Christian Lee Hutson nous dévoile son monde imaginaire avec Paradise Pop.10
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Auteur·ice : Zoé Leclercq
29/11/2024

Christian Lee Hutson nous dévoile son monde imaginaire avec Paradise Pop.10

Avec son troisième album Paradise Pop.10 sorti en septembre, Christian Lee Hutson nous confirme son talent d’écriture. Adepte de la fiction inspirée de sa vie, il raconte au moyen de chansons les vies de personnages un peu tristes : leurs pertes, leurs amours, leurs regrets. La Vague Parallèle l’a rencontré pour debunk ces histoires qu’il raconte, juste avant son show au Botanique, un jour un peu spécial pour lui…

La Vague Parallèle : Salut Christian, tout d’abord : bon anniversaire !

Christian Lee Hutson : Hello ! Merci, je me sens vraiment vieux. J’ai l’impression que le temps file.

LVP : Comment se passe la tournée ? C’est ta première fois à Bruxelles ?

Christian Lee Hutson : C’est ma première fois à Bruxelles, oui, mais je suis déjà venu à Anvers en première partie de Better Oblivion Community Center. On vient de me faire remarquer qu’Anvers et Bruxelles ne sont pas les mêmes villes (rires). Sinon, la tournée se passe super bien, je suis content.

LVP : As-tu une chanson préférée à jouer en live ?

Christian Lee Hutson : Ça dépend de qui est dans le groupe, donc ça change souvent. Chaque personne qui joue avec moi a son propre ressenti sur une certaine chanson, quelque chose d’unique. En ce moment, c’est Rubberneckers qui est la plus amusante à jouer ensemble. On a aussi réarrangé certaines chansons au piano de mon nouvel album pour qu’elles conviennent au groupe, elles sont aussi très chouettes à jouer.

LVP : On est fans de ton dernier album, Paradise Pop.10 !  On se demande si tu as voulu marquer une différence avec tes deux albums précédents (Beginners et Quitters) qui avaient une direction artistique différente de ce troisième projet.  

Christian Lee Hutson : Je me suis dit que si j’en faisais un autre avec “ers” à la fin, je serai coincé et devrais continuer pour le reste de ma vie (Rires). Alors, pour celui-ci, on n’avait pas de titre en tête au moment de l’enregistrer, puis je me suis souvenu de la ville où mon père a grandi. A l’entrée, il y avait cette petite pancarte qui indiquait la population de 10 habitant·es dans cette petite ville qui s’appelle “Paradise”. Je me suis dit que ce serait un titre cool, ça donnerait une cachet théâtral à cet album qui est composé de toutes ces petites histoires, de ces petits personnages qui vivent dans cette ville fictive. Mon père faisait la blague : “quand on sera les personnes qu’on est censées être, on pourra aller au paradis. Ils nous laisseront vivre dans cette ville. Quand on sera parfait·es, on pourra aller à Paradise, Pop.10.”

LVP : Cela signifie que que c’est un album parfait ?

Christian Lee Hutson : (Rires) Je ne sais pas si c’est un album parfait… Mais je l’aime beaucoup. C’est probablement mon album préféré parmi ceux que j’ai fait jusqu’à présent. Surtout parce que j’aime toutes les personnes qui ont travaillé dessus. J’aime toujours mieux les choses quand il y a plus de gens impliqués. C’est plus difficile de tomber amoureux de quelque chose sur lequel on a travaillé tout seul. Quand je l’écoute, j’entends tout le travail des autres, j’entends des bouts de mes collègues, mes ami·es, leur influence. La collaboration en studio s’est super bien passée, on a beaucoup travaillé avec Phoebe Bridgers (qui a produit l’album, NDLR). Ma copine, Maya (Hawke) et moi avons écrit la majorité de l’album ensemble. Elle a aussi chanté et joué dessus, ce qui donnait une ambiance familiale très chaleureuse. Dans tous mes albums, ce que j’écoute le plus ce sont les moments de génie des autres, c’est l’aspect que je préfère.

LVP : Comment s’est déroulé le processus d’écriture avec ta copine ?

Christian Lee Hutson : C’était génial. Elle est actrice, donc elle était en grève et moi, j’étais pas en tournée. Je me levais tôt le matin pour travailler un peu sur la musique et structurer vaguement une chanson, et elle ajoutait ses idées, me donnait des pistes, ou me rappelait quelque chose que j’avais dit et peut-être oublié. Elle est très douée pour écouter et trouver des choses qui pourraient bien s’intégrer, en plus d’avoir un don incroyable pour la mélodie. A chaque fois que j’étais bloqué, elle arrivait avec quelque chose de magnifique et naturel.

LVP : Pourquoi avoir mis un avion sur la couverture de l’album ?

Christian Lee Hutson : Une grande partie de l’album parle de personnes qui ont quitté leur ancienne vie, sans vraiment être arrivées dans leur nouvelle. Elles ne savent pas encore où elles atterriront, mais elles savent d’où elles viennent. Il y a une sorte de sérénité dans ce sentiment d’être entre deux que j’aime beaucoup dans les voyages : cette impression d’être dans cet espace intermédiaire entre là où on était et là où on sera, mais sans vraiment être nulle part.

LVP : Une de nos chansons préférées de ton album, c’est Fan Fiction. Tu vois tes chansons comme des Fanfictions de ta vie? Combien de toi-même mets-tu dans ton écriture ? 

Christian Lee Hutson : Il y a pas mal de moi dans cet album. Mais plus des petits bouts ou des sentiments que des faits de ma vie. Comme si l’histoire représentait comment je me sentais sur un sujet ou quelque chose que j’avais observé mais pour lequel je ne savais pas vraiment quoi en penser ou comment l’appréhender émotionnellement. Chaque album contient beaucoup de morceaux de moi mais ce serait difficile de trouver dans l’un d’eux quelque chose qui soit tiré directement de ma vie. Je suis un peu superstitieux sur le fait d’écrire de façon autobiographique. C’est un peu injuste pour mes proches d’écrire de façon trop précise sur les événements qui se sont produits.

LVP : Est-ce que ta propre interprétation de tes chansons change avec le temps ?

Christian Lee Hutson : Complètement. Beaucoup, en fait. Mais… mon interprétation est toujours un peu fade. Je préfère vraiment les interprétations des autres. Surtout quand iels donnent une signification assez géniale. Quand mes ami·es, comme Phoebe (Bridgers), décrivent ce qu’ils pensent, c’est toujours beaucoup plus généreux envers la chanson que ce que je pourrais l’être moi.

LVP : Tu parlais aussi de trouver et comprendre tes propres sentiments à travers tes chansons. Est-ce que tu utilises l’écriture comme une thérapie ?

Christian Lee Hutson : C’est sûr. Oui, elle change généralement quelque chose en moi ou me fait reconnaître un schéma de comportement ou une vérité fondamentale de ma psychologie.Ce qui, d’une certaine manière, est ce qu’une thérapie est censée faire. Mais bon, j’ai aussi besoin de pas mal de thérapies en plus de l’écriture de chansons. Elles fonctionnent en tandem, les deux se complètent, ça me semble être une bon équilibre : parler à quelqu’un·e plutôt que de se chanter une berceuse sur sa propre vie.

LVP : Une autre chanson de l’album que l’on adore, c’est Flamingos, et le refrain parle de gagnant·es et de perdant·es. Tu crois vraiment qu’il y a des gagnant·es et des perdant·es dans la vie et les relations ?

Christian Lee Hutson : Non, je ne crois pas. Je ne pense pas que l’amour ou la vie soient un jeu dans ce sens. Je pense juste que le personnage de cette chanson, coincé dans son idéalisation de quelqu’un·e, voit peut-être l’amour et la vie de cette manière. Cela fait partie de son problème : il souffre de raisonnement comparatif. Et c’est le mensonge qui freine ce personnage dans cette histoire. Je pense que beaucoup de gens ont un mensonge fondateur dans leur vie qui influence leur manière de ressentir et d’avancer. C’était un mensonge bien triste que se racontait ce personnage.

LVP : C’est un thème récurrent dans tes chansons : perdre et gagner…

Christian Lee Hutson : Je suppose que j’ai une certaine obsession ou une sorte de résistance envers cette idée. Il semble que j’écris là-dessus parce que je le comprends suffisamment pour être intéressé, mais je méprise l’idée en elle-même. Enfin, mépriser est peut-être trop fort. Disons que j’ai de la peine pour les gens coincés dans cette manière de penser.

LVP : Comme les personnages de ton monde imaginaire (Paradise Pop.10) ?

Christian Lee Hutson : Oui, je connais des gens avec des visions rigides sur l’amour et la vie. Pour moi, tout change constamment, comme si la vie te montrait ce qu’elle est si tu l’écoutes. L’amour, ce n’est pas quelque chose qu’on obtient, c’est quelque chose qui nous trouve, si on est chanceux·se. C’est toujours là, qu’on le reconnaisse ou non.

LVP : Merci Christian pour cet échange, tu as quelque chose de prévu pour fêter ton anniversaire après ton concert au Botanique ce soir?

Christian Lee Hutson : On a tous·tes une dette de sommeil donc je pense qu’à moins que quelqu’un·e ait prévu une surprise, on va juste aller boire une bière et dormir tôt !

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