’étais si jeune quand j’ai commencé. Je fais un peu plus attention, le monde est un peu effrayant quand on est si vite catalogué.

La Vague Parallèle : On imagine que tes futurs projets ne seront pas dénués d’engagement pour autant…

Declan McKenna : Certainement pas ! Le monde a déjà tellement changé depuis mes débuts, il y a tellement de nouvelles façon de communiquer ce que l’on pense et d’encourager les gens à s’exprimer. Mes ami·es et moi, quand on était plus jeunes, on était très frustré·es par le manque de plateformes où les jeunes pouvaient parler, être entendu·es et pris·es au sérieux. Aujourd’hui, j’ai l’impression que c’est possible, le monde a beaucoup changé en 6-7 ans. C’est super et j’essaie toujours de contribuer au changement à mon échelle. Le monde est juste très différent, non ?

 

La Vague Parallèle : On va conclure sur une question plus légère. Quelle est la chanson que tu aimes le plus interpréter en live

Declan McKenna : Mmh, elle change tout le temps. British Bombs est toujours géniale. J’ai l’impression qu’elle est puissante, et peu importe où on la joue, l’énergie est toujours la même, il y a toujours une bonne vibe. Elle me fait un peu penser à l’équilibre dont on parlait, un morceau à la fois vraiment fun mais qui parle aussi de quelque chose d’important – et je crois que les gens y sont sensibles. Pour moi, c’est toujours un bon moment. Elle est optimiste et très fun à jouer.

Après, ça dépend vraiment. Je commence aussi à apprécier les moments plus chill du set, des chansons comme My House ou Emily. Avant, je voulais toujours jouer les trucs les plus intenses en live. Maintenant, j’apprécie aussi les morceaux plus relax, ils font l’effet d’une petite pause où je peux juste profiter sans m’épuiser. Ils allègent aussi le concert, le public a besoin d’un peu d’oxygène entre deux titres très dynamiques. Ce sont de très beaux moments quand on parvient à trouver le bon équilibre.

© Philomène Raxhon

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