Cherchez la femme : un podcast qui se décline en Nuits
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Auteur·ice : Coralie Lacôte
17/02/2023

Cherchez la femme : un podcast qui se décline en Nuits

Le 26 janvier dernier pour fêter le lancement de la deuxième saison du podcast Cherchez la femme, nous nous sommes rendu·es à la Petite Halle de la Villette à Paris afin d’assister à la première Nuit d’une longue série. Lancées en parallèle du podcast, ces soirées seront programmées chaque dernier jeudi du mois et feront le lien avec l’épisode diffusé le lendemain. Sur une idée originale de Flore Benguigui, accompagnée par Alexandra Nadeau, Morgane Lagneau-Guetta et Sophie Newman, ces Nuits Cherchez la femme, comme le podcast initial, ont pour but de rendre visibles les femmes de la musique et leurs problématiques, mais aussi de leur offrir l’occasion et les meilleures conditions pour se rencontrer. Un projet qui sonne comme une promesse et qu’on devine déjà devenir un rendez-vous prisé.

Que l’on regarde sur scène ou derrière, le constat reste bien souvent le même. Les femmes manquent cruellement et l’évolution de la situation, bien qu’effective, se fait lente. Le 9 février dernier, les chiffres parus dans l’état des lieux sur la présence des femmes dans la filière musicale, publié par le Centre National de la Musique, ont permis de mettre un peu plus en lumière les disparités numériques. Ainsi, l’enquête éclairait le fait qu’aujourd’hui encore les femmes artistes en France sont deux fois moins visibles que leurs homologues masculins. Sur les scènes tout d’abord, puisque l’étude révèle par exemple qu’en 2019, sur 90 festivals de musiques actuelles, la part des femmes dans les programmations était de 14% contre 86% d’hommes. Cette inégalité se multiplie sur l’ensemble des scènes et varie en fonction des esthétiques jouées. Du côté de la diffusion, les chiffres ne sont pas plus glorieux et les problèmes eux aussi perdurent. On découvre ainsi qu’en 2021, parmi les titres commercialisés sur lesquels on trouve des parties chantées, 28% sont interprétés par des artistes dont “la voix est à tonalité dite féminine”, pourcentage similaire dans le top 1000 des morceaux diffusés dans les médias traditionnels que sont la radio et la TV. Si on peut penser que le streaming permette une plus grande variété d’écoute, l’enquête semble nous indiquer le contraire. Pire, il semblerait que les chiffres soient encore moins bons. Or, ces problèmes de visibilité et de mise en avant se répercutent en conséquence sur les ventes, dans les récompenses et in fine sur les moyens accordés pour les projets, la longévité des carrières, etc. Si du côté des professionnel·les, les problèmes de parité ont aussi quartier libre avec pour l’ensemble des champs 60% d’hommes contre 40% de femmes, on remarque toutefois que les effectifs sont plus paritaires, et ce notamment parmi les emplois permanents. Une note positive qui se lie également aux multiples initiatives qui fleurissent. Car il faut bien le dire, qu’il s’agisse des institutions, du secteur privé, des artistes ou du public, la sensibilisation et la prise de conscience des problèmes auxquels sont confrontés les femmes de la musique sont éminentes et on s’en réjouit.

Néanmoins, il semble nécessaire de poursuivre ce travail de sensibilisation, d’exposition et de mise en réseaux des femmes de la musique. Or, c’est toute l’ambition de ce projet qui retient particulièrement notre attention.
Cherchez la femme est un podcast imaginé, écrit, animé et réalisé par Flore Benguigui, et diffusé par Tsugi. Alors que nous la connaissons initialement comme autrice, compositrice, musicienne et interprète au sein du sextet L’Impératrice, Flore s’est également fait (re)connaître pour son engagement féministe. Par ses prises de parole, sa participation à plusieurs initiatives et maintenant la sienne, la musicienne s’est imposée comme une des porte-paroles des femmes de la musique en France. Prenant son expérience pour exemple et cultivant une grande curiosité pour le sujet, elle prend la parole sans jamais tirer la couverture et n’hésite pas à tendre son micro aux autres dès que l’occasion se présente. Sans doute, la création de son projet en est le meilleur exemple. Ainsi, en février 2020, alors que l’Impératrice s’apprête à sortir un album de rupture, Flore dévoile le premier épisode de son podcast et commence à tisser des liens autour et entre les femmes de la musique. Venant donner voix aux récits de ces musiciennes, autrices, compositrices, créatrices mais aussi de celles à la direction d’orchestre ou encore à la technique, elle essaie de rétablir l’équilibre et de rendre à ces figures souvent laissées dans l’ombre ou dans l’oubli, une place dans la grande histoire de la musique. Liant une partie historique à des témoignages en seconde partie, elle rappelle aussi que l’histoire de la musique est également celle d’un matrimoine à (re)construire et que les récits d’aujourd’hui font écho à ceux d’hier et des jours à venir. Sans doute, une des qualités de Flore demeure ici : dans sa capacité à (re)lier. Poussant plus loin cette envie, que l’on peut qualifier de talent, elle a lancé en janvier dernier les Nuits Cherchez la Femme, avec ses trois acolytes et amies Alexandra Nadeau, Morgane Lagneau-Guetta et Sophie Newman. Pour accompagner la deuxième saison du podcast, une soirée sera organisée chaque dernier jeudi du mois sur le thème de l’épisode diffusé le lendemain. Au programme : tables rondes, showcases et dj-sets, de quoi satisfaire un large panel. Ce sera aussi et surtout l’occasion de mettre en avant des femmes, de rendre visibles certains sujets, d’en parler mais également de créer un point de rencontre mensuel qui permette aux femmes de la musique de se reconnaître (grâce à des stickers de différentes couleurs), de se retrouver et pourquoi pas, de planter la graine de futurs projets.

Pour inaugurer ce cycle de Nuits, le rendez-vous était donné le 26 janvier dernier à la Petite Halle de la Villette à Paris, pour parler notamment des compositrices de musiques de films. 

Dès la présentation, le ton est donné : “ce soir le féminin l’emporte”. Pour commencer les festivités, la parole est d’abord laissée aux concernées avec une table ronde. Modérée par Flore, l’échange se fait entre les compositrices Uèle Lamore, Anne-Sophie Versnaeyen et Julie Roué également membre fondatrice du collectif Troisième Autrice. Le postulat initial est simple : les chiffres des compositrices de musiques de films en France sont catastrophiques. À partir de là, nous découvrons au cours de cette discussion les dessous de cette profession de l’ombre. De la difficulté de s’ancrer dans ce milieu à la nécessité de multiplier les casquettes, tout en passant par l’importance d’un éveil aux questions financières et juridiques, les échanges sont variés et balaient bon nombre de nos questions. Au terme de la discussion, le message est clair : il est important de se lancer, d’oser demander et de s’affirmer. Appuyant l’importance d’avoir plus d’exemples féminins, que l’on nomme aussi role models, et de se tendre la main entre femmes, cet échange initial met en exergue l’importance d’une soirée comme celle à laquelle nous avons le privilège d’assister. Si nous aurions aimé que la table ronde perdure tant elle suscite en nous de curiosité, il est déjà l’heure de débarrasser le plateau pour nous laisser envoûter par Sarah Maison.

Accompagnée de la talentueuse Camille Frillex à la basse, la musicienne nous invite dans son univers pop franco-oriental que l’on se délecte comme toujours de retrouver. Sur des envolées quelquefois psyché et toujours maîtrisées, Sarah Maison multiplie les sonorités et les influences pour donner naissance à sa propre constellation. À la clarté du jour ou au milieu de la nuit, elle nous transporte d’un versant à l’autre. Tantôt synthétiques, tantôt mélancoliques, ses chansons se parent toujours d’un grand sens mélodique. Les titres se multiplient et l’on reconnaît Western Arabisant, Muzul et quelques-uns des titres qui figurent sur son EP Soleils. Or, c’est à cet astre que nos souvenirs se réfèrent puisque de ce set, on retient la lumière, l’humour, la générosité mais aussi la complicité tissée entre ces deux musiciennes. 

© Alice Sevilla pour La Vague Parallèle

Pour clore les concerts de cette soirée, c’est au tour de BRÖ de jouer quelques morceaux. En duo avec l’excellent JULIO à la guitare et au piano, la chanteuse nous subjugue par un live où beauté et élégance se conjuguent. Tandis que les envolées vocales se marient parfaitement aux riffs de guitare, l’émotion est palpable. N’en déplaise à celles et ceux qui aiment se fier aux apparences, la tenue intégralement blanche et l’apparente candeur de BRÖ n’en font pas pour autant une femme naïve. Dans ses textes, elle se confie et n’hésite pas à aborder des sujets pleins de gravité. Profitant de la soirée pour tester Bijou, un morceau qu’elle publiera bientôt, la musicienne finit son set par Le pire c’est que je comprends, laissant le public conquis flotter dans une ambiance dense. 

© Alice Sevilla pour La Vague Parallèle

Prêt à être cueilli, le public est fin prêt pour la dernière partie. Et c’est à Emmaï Dee que la mission est confiée. Membre du groupe Bagarre, c’est en solitaire qu’elle s’empare des platines pour un dj-set enflammé. Au programme, on danse et se consume sur des morceaux tels que Glass de Johan Papaconstantino, So Mi Like It de Spice, Toast de Koffee ou encore Drogba (Joanna) d’Afro B. La sélection réchauffe l’ambiance. La piste ne désemplit pas et alors que son set sonne la fin de la soirée, il nous semble bien difficile de partir. Un dernier tour aux stands de la Fondation des Femmes, de Majeur.e.s et des illustratrices Erell Tabourier et Juliette Davis et il est l’heure de voguer dans la nuit, le sourire aux lèvres et le cœur réchauffé par une bonne dose de sororité. 

© Alice Sevilla pour La Vague Parallèle

À vos agendas, les Nuits Cherchez la femme sont en passe de devenir un évènement incontournable, alors ne ratez pas la prochaine soirée prévue le 23 février. 

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