claire rousay cultive la tristesse et la solitude de la meilleure façon qui soit
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Auteur·ice : Flavio Sillitti
13/01/2022

claire rousay cultive la tristesse et la solitude de la meilleure façon qui soit

| Photo : Nicole Geller

Parfois j’ai l’impression de ne pas avoir d’amis. Rassurez-vous, l’auteur de ces lignes n’essaie pas de vous envoyer un signal de détresse – même si, en y réflechissant bien ? Blague à part, sometimes i feel like i have no friends est le titre du dernier projet de claire rousay, musicienne texane adepte du field-recording intimiste et vaporeux. Après un excellent EP d’ambient bruitiste en avril 2021 intitulé a softer focus, elle revient ici avec un single-track de 28 minutes à la fois évasif et méditatif sur le thème de l’amitié. 

C’est long, 28 minutes. Et pourtant, rousay parvient à occuper l’espace par la simple force des sons, de sa voix et d’une flopée de questionnements existentiels sur la valeur qu’on accorde à celles et ceux que l’on chérit. Tout commence avec un interlude de trois minutes de piano (signées de la pianiste Emily Harper Scott) et de field-recording, parfaits pour planter le décor et nous transporter ailleurs (n’importe où, mais loin). C’est avec un “How many friends do you have ?” que rousay brise le silence (qui n’en était pas vraiment un) avant de s’élancer dans une suite de confrontations toujours plus personnelles et intenses.

am i just using people ?
what do i bring into their lives? i talk about myself too much. i am often negative
sometimes i am kind
what would happen if everyone just turned their back on me one day
am i ready for that?

À la fin de son intervention, les sonorités prennent de l’amplitude avec le violon de mari maurice (aka la compositrice More Eaze) déjà présente sur le projet an afternoon whine de Rousay. La transition parfaite pour basculer dans la partie purement field-recording. Comme le confiait l’artiste au New York Times : “J’enregistre littéralement toute ma vie”. On se retrouve ainsi invité·es à laisser traîner nos oreilles à l’arrière d’un bolide en mouvement ou d’une soirée parisienne bondée. Des sons qui semblent familiers, mais qui se métamorphosent assez naturellement en quelque chose de musical. Quelque chose de bien plus intense que la réalité qui nous entoure : des crépitements de feu, des rires, des cliquetis hypnotisants. Comme une façon pour claire rousay de conjurer l’angoisse de la banalité et de la routine quotidienne.

On a juste le temps d’appréhender ces effusions sonores que le piano de Harper Scott revient nous enrober et nous conduire vers une outro jouissive à base d’accords de guitare lumineux sur lesquels Rousay pose des lignes autotunées berçantes. Une fin de voyage en douceur après un périple riche en bouleversements et en mélancolie, reflet complet de toute la force ambient expérimentale de la compositrice.

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