Cero Ismael trouve la force d’être vulnérable avec Blue Man
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Auteur·ice : Caroline Bertolini
23/02/2021

Cero Ismael trouve la force d’être vulnérable avec Blue Man

Blue Man, c’est le titre du premier EP d’un talent qu’Amsterdam garde pour elle depuis quelques temps maintenant. Cero Ismael n’avait jusqu’ici sorti que quelques titres qui donnaient la couleur de sa musique :  une mélancolie hip-hop mystérieuse. Pour cause, le projet sorti le 18 février dernier dépeint une libération totale des sentiments du jeune artiste, qui se montre dans son plus simple appareil. Un huit titres prometteur, vulnérable comme on les aime, qui encourage à être honnête avec soi-même pour être honnête avec les autres.

Les mots “blue man” pourraient accompagner Cero Ismael dans un dictionnaire pour tenter de le définir. L’artiste fait partie des gens abîmés par la vie qui ont compris que la force se trouvait dans l’acceptation de la fragilité. Hollandais d’Amsterdam, il a une histoire familiale compliquée et se nourrit de la musicalité de son père qui est rappeur et de sa grand-mère qui fait du gospel. Il s’inspire de trap, d’hip-hop, de R’n’B, d’électro dans un son qui se résume bien par « heartbreak hip-hop ». Il image parfaitement sa musique lui-même, comme suit :

“My music hits hardest, when you’re alone walking home after a late night contemplating about life. If you listen to my music, you will feel the emotion, moments where you miss your ex even more or appreciate friends whatever that emotion is at that moment in your life. Music where you can be honest about yourself, your insecurities and the ugly sides of life.”

Si on devait tenter d’y ajouter des éléments, on en dirait qu’elle n’a pas peur de se montrer comme elle est vraiment. Extension de sa volonté, sa musique ne cherche pas à se cacher. Ni des sentiments négatifs comme le manque, la solitude, ni des sentiments positifs comme la guérison, l’amour de soi, ou l’amour tout court. C’est là qu’est l’intensité et la force de ce projet qui prend en esprit, ce qu’elle pourrait perdre en pudeur. Car pudeur, il n’y a pas. L’artiste ne se cache pas de raconter une rupture qu’il a vécue dans ces huit titres qui peignent l’amour perdu comme La Joconde de l’émotion.

 

Darling est le tout premier diamant brut qu’on ait pu entendre sur les plateformes, et le titre le plus fort du projet. Dès les premiers beats, on sait que notre cœur va être frappé d’empathie, s’intensifiant sur chaque « Oh Darling » de la voix nébuleuse, pourtant cassée, du Hollandais. Les paroles y sont douloureuses et dramatiques, avec une colère sous-jacente, ce qui n’arrange pas notre état. “Remember when I called you mine, still you went and ran away.” La guitare lui procure un son alternatif qui revient plusieurs fois dans Blue Man, toujours à son avantage. Une version a d’ailleurs été réarrangée pour une session live chez 3voor12 Radio qui laisse présager des scènes chargées en intensité et de gros solos du fin fond des tripes.

En ce qui concerne le reste de l’EP, il n’y a à peu près aucun son à jeter malgré la faiblesse de Tell Me How/Birds qui manque de capter l’attention de peu. Elle se sépare en deux sons dont la deuxième partie, très parlée, s’apparente presque à une lecture de poésie ou un slam augmenté d’un beat percutant pour traverser nos cœurs à coups de poing. On se retrouve d’ailleurs plus dans de l’alternative hip-hop dans Insane, ou Dancer, exemples du dynamisme léger de l’artiste qui permet même des moves discrets. Ce qui les rejoint, c’est la répétition des paroles et un flow régulier issu d’une voix pleine de souffle qui les rendent à la fois catchy et faciles à retenir. Insane parle de déconnexion avec l’autre lors d’une rupture, et ce besoin d’interaction de chacun·e qui finit souvent en raté. Dancer trouve sa force dans une voix pitchée à l’extrême dans les refrains qu’on retrouve plusieurs fois dans le projet, combinée à un rap plus traditionnel sur les couplets. Sous un signe plus positif, il souhaite que son amour perdu soit enfin heureuse bien que ce ne soit pas son cas à lui.

Missing Out et Some More Time se ressemblent alors dans la proximité de leur sortie, mais aussi dans le manque qui y est décrit. Cero n’a pas peur de dire dans Some More Time qu’il aurait aimé avoir plus de temps avec l’autre et qu’il n’arrive pas à passer à autre chose. “I felt the love and lost the love. Now I’m lost and lust for love.” Précisément. Missing Out se place sous l’obscurité de la guitare électrique et la lumière d’un sentiment plus séducteur, l’aidant à alors avouer qu’il a été égoïste et à reconnaître ses erreurs avant de se rappeler les plus belles caractéristiques de son tendre amour dont il se languit. Des yeux, jusqu’aux lèvres.

“Delighted by the sight of your eyes, makes bitter life taste so sweet. My cavity’s tingle upon my teeth kissing your lips.”

Cet EP est si honnête avec lui-même qu’il pourrait vous pousser à faire de même. Cet EP enlève la peur et la transforme en sérénité. Cet EP, il est libérateur, catalyseur même, de sentiments. Il dit les mots justes sur toutes les émotions liées au deuil et nous emporte par la simplicité de ses visuels analogiques sombres. Il reste porteur d’un énorme sentiment de manque et de regret – universel et contagieux. Après l’écoute, on ressent à nouveau et on s’ouvre. On accepte alors d’être vulnérable, sous le signe d’une musique qui a de la gueule. Un rapport douceur-force porté par un son indie qui, une fois mélangé au hip-hop et à l’électro, s’offre nos pensées sur un plateau d’argent. Blue Man nous oblige à réaliser nos sentiments enfuis pour mieux les guérir. À écouter le soir avec un casque.

 

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